mardi 15 septembre 2009

edou au bénin


Musique béninoise



Edou: '' [Mon album] est un album de très haut niveau ''



Edou, de son vrai nom Edouard Ayidomèhou, a fait l’objet d’une grande curiosité auprès de ses compatriotes béninois, après la sortie de son premier album, Un mot. A travers cette interview qu’il vient de nous accorder, il lève un coin de voile sur tout ce que les Béninois voulaient savoir sur lui : son évolution dans le monde musical, les thèmes qui lui sont les plus chers, la psychologie qui est la sienne, … Voilà Edou dans tous ses réels états !



Marcel Kpogodo: Bonjour Edou. Depuis la sortie de votre premier album, il y a quelques mois, vous êtes à la mode actuellement à Cotonou. Vous êtes musicien béninois mais, quel est votre parcours, vous êtes parti d’où pour arriver à ce niveau ?


Edou : D’abord, je vous remercie. Je me présente : Edou, artiste-chanteur. Mon parcours : je suis parti d’abord de la Côte d’Ivoire, où j’ai reçu une formation au sein d’un groupe qui m’a, très jeune, découvert et qui est l’orchestre de l’Université d’Abidjan, où j’ai eu mes premiers pas, en tant que chanteur. Et, après, dans le même temps, il n’y avait pas de chanteur. Donc, j’ai été chanteur leed de cet orchestre. Ensuite, dans le même laps de temps, j’ai pu rencontrer Meiway qui a été émerveillé lors d’une répétition avec ses musiciens ; j’étais avec l’un de ses choristes, qui a demandé à ce que je les aide à chanter, vu que Meiway n’était pas là et que je connaissais pas mal de chansons de lui. Et, comme Meiway était un modèle pour moi à cette époque, je maîtrisais en fait tout son répertoire. Donc, plus d’une heure après, pendant la répétition, Meiway est arrivé lui-même répéter, il m’a vu en train de chanter ses propres chansons, il était étonné parce qu’il n’avait jamais rencontré un petit garçon en train de chanter sa chanson, exactement comme lui, dans la même gamme. Je pense que c’est ce qui l’a vraiment ébloui ; il a demandé si je voulais être recruté au sein de son orchestre pour recevoir une formation de chanteur et de chanteur-choriste, ce que j’ai accepté, parce que je pense bien que toute personne n’aurait pas refusé une telle offre. Donc, c’est parti comme ça ; dans la même année, j’ai fait la connaissance de Nayanka Bell également, qui m’a recruté pour être son choriste. Ainsi de suite. Au sein de l’orchestre de l’Université, on arrivait à accompagner des artistes, d’où je jouais le rôle également de choriste de ces artistes-là : il y a eu Tiken Jah Fakoly, le groupe RAS, Mathey, Alice Sofa, David Tayrault, en fait, pas mal d’artistes. Toutes ces formations m’ont amené à partager des scènes dans de grandes salles du Palais des Congrès, de l’Hôtel Ivoire, toujours à Abidjan, avec le groupe Extra Musica, Wenge Musica Maison Mère et Wenge Musica BCBG, j’ai partagé des scènes où j’étais choriste, pour Nayanka Bell, toujours dans certaines grandes salles de l’Hôtel Ivoire, j’ai eu l’opportunité d’être choriste d’un soir de Lokua Kanza qui est une référence, une grande figure de la musique africaine. Partant de là, avec tout ce parcours que j’ai eu à un moment donné, j’ai senti le besoin de connaître mes origines ou de venir apprendre à connaître mes origines béninoises. Donc, c’est comme ça que je suis arrivé au Bénin et, de manière inattendue, j’ai eu la proposition, comme cela, de travailler dans un orchestre ici, au Restaurant Le Berlin, qui était le groupe Feeling Stars de Monsieur Rock Quenum ; j’ai travaillé avec cet orchestre pendant un an et demie. Et, après, j’ai été sollicité pour être chanteur dans certains cabarets de la place, ici à Cotonou. Je pense que c’est toute cette expérience-là qui m’a servi aujourd’hui également de pouvoir rencontrer un producteur de taille, à qui je ne dirai jamais assez « Merci », parce qu’il a cru en la capacité vocale que j’avais, au talent, en ma petite personne et, je pense qu’il a eu confiance, il a investi, il a mis les moyens qu’il fallait pour produire un album de bonne facture. Je pense que c’est tout ce travail qui s’est fait, avec toute l’expérience acquise, qui a donné naissance à l’artiste Edou que je suis.



