Dans le cadre d’une
interview accordée à notre Rédaction
« Je suis Fitheb
2018 » est une campagne qui a pris d’assaut, depuis quelques jours, les
réseaux sociaux. A l’origine de cette opération qui prend de l’ampleur, à
mesure que nous approchons du mois de mars, celui mythiquement reconnu comme
étant celui de la Biennale, se trouve un jeune journaliste culturel reconnu pour
son engagement pour les causes culturelles nobles : Esckil Agbo. Les mots
qu’il nous confie sont ceux du constat d’un Fitheb 2018 dénué de signes d’une
organisation imminente de l’événement, à travers l’interview ci-dessous, qu’il
a bien voulu nous accorder. Réponse immédiate à cet état de choses : l’amorce
d’une nouvelle lutte …
Esckil Agbo |
Journal
’’Le Mutateur’’
: Esckil Agbo, journaliste culturel, vous êtes l’initiateur de la campagne
« Je suis Fitheb 2018 » qui
tourne actuellement dans les médias. De quoi s’agit-il concrètement ?
Esckil
Agbo : « Je suis Fitheb 2018 » est une
campagne pour réclamer, revendiquer l’organisation de la 14ème
édition du Festival international de théâtre
du Bénin (Fitheb). Conformément à l’appel
à création que la Direction générale du festival avait lancé, courant le 2ème
semestre de l’année 2017, la 14ème
édition de la Biennale est annoncée pour se tenir en mars 2018. Le mois de janvier a
fini d’égrener ses jours, celui de février a ouvert ses portes. Mais, jusque-
là, nous n’avons aucune information officielle sur la tenue de l’événement. Je
n’arrive pas à comprendre qu’à moins de trente jours du mois de mars, rien n’annonce l’organisation du Fitheb 2018. Nous
n’avons aucune information sur la délibération de l’appel à créations, les artistes devant prendre part à la
biennale ne sont donc pas connus.
L’appel à accréditations,
pour la presse, notamment, n’est pas lancé. En un mot, il n’y a aucun signe de
communication qui promet l’événement. Rien du tout.
Face à cette situation
qui défigure davantage le visage culturel
du Bénin, je pense qu’aucun acteur culturel béninois ne saurait rester
insensible. En tout cas, le comédien, le metteur en scène, le
dramaturge, le scénographe, le conteur, le slameur, le poète, le chanteur, le
danseur qui aime le Bénin et qui aime ce
Festival ne peut rester indifférent à ce sort qu’on lui inflige, d’où la campagne « Je
suis Fitheb 2018 ». Pour emprunter les mots du poète- dramaturge béninois, Daté Barnabé Atavito-Akayi, « le Fitheb ne mourra pas car il n’y a
pas de morgue pour l’accueillir ».
Avez–vous
cherché à connaître ce qui justifie ce silence autour de la tenue de
l’événement ?
Oui ; je ne suis
pas resté dans mon lit pour initier cette campagne. En ma qualité de
journaliste culturel, j’ai cherché et recherché les raisons qui sont à la
source de ce qu’on nous constatons tous.
D’abord, l’appel à
créations de la Direction générale du Fitheb
prouve son engagement à organiser l’événement et, ce, à bonne date, car le mois
du Fitheb est le mois de mars.
Mes investigations
m’ont montré que le problème est au
niveau de la hiérarchie du monde culturel, c’est-à-dire toutes les institutions
étatiques qui sont impliquées dans la tenue du Fitheb. Il s’agit,
singulièrement, de la Présidence de la République, du Ministère du Tourisme, de
la culture et des sports et du Ministère de l’Economie et des finances. Ces
trois institutions ont chacune le pouvoir d’opposition à l’organisation du Fitheb. Curieusement, c’est ce qui se
dessine vaille que vaille.
Vous savez que le Bénin
a récemment vu renouveler son Gouvernement : nous avons un nouveau
Ministre à la tête de la Culture. Ce qui est devenu, depuis quelques années, la
règle à la tête de nos institutions, quand
un nouveau patron arrive : il lance l’opération « Je veux voir
clair dans tout ce qui s’est produit avant mon arrivée », ce qui est
normal. Une fois cette intention lancée, bienvenue à l’éternel recommencement.
On stoppe toutes les activités, même les plus urgentes. Le secteur de la culture
est la proie facile de ce « Je veux voir clair ». Avant l’actuel
Ministre, Oswald Homéky, son prédécesseur, Ange N’Koué, est resté sur place, à
tourner pendant plus de dix-huit mois, sans qu’on ait su véritablement ce qui
se faisait. Son successeur est venu ; nous l’avons applaudi parce que nous
avons vu l’homme agir au niveau des Sports. Mais, jusque-là, nous écarquillons
les yeux et nous ne voyons rien. En tout cas, pour le Fitheb, nous ne voyons
rien. Comprenez donc d’où proviendrait le malaise de la biennale.
La bannière officielle de la campagne |
Comment
la campagne « Je suis Fitheb 2018 » se déroulera-t-elle ?
Notre objectif est
d’aboutir à la tenue effective de l’événement, cette année. C’est une évidence qu’il ne peut plus se tenir en mars,
en tout cas, si on ne veut pas le clochardiser. Alors, nous utiliserons tous les moyens nécessaires
pour amener les décideurs à faire organiser notre événement ; c’est notre
Festival, on ne le laissera pas mourir. Actuellement, nous ne sommes qu’à la
première étape de notre campagne. Au fur
et à mesure que nous évoluerons, vous en remarquerez les autres phases.
Avez-vous
un appel à lancer aux acteurs culturels ?
Le Fitheb est
l’unique événement culturel du
Bénin, dont l’Etat est le principal financeur. Du haut de ses 27 ans de vie, il est à un carrefour décisif. Il est temps qu’on
légalise son financement. Je pense qu’il faut asseoir une politique qui
légifère sur la mise à disposition de la Direction de la Biennale des
ressources nécessaires, notamment, financières pour son organisation, parce que
le problème du Fitheb se trouve à ce niveau. Si l’Etat n’est pas
prêt pour prendre une telle initiative, nous, acteurs culturels, pouvons la
provoquer, c’est-à-dire conduire l’Etat à la prendre.
Propos
recueillis par Marcel Kpogodo