samedi 15 décembre 2018

« Depuis Bohicon, quelque chose doit naître ; cet Appel sera comme un pèlerin qui va sillonner les pays », selon Eric Orphée Gnikpo, sur le Fif 2018

Dans le cadre d’une interview accordée à notre Rédaction

Le ’’Fayolart’s international festival’’ (Fif) se tiendra du 21 au 23 décembre 2018, organisé par l’Association ’’Fayolart kulture’’ dont l’homme de théâtre et de danses, Eric Orphée Gnikpo, est le Président. Il explique à notre Rédaction, pour nos lecteurs, les tenants et les aboutissants de cet événement qui, apparemment, entend faire tache d’huile, de manière intemporelle, à travers un « Appel fort » …

Eric Orphée Gnikpo
Le Mutateur : Bonjour Eric Orphée Gnikpo. Vous êtes le Président de l’Association dénommée ’’Fayolart kulture’’ qui organise un événement, le ’’Fayolart’s international festival’’ (Fif), à l’issue duquel nous aurons l’Appel culturel de Bohicon pour l’Afrique (Acba). De quoi s’agit-il ?

Eric Orphée Gnikpo : Merci à vous. D’entrée de jeu, je tiens à faire une petite précision : quand on parle d’Eric Orphée Gnikpo, on pense aux ’’3L Ifèdé’’ et aux activités que ce groupe mène. Nous nous sommes dit un instant qu’on ne pouvait pas greffer nos ambitions d’un festival international aux activités de cette structure, d’où la création de l’Association ’’Fayolart kulture’’ qui, essentiellement, depuis son enregistrement en 2015, a mentionné l’organisation d’un festival international.
Donc, déjà, en 2016, nous avons lancé les prémices de ce festival en créant le cadre qu’il fallait ; cela s’était passé sans tambour ni trompette. A présent, en 2018, nous en sommes à l’acte 2. Et, comme vous l’avez si bien souligné, au cours de cet événement qui va se dérouler du 21 au 23 décembre 2018, dans les Communes de Bohicon, d’Abomey-Calavi et de Cotonou, il y aura une manifestation majeure : c’est la tenue du Forum africain sur l’économie de l’art. On doit le faire, il a toute sa place parce que, jusqu’à présent, dans le secteur des arts, nous sommes vraiment incompris du politique. Nous qui avons la chance d’être allés, ne serait-ce qu’un tout petit peu, à l’école du Blanc, nous avons le devoir de produire un impact sur ce milieu ; si ce n’est pas le cas, si l’on ne fait pas comprendre aux politiques, si l’on ne fait pas comprendre à nos dirigeants toute l’importance de l’art dans la cité, je crois que ce secteur est voué à l’échec. Vous, vous êtes journaliste culturel ; c’est parce que vous croyez en l’art. Si, ce rêve, tous les dirigeants le partageaient, comme vous, je crois qu’on n’en serait pas à ce stade.
Au cours de ce Festival, ce Forum que nous tiendrons a pour thème central, « Economie de l’art, économie créative face au marché local et international ». C’est autour de lui que les communicateurs vont porter à la face du monde ce qu’ils pensent de la question. Il y aura aussi plusieurs sous-thèmes. Le premier est formulé comme suit : « Economie de l’art, économie créative : ce que c’est ». Pour le développer, nous avons fait appel à un spécialiste sous-régional très bien connu dans ce domaine ; il s’appelle Léonard Yakanou. Ce sous-thème intéresse beaucoup d’acteurs culturels béninois qui m’ont appelé, qui ont manifesté le désir de venir sur ce Forum pour y partager leur vision. Au passage, je salue mon jeune frère, Donatien Gaglozoun, qui est en formation, mais qui m’a dit : « Je ne peux pas être présent, mais tout ce que je connais de ce sujet, je le mettrai par écrit et te l’enverrai ». Il m’a aussi dit : « On ne peut faire l’Appel culturel de Bohicon sans que mes idées n’y soient ». Je l’en remercie.
Le deuxième sous-thème concerne « Les stratégies à mettre en place pour le développement de l’économie de l’art ». Il se déclinera sous la forme d’un panel comportant plusieurs animateurs de grand prestige, dont je vous réserve la surprise de la présence. La liste en est longue et, on a choisi Bohicon à juste titre ; on s’est dit qu’à Cotonou, les participants auraient d’autres programmes et qu’ils n’auraient pas pu se concentrer pour donner le meilleur d’eux-mêmes, il aurait fallu qu’on s’enferme quelque part pour que le travail soit fait, pour la cause de l’évolution de l’artiste.
Quant au troisième sous-thème, c’est une question : « Comment sortir l’artiste africain de la précarité ? ». Il lui sera donné des clés. Comme j’ai souvent l’habitude de le dire, nous connaissons tous les commandements de Dieu, de même que ce qui est bon et ce qui est mauvais. Nous allons nous appesantir sur ce que l’artiste doit faire pour sortir de la précarité ; il lui reviendra de mettre ces principes en application. Le Nigérien Cheikh Kotondi est le communicateur qui sera chargé d’en parler, avec d’autres personnalités d’ici. Enfin, « La gestion de la production » est le quatrième sous-thème qui sera animé par Hermas Gbaguidi, sans oublier que nous appellerons spécifiquement la contribution du Président Coffi Adolphe Alladé.