On peut avoir le nom de ce producteur ?

Monsieur Jules Gbaguidi.



Votre album comporte combien de titres ?



Mon album comporte dix titres. C’est un album riche en couleurs et près de 70% de ses textes parlent d’amour, sur plein de bords. Dans cet album, j’interpelle également à ce que chacun de nous puisse croire en ce qu’il fait et que, dans la vie, il ne faudrait jamais baisser les bras, il faudrait toujours croire en ce que nous faisons ; il y a une heure qui vous est proprement destinée et, par rapport à cette heure-là, quand elle sonne, nul ne peut la retenir. Je pense que ça a été la mienne, cette année, et je demande à ce que chacun de nous tous, autant que nous sommes dans ce monde, que chacun puisse garder un espoir et croire à son jour
En dehors de cela, il y a une chanson où je rends grâce à Dieu pour tous les bienfaits qu’il m’a accordés et je parle également à certaines personnes qui se découragent dans la vie ; je leur demande de ne pas se décourager, de croire en Dieu, parce que, quel que soit ce qu’on fait, quel que soit ce qu’on se fixe comme but dans la vie, il faudrait croire en Dieu parce que, à un moment donné, Dieu vous donnera la chance. J’ai énuméré comme ça, à travers cette chanson, l’histoire d’un employé qui est resté longtemps, pendant des années à la servitude, et qui ne croyait plus à la réussite, qui a confié sa destinée à Dieu, afin que Dieu lui donne la chance de pouvoir être un jour autonome et ne plus dépendre de quelqu’un.
Vous avez également d’autres textes qui parlent de séparation douloureuse entre monsieur et madame, qui se sont séparés sur un coup de tête. Voilà, il y a un peu de tout.


A travers quels rythmes musicaux il faut vous identifier ?



C’est d’abord un premier album. Pour des personnes comme moi qui ont eu à toucher à un peu de tout - parce que nous passons de cabaret en cabaret et qu’on arrive à faire tout genre musical -, il n’est pas évident de faire un album et qu’il soit accepté ; cela ne signifie pas que je suis en train de dire qu’on ne peut pas avoir fait tout ce trajet et faire un album dans un seul genre et ne pas réussir. Mais, moi par exemple, j’ai fait un peu de tout, parce que, réellement, j’ai été un chanteur à variétés, dans presque tous les genres de cabarets, j’ai fait des chanteurs africains, j’ai fait juste des standards, j’ai fait de la variété française, du zouk, un peu de tout. Donc, pour un premier album, s’il n’en tenait qu’à moi, j’aurais fait de la world music à coloration internationale et africaine, du genre Lokua Kanza et Garou. Mais, c’est vrai que tous ceux qui m’ont vu sur des scènes, des gens m’ont dit : « On aimerait bien que tu nous fasses danser, puisque tu nous as habitués à ça. » Donc, c’est dans cette optique que j’ai fait un album à variété africaine. Et, maintenant, je pense que ce qui aurait beaucoup plus plu aux gens, c’est dans cette optique-là que je travaillerais pour le deuxième album et pour les autres albums à venir.



On a vous a vu en featuring avec Ardiess Posse. Cela a quelle signification ? Est-ce que cela est la manifestation de votre intégration à la musique béninoise locale ?




En fait, je dirais que ça n’a pas de signification ... Ardiess, c’est une expérience pour montrer un tout petit peu aux gens qu’on peut associer un chanteur à un rappeur, qu’on peut associer par exemple des rappeurs à tout genre musical. Et, je pense que j’ai demandé à mes amis et frères du groupe Ardiess de pouvoir intervenir sur une chanson qui ferait une ambiance africaine internationale ; cette expérience a été bonne, c’est une chanson qui cartonne, qui plaît à beaucoup de personnes. Donc, je dirai que si cette expérience était à refaire, je la referais volontiers.



Actuellement, tu es à Cotonou. Quels sont tes projets immédiats ?



Mes projets immédiats, présentement : pouvoir permettre au peuple béninois d’être accessible à l’album d’Edou. Et puis, les projets à venir, ce sont mes voyages, mes tournées, ainsi de suite.



As-tu un dernier mot à l’endroit de tes fans, de tes admirateurs ?



A l’endroit de mes fans, honnêtement, j’avoue que je me posais pas mal de questions, à savoir si mon produit allait plaire au public béninois. Et, j’ai eu à le dire, il y a trois semaines, lors d’un spectacle, à Cotonou ici, où j’étais : j’ai été très ému, je le suis encore, de la manière très réceptive dont a réagi le peuple béninois. Honnêtement, je ne m’y attendais pas … Vous voyez, je vous en parle, j’en ai même la chair de poule, je ne m’y attendais pas ; et ça, ça m’a fait et ça continue de me faire un grand plaisir. J’étais également à certaines émissions sur certaines chaînes radiophoniques où j’ai vu la population appeler de Malanville, de Parakou, de Djougou, de Sèhouè, de Savalou, ainsi de suite, de Porto-Novo, même de Cotonou. Honnêtement, je ne m’y attendais pas, j’avoue que je reçois énormément de coups de fil … Franchement, ça fait un chaud au cœur de se sentir apprécié par la population béninoise. Et, moi, honnêtement, je remercie toute cette nation béninoise qui est réceptive à l’album et à ceux qui viendront également par la suite ; je la prierai de bien consommer cet album, sans hésitation, parce que c’est un album de très haut niveau. En reconnaissance à la manière réceptive du peuple béninois vis-à-vis de cet album, je prends l’engagement – une grande promesse, je dirai – de faire en sorte à ce que le deuxième album d’Edou soit spécialement pour le peuple béninois, une façon pour moi de dire « Merci » à la manière dont il a accepté le premier album ; je ne m’y attendais pas. Je lui dis gracieusement et énormément « Merci » ; le deuxième album, franchement, il n’en sera pas déçu, il n’en sera pas déçu.



Propos recueillis par Marcel Kpogodo

vendredi 4 septembre 2009

liberté de la presse: nouvelle création théâtrale au Bénin


A propos de la très prochaine représentation de sa nouvelle pièce sur la liberté de la presse



Patrice Toton : « […]Quand tu tues un journaliste, il en naîtra une vingtaine d’autres … »



La presse et les fondements de son exercice préoccupent plus d’un esprit aujourd’hui. Parallèlement, dans les prochains jours, le monde du théâtre béninois verra naître une pièce consacrée à la liberté de presse et au travail délicat des journalistes : Dans l’arène du fou. Son auteur, Patrice Toton, nous parle plus profondément de l’œuvre, à travers cette interview qu’il a bien voulu nous accorder.


Marcel Kpogodo : Bonjour Patrice Toton, tu es en train de travailler sur une nouvelle création intitulée Dans l’arène du fou, et qui est prévue pour être jouée courant décembre 2009. Peux-tu nous parler un peu de cette pièce ?