L'Affiche officielle du Fif
En dehors de ce volet purement intellectuel, nous créerons le cadre qui nous permettra de recevoir, pour le compte du Bénin, deux modèles de réussite ; ce sont des personnalités qui ont évolué, sous nos yeux, sans quitter le pays. Nous les découvrirons au cours du Forum, pour leur faire honneur. Elles partageront avec nous leur parcours et les secrets qui leur ont permis d’arriver à ce niveau de réussite. 
Ce sont donc les quatre sous-thèmes qui seront développés au cours du Forum. Et, quand toutes les têtes pensantes que nous avons identifiées et invitées à nos côtés s’assiéront et réfléchiront sur les conditions de vie des artistes, il y a forcément des résolutions qui seront prises, des solutions qui seront apportées. De façon unanime, toutes ces données seront consignées dans un Appel et, quand on émet un appel, c’est comme un pacte ; en nous levant, nous saurons que, pour sortir notre secteur de l’ornière, il nous faudra, désormais, appliquer un certain nombre de principes, que ce soit du côté des autorités politiques, des acteurs culturels et des artistes.
Cet Appel sera lancé et, ceux qui sont venus de l’extérieur sont déjà prêts à repartir avec lui ; ils nous ont dit : « Nous allons retourner dans notre pays avec cet Appel et, partout où nous passerons, sur tous les festivals africains, nous en laisserons toujours une copie ». Depuis Bohicon, quelque chose doit naître ; cet Appel sera comme un pèlerin qui va sillonner les pays. Donc, nous croisons les doigts ; nous espérons que les muses seront au rendez-vous pour que cet Appel soit vraiment fort, pour qu’il puisse toucher le Chef de l’Etat.
Nous nous sommes dit que nous ferons tout pour rencontrer le Ministre de la Culture, afin de le lui remettre. Nous demanderons aussi une audience à la Présidence de la République pour remettre cet Appel au Chef de l’Etat, tout en espérant que les portes de l’auguste institution nous seront ouvertes.      
En réalité, lorsque l’Acba sera proclamé à Bohicon, le samedi 22 décembre, le lendemain, le dimanche 23, nous serons à Cotonou, au siège du Fitheb et, devant la presse et les acteurs culturels, nous donnerons lecture de cet Appel et nous en remettrons une copie à chaque participant, à chaque Béninois en leur demandant de le faire voyager le plus loin possible. Si celui qui n’accorde aucune importance à la culture arrive à tomber sur cet Appel, cela peut l’amener à changer un tout petit peu.
Mais, votre préoccupation peut être de savoir si notre programme ne comporte pas un volet festif. Comme nous sommes sur un festival, celui-ci a bien sa place.
A Bohicon, nous avons prévu un Village du Fif avec de l’animation ; nous le rejoindrons au sortir du Forum. Pour la circonstance, nous y avons érigé un grand podium. Donc, les populations, les festivaliers, tout le monde pourra s’y retrouver pour passer de très bons moments en compagnie des artistes.


Qui sont ceux qui sont attendus pour faire partie du public du Forum, à Bohicon ?

Le public, ce sont les acteurs culturels de la localité, de Bohicon et d’Abomey. Même si certains d’entre eux sont membres du Comité d’Organisation, nous en attendons une centaine, qu’ils soient des artistes confirmés ou non, des élèves capables d’inverser l’ordre des choses dans leur secteur, de même que des journalistes.


Avez-vous un message à lancer ?

Je veux remercier la Direction du Fonds des Arts et de la culture. Je le dis parce que, depuis que cette institution existe, c’est la toute première fois que nous recevons un accompagnement de l’Etat. Donc, de ma position, je me dis que quelque chose a changé simplement dans le système. J’en profite pour remercier le Directeur général du Fac, M. Gilbert Déou Malé, de même que le Ministre Oswald Homéky. Au passage, je demanderais au Chef de l’Etat de multiplier les actions en faveur du Fonds des Arts et de la culture, pour le salut et le rayonnement de la culture.

Propos recueillis par Marcel Kpogodo 

vendredi 14 décembre 2018

Stan Tohon fait connaître son dauphin artistique

A l’occasion du Festival 2018 du ’’Tchink system’’

La nuit du samedi 8 décembre 2018 s’est révélé grandement mouvementée au quartier de Hèvié, au domicile du monument de la musique béninoise, le Roi du ’’tchink system’’, Stan Tohon. En effet, il s’y déroulait une nouvelle édition du Festival lié à ce rythme musical qu’il a mis au point, ce qui a permis au public d’assister à deux manifestations, de manière simultanée, dont la présentation de son héritier musical.