Patrice Toton : Bonjour Marcel. Je te remercie pour la question et pour l’intérêt que tu accordes à ma modeste personne. Je suis comédien, conteur et, par moments, j’essaie de faire de la mise en scène, puisque j’ai évolué, j’ai fait une école de théâtre, l’Ecole internationale de théâtre du Bénin, dirigée par Alougbine Dine. Sorti de cette école-là, il est important pour moi d’organiser une carrière dans laquelle la comédie a une place, le conte a une place, la mise en scène a aussi une place. Mais, dans mes nuits, dans mes insomnies, dans mes heures de distraction, dans mes heures de contemplation et de réflexion, je cogite un peu sur l’homme, sur les faits, sociaux, sur l’humanité, sur la tradition, sur l’histoire du monde, sur même l’histoire du théâtre. Et, ça me tente d’écrire quelques fois ; je n’écris pas forcément parce que je suis auteur, parce que je veux devenir grand auteur, mais j’écris pour traduire quelque chose, pour mettre sur papier ce que je sens, ce que je pense, pourvu que cela soit utile aux autres et à moi-même, à partir d’un certain moment.
Donc, c’est en faisant justement cela que j’ai réussi à écrire une pièce que j’ai titrée Dans l’arène du fou. Cette pièce, j’ai commencé à l’écrire depuis 2003 ; ça a connu des étapes, ça a été joué comme création ou spectacle test, sur le Festival d’Orden Alladatin en 2003 à Parakou. Après, j’ai repris une autre version, j’ai participé à des chantiers d’écriture à Cotonou, organisés par La Comédie de Saint-Etienne, j’ai repris encore une autre version et, en 2007, j’étais à Lomé, à un autre chantier d’écriture, organisé par La Comédie de Saint-Etienne et les Ecritures vagabondes, je crois, ou Escales d’écriture. A cet Atelier-là, j’ai encore travaillé sur la pièce avec le grand auteur, Slimane Benaïssa, qui est un Franco-algérien, qui m’a donné des consignes que j’ai exécutées et, enfin, j’ai une version plus ou moins finalisée de la pièce Dans l’arène du fou, que j’ai entrepris de mettre moi-même en scène, avec des comédiens professionnels béninois.


De quoi parle cette pièce ?



Je remonte dans le passé ; il y a un journaliste qui a été assassiné au Burkina Faso, qui s’appelle Norbert Zongo, en 1998, je crois bien. Ce fait de société m’a marqué, comme la mort de Sankara m’a marqué. Je ne suis pas révolutionnaire, mais je suis un admirateur de tous ceux qui se battent pour une cause commune, pour une cause noble. Et, je classe, moi, les journalistes dans cette catégorie d’hommes qui se sacrifient, qui donnent leur intelligence, qui donnent leur savoir à tout un peuple, à toute une nation, qui mettent leur vie au service du peuple. Donc, je suis sensible à ces personnes-là ; tout ce qu’ils font m’intéressent. Du coup, la mort de Norbert Zongo m’a marqué et j’ai décidé de contribuer à mettre fin aux sévices que subissent les journalistes, mais je voudrais donner mon opinion sur cet état de choses et montrer l’importance du journaliste dans une société démocratique, donc, montrer l’importance du quatrième pouvoir dans une société de droit. Alors, ma pièce est essentiellement axée sur cela, sur la protection du journaliste et sur l’enracinement de la démocratie. Dans cette pièce-là, je défends la cause des journalistes. Sans être trop dans de la sensibilisation, j’écris une pièce tout simplement, mais dans cette pièce, il est bien question de la dépénalisation des délits de presse, de la protection des journalistes, de la bonne gouvernance, de l’enracinement de la démocratie ; il est aussi bien question d’une pièce de qualité, au service d’une démocratie durable qui profite à tout le peuple.



Pouvons-nous avoir un petit résumé de la pièce ?



Il s’agit, dans cette pièce, d’une histoire très banale ; je raconte l’aventure d’un journaliste évadé de prison donc, un journaliste en cavale, qui est recherché par le gouvernement, parce qu’il détient des informations qu’il menace de publier, des informations top secret, des informations qui en diront beaucoup sur la mauvaise gouvernance, sur les crimes crapuleux du pouvoir, sur les détournements, sur les violations de la loi fondamentale, sur, également, le blanchiment d’argent, sur tout ce qui salit l’image de nos gouvernants, de nos Etats, de nos peuples, et qui les opposent, la plupart du temps, aux journalistes. Alors, ce journaliste évadé, pour rester en contact avec l’actualité, va prendre la place de son frère jumeau qui est un fou. Celui-ci avait érigé domicile dans un vieil immeuble que j’appelle l’arène du fou ; il va se substituer à son frère le fou qu’il ira cacher quelque part dans les égouts du Palais de la liberté, qui est en face du Palais de la République. Donc, il a pris la place du fou et il suit l’actualité. Comme le pouvoir s’est mis à la recherche du journaliste, il a appris qu’il est allé rendre visite à son frère le fou, avant de disparaître ; le fou est devenu très célèbre du fait que son frère journaliste lui aurait rendu visite. Les policiers, la femme du journaliste évadé, le pouvoir incarné par le ministre de l’intérieur et de la défense nationale, le représentant des journalistes, tout le monde sonne à la porte du fou qui est devenu, du coup, célèbre, sans que personne ne se rende qu’en fait le fou dont il s’agissait en ce moment-là, c’était le journaliste lui-même. On a découvert le pot-au-roses à la fin de la pièce qui bascule en drame ; le ministre a trouvé la mort, ainsi que l’un des policiers chargés de traquer le journaliste en cavale, un peu pour dire qu’il faut renouveler le pouvoir, qu’il faut que le pouvoir change de vision à l’endroit des journalistes et que le pouvoir, qui est un pouvoir oppresseur, doit partir et disparaître, pour que vive le pouvoir qui collabore avec le journaliste, qui lui tend la main. A la fin du spectacle, la dernière phrase est dite par le policier survivant, au journaliste et au porte-parole des journalistes : « Vous êtes libres, vous n’avez rien à craindre, le président ne viendra pas, vous êtes libres ». Donc, c’est une manière de dire : « Le pouvoir vous renouvelle toute sa confiance, le pouvoir vous renouvelle son attachement, le pouvoir comprend votre importance et, ensemble, nous allons œuvrer pour l’assainissement de la maison, pour la bonne gouvernance, pour que le peuple vive en paix et que les richesses du pays soient équitablement partagées entre tous ». C’est de cela que je parle.



Tu dis avoir entamé Dans l'arène du fou depuis 2003, mais on constate qu’elle est d’une réelle actualité …



C’est une bonne et belle coïncidence et cela va demeurer ainsi, parce que, je ne suis pas grand auteur, mais je pense que, pour qu’une œuvre théâtrale dure dans le temps, c’est qu’elle parle des événements présents, et continue de parler des événements futurs ; c’est ce que j’essaie de faire. Cette pièce parle, en général, de la liberté de presse, de la liberté d’expression, de la protection du journaliste, de l’enracinement de la démocratie, mais, ces questions ont été abordées depuis la nuit des temps, depuis les siècles passés par de grands auteurs : Victor Hugo parlait déjà de l’Etat de droit, de la libre expression et, on continuera de parler de cela, durant les années, les siècles qui vont venir. Il faut juste savoir aborder le sujet pour que cela reste universel, pour que cela reste un sujet de tous les temps. Et moi, c’est ce que j’ai essayé de faire. S’il plaît à Dieu – j’exagère, ce n’est pas une question de Dieu – mais, qu’il plaise au temps, cette pièce restera l’allié du temps, donc une pièce de tout le temps.



Peut-on dire que Dans l’arène du fou est une pièce de dénonciation ?



En partie, oui, dans la mesure où l’allusion est faite à beaucoup de crimes commis, comme la mort de Norbert Zongo, la disparition mystérieuse de Frédéric Nérac en Irak, l’assassinat crapuleux de Jean Hélène en Côte d’Ivoire, de Michel Congo en RDC, ainsi de suite. Donc, cette pièce fait allusion à tant de crimes, à tant d’actes crapuleux commis sur des personnes de journalistes, ce qui permet de dire que c’est une pièce de dénonciation. C’est aussi une pièce de vision, une pièce de révélation, une prophétie pour dire que, quel que soit ce qu’on fera à l’endroit de la presse, elle est immortelle, elle demeurera immortelle, et qu’il est juste de comprendre et d’accepter, malgré tout, que la presse constitue un quatrième pouvoir, et qu’il faut faire avec ; il faut conjuguer avec la presse, si on veut garder durablement l’Etat de droit, la démocratie. Si on veut cultiver effectivement la bonne gouvernance, il faut comprendre et accepter qu’on ne saurait arracher à tout un peuple la liberté d’expression. Parlant de liberté d’expression, les journalistes représentent donc vraiment cette liberté d’expression dans un Etat de droit.