De gauche à droite, Stan Tohon et Prince Guédessi, sur scène, à Hèvié
Prince Guédessi. Le nom d’artiste du jeune chanteur béninois que la vedette Stan Tohon a présenté comme son héritier artistique au public qui a fait massivement le déplacement du Festival du ’’Tchink system’’, financé avec le concours du Fonds des Arts et de la culture, qui s’est déroulé de la profonde nuit du samedi 8 au petit matin du dimanche 9 décembre 2018, à l’Espace ’’Tohon Stan Ibitosh’’, logé au sein du domicile de l’artiste, ceci dénommé ’’La forêt sacrée’’, dans le quartier de Hèvié, de la Commune d’Abomey-Calavi.
« J’ai une importante révélation à vous montrer », avait annoncé à quelques journalistes, qu’il avait accepté de rencontrer, Stan Tohon, s’engouffrant dans une certaine stratégie pour donner au suspense toute sa place et sa force. En effet, le Festival 2018 du ’’Tchink system’’ a, sur l’initiative de son promoteur, ouvert une lucarne sur une manifestation de reddition d’hommage. L’heureux élu n’était personne d’autre que le compatriote béninois qui, après avoir passé plusieurs années en France, en était revenu avec, en mémoire, son système de distillerie d’alcool, qu’il a appliqué au Bénin, ce qui a contribué à donner naissance à l’alcool local qui, depuis, porte son nom : le ’’Sodabi’’. Il y en avait donc, sur les tables dressées en face du podium des spectacles, à déguster à profusion, moyennant une certaine somme d’argent, de même que des produits de la Société béninoise de brasseries (Sobébra) puis  d’autres marques d’alccol importé et de la viande grillée !
En outre, dans un programme bien élaboré, ’’Papy Grande’’ avait laissé le soin à son équipe d’organisation de faire défiler, au micro, une bonne brochette d’artistes de la chanson ; ceux-ci avaient en commun la pratique du ’’tchink system’’, à part un orchestre de doyens à qui fut donné l’honneur d’ouvrir la succession par du ’’massègohoun’’ pur, de la Vallée de l’Ouémé, très apprécié par le public dont plusieurs membres n’hésitaient pas à aller décorer le front des chanteurs qui les impressionnaient le plus de toutes sortes de coupures de billets de banque, selon la fortune de chacun. Même le propre rejeton de l’immense Yédénou Adjahoui, a pu démontrer de la présence en lui d’une relève artistique de qualité, à travers sa pratique vocale d’une originalité paternellement inspirée, éveillant une forte nostalgie chez plus d’un.
« De quelle révélation s’agissait-il ? », s’interrogeait-on dans certains rangs spécifiquement journalistiques. La réponse se faisait désirer pour révéler son contenu et les jeunes ’’tchinkeurs’’ se succédaient au podium, eux parmi lesquels il fallait compter une artiste chanteuse béninoise bien expérimentée : Gisèle Ash qui, par son nouvel album en préparation, marque sa connexion avec le rythme sorti des entrailles d’inspiration du Roi, avec un atout de taille, l’onction du Papy !
Dans la nuit s'approfondissant plus que jamais, colorée, à l’intérieur de la ‘’forêt’’, et d’un noir redoutable, à ses alentours extérieurs, il sonna une heure du matin quand sonna le glas de l’absence de Stan Tohon. Les liquides alcooliques coulaient à flots, humidifiant les papilles, rinçant les gosiers, déliant les langues, euphorisant les mouvements, certains venant produire de vigoureux pas de danse au-devant de la scène. Les dents écrasaient des morceaux rebelles de viande de cochon ayant, au début, rimé opportunément avec le ’’massègohoun’’ de service, les mâchoires restaient en harmonie avec la bougeaille.
En une tenue de concert, scintillante et claire, le très attendu finit par faire son apparition, se baignant, en même temps, dans l’un de ses anciens morceaux, en play-back, de sa grosse voix. Des applaudissements nourris l’accueillirent. De morceau en morceau, il s’assit, d’abord à même le sol puis, progressivement, dans un siège. Mise en place du dernier acte de la soirée, du Festival : la stratégie paternaliste. Un jeune était venu, entre temps, interpréter avec lui des chansons cultes : Prince Guédessi. Finalement, il le présenta et dévoila : « Voilà mon héritier ». Et, c’était parti pour des duos entre père et fils spirituels. Prince Guédessi venait d’être adoubé.


Prince Guédessi, dans ses états

De son vrai nom Christian Adahè, Prince Guédessi, qu’on peut désormais appeler le fils spirituel de Stan Tohon, est originaire du quartier d’Adandokpodji à Abomey, comme, d’ailleurs, le Feu Riss Cool avec qui il entretenait des liens fraternels, surtout qu’ils partageaient la pratique du ’’tchink system’’ originel de son inventeur, chacun l’adaptant à son ressenti spécifique : le tchinké dance’’, pour le défunt, une variante à laquelle Prince Guédessi s’accroche plus que jamais, comme pour continuer à faire vivre Riss Cool, comme pour l’immortaliser dans le monde, pour « immortaliser son concept ». Repéré par le Roi, ce jeune chanteur, qui pratique la musique depuis deux paires d’années, trouve à son actif l’expérience de festivals, de concerts et du Conavab. Armé du ’’klobo music’’, sa version du rythme de son père spirituel, le voilà face au défi de sa grande responsabilité artistique.

Marcel Kpogodo