Est-ce que tu penses te servir de cette pièce pour produire un impact réel sur la situation de la presse au Bénin ?



Justement, c’est pour cela que nous avons entrepris de monter cette pièce en ce moment précis, dans la mesure où, tout d’abord, le problème de liberté de presse reste un problème majeur au Bénin, puisqu’il n’y a pas d’année où on n’entend pas parler de répression sur les journalistes, de journalistes martelés, de journalistes emprisonnés. De deux, nous sommes presqu’en fin de mandat ; il sera question bientôt d’élections présidentielles et d’élections législatives couplées et tout cela interpelle la presse et le pouvoir. Vous connaissez autant que moi, en tant que journalistes, le comportement du pouvoir en ces moments sensibles, vous connaissez également l’engouement des journalistes en ces moments délicats. Nous sommes dans le besoin d’arbitrer, de dire : « Faites attention ! », nous sommes dans le besoin de solliciter une presse de qualité au service d’un pouvoir et d’un Etat conscients de l’importance de la presse, d’un Etat conscient de l’utilité de la presse au service de la démocratie, du développement, de l’Etat de droit. C’est très important pour nous de monter cette pièce en ce moment, de parler, à la fois, à la presse, aux organes de presse, aux journalistes, comme nous parlerons également au pouvoir en place, pour que la paix soit sauvegardée, pour que notre démocratie soit durable, pour que le quatrième pouvoir soit respecté et qu’il respecte le pouvoir exécutif, et que l’Exécutif respecte le quatrième pouvoir, et que le législatif soit impliqué et, élabore les lois. Comme nous parlons de dépénalisation, nous voulons l’interpeller aussi ; cette pièce va interpeller aussi le législatif pour lui dire le besoin d’élaborer des lois pour protéger les journalistes, dans un Etat de droit comme le nôtre. Nous avons tous besoin que la démocratie prospère, que le peuple prospère dans la paix et dans le partage des richesses nationales. C’est ce que nous pensons faire et c’est utile en ce moment.



Qu’en est-il de la distribution des rôles au niveau des acteurs ?



Cela est bien provisoire, puisque nous sommes encore en pleine réflexion autour du casting, quand bien même il est déjà très clair que la pièce sera montée. Il y a, en tout et pour tout, six personnages dans cette pièce et, vous pouvez être rassuré que ces rôles seront confiés à des comédiens professionnels qui ont déjà apporté plus d’une fois la preuve de leur talent, de leur ambition de continuer au théâtre, de continuer à faire du théâtre, d’évoluer dans le théâtre et de mettre leur talent au service de leur nation.
En plus des six comédiens qui vont interpréter les six personnages de la pièce, il y aura un septième acteur qui sera un musicien et qui va jouer du talking-drum, ce que nous appelons en nago le « guinguin » ; il va accompagner, à un moment donné, l’action du porte-parole des journalistes.



On connaît Patrice Toton comme l’un des acteurs béninois ayant une diction remarquable. Est-ce que tu penses interpréter l’un des six rôles de la pièce ?



Je ne crois pas, je ne crois pas. Ce n’est pas possible, parce que, tout simplement, on nous reproche déjà au Bénin, nous, acteurs, culturels, comédiens, d’embrasser beaucoup de choses à la fois. Quand bien même je trouve utile et nécessaire, à la limite, indispensable qu’on ait plusieurs cordes à son arc, il faut quand même tirer une seule corde à la fois. Du coup, je voudrais être à la mise en scène, je voudrais mettre ma vision de metteur en scène au service de cette création, et permettre à d’autres comédiens de s’exprimer en tant que tels et de mettre leur talent aussi au service de cette création.



Un dernier mot ?



Avant d’en arriver au dernier mot, nous allons encore en dire deux qui sont pour moi très importants. Le premier concerne l’utilité de notre théâtre ; il est important aujourd’hui qu’on croie en ce que font les hommes de théâtre, il faut croire que le théâtre constitue une discipline artistique noble, et que le théâtre doit cesser tout simplement, pour des pays comme le nôtre, d’être juste un objet de distraction et devenir un objet de développement ; il faudrait que le théâtre soit un théâtre utile, que notre théâtre parle, que notre théâtre touche durablement, que notre théâtre contribue à changer quelque chose au sein de notre société. Et, c’est vers ce type de théâtre que nous tendons, c’est ce type de théâtre que nous voulons offrir au peuple béninois, c’est un théâtre de développement, c’est un théâtre au service du peuple, au service de la nation ; c’est ce que notre association, l’association Katoulati s’évertuera à faire, dans les années à venir.
Le deuxième mot concerne la manière dont nous allons procéder pour réussir ce projet. C’est d’abord de remercier ceux qui collaborent déjà avec nous et qui croient en ce projet, comme le Ministère de la Culture, de l’alphabétisation et de la promotion des langues nationales qui, à travers sa Direction du fonds d’aide à la culture, subventionne cette création, en nous accordant une aide substantielle qui nous permettra de supporter les charges de décor et de costumes. Mais, il reste beaucoup d’autres charges auxquelles nous allons faire face pour que ce projet soit une réussite. Alors, nous nous faisons d’office l’honneur d’y associer tous les organes de presse béninois, tous les journalistes béninois ; autant qu’ils se sentent utiles à quelque chose, qu’ils nous contactent et qu’ils apportent leur pierre à l’édifice, comme on le dit. Nous nous faisons l’honneur d’y associer aussi la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication, à travers son Président, le Ministère de la Communication et des nouvelles technologies, les Ambassades et toutes les structures qui se battent pour la liberté de presse et la protection du journaliste, et aussi pour l’enracinement de la démocratie. Que toutes ces structures retiennent que nous sommes ouverts pour collaborer avec elles et, d’office, leur nom est impliqué à ce projet qui est un projet utile pour notre peuple.
Pour finir, je voudrais dire que ce projet est celui de tout le peuple béninois, de la communauté internationale, de tous les journalistes et, comme nous l’avons su les qualifier dans cette pièce de théâtre, l’océan est trop petit pour les contenir ; nous voudrions aussi que le monde soit trop petit pour contenir cette pièce de théâtre, nous voudrions, comme nous l’avons décrit dans cette pièce, que la presse, quand on la tuera, quand on la détruira, elle se reconstituera dans les minutes qui vont suivre. C’est ce que nous avons dit dans la pièce : quand tu tues un journaliste, il en naîtra une vingtaine d’autres ; c’est comme cela que nous souhaiterions que les échos de cette pièce retentissent et ne cessent de retentir, parce que dès que ce projet est mis en ondes, dès que ce projet est mis sur la toile, il cesse d’être le nôtre, il devient le projet de la Haac, du Palais de la République, de l’Ambassade de France, du Centre culturel français, du Fitheb, du théâtre béninois, de tous les acteurs culturels béninois, de tous les organes de presse, de toutes les entreprises béninoises qui pourront se faire de la visibilité par cette action que nous qualifions de la plus grande action du théâtre en faveur de la presse béninoise et de la presse universelle. Nous n’allons pas arrêter de nous obstiner, nous n’allons pas arrêter de croire en la réussite de ce projet et, inch’Allah, ce sera ainsi.


Propos recueillis par Marcel Kpogodo

Pour contacter Patrice TOTON :
Tél. : (00229) 97 607 209 / (00229) 93 260 388
E-mail : patotcool@yahoo.fr