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mercredi 25 novembre 2015

’’La bombe végétale à trois roues’’, contraste sensibilisateur de Laurie Castel, à l’Institut français

Dans le cadre de la prochaine Cop 21 à Paris


La Conférence des Nations unies sur le climat (Cop 21) de décembre 2015 à Paris a suscité la tenue d’une exposition à Cotonou. Dénommée ’’Rdv climat’’, et abordant le thème du changement climatique, elle se tient depuis le 3 octobre dernier et est prévue pour prendre fin le 16 décembre. Parmi les 8 artistes qui l’animent, Laurie Castel se distingue par une installation qui frappe, qui suscite interrogation.

L'installation, ''La bombe végétale à trois roues''
’’La bombe végétale à trois roues’’, une forte surprise, lorsqu’on entre à l’Institut français de Cotonou. L’arrêt s’impose. Ceci, depuis la tenue de la ’’Nuit blanche’’, le 3 octobre 2015. Le véhicule de prédilection des handicapés, trafiquants de carburant, dans son bleu propre, luisant des grands jours, cachant mal une certaine rouillure à des endroits, dicte sa présence, arborant en son arrière de la bonne fraîche et épanouie végétation. « Cette œuvre porte en elle trois vies, celle d’une moto vespa destinée à faire du trafic de l’essence frelatée, celle de la moto recyclée et celle de la végétation qui pousse en celle-ci ; c’est comme si elle comportait toujours de l’énergie pour entretenir cette vie végétale ». Le regard spontané d’Adam Balogoun, chef d’entreprise, installé, de façon circonstancielle, un samedi de novembre 2015, à l’accueil du même Institut, pour faire réussir le dépannage de l’imprimante des cartes d’adhérents.
Ainsi, ’’la bombe végétale à trois roues’’ fait une discrète mais vivante présence, comme si, d’un instant à l’autre, un de ses habituels locataires allait l’enfourcher et la faire pétarader, dans un démarrage bruyant. « Elle est toujours en état de marche, elle roule encore … », confirme Laurie Castel, sa mère, discrète comme son installation, mais elle, restitue, par elle, un contraste des plus vibrants, pour un objet patent de pollution de l’environnement qu’est le tricycle, avec l’essence qu’il transporte, irradiant un gaz dangereux mais que ses manipulateurs négligents et ignorants aspirent, se préparant des maladies du poumon, des cancers et, notamment, des naissances malformées, dans leur progéniture. Et, cette ’’bombe’’ sanitaire laisse sourdre d’elle de la vigoureuse végétation, source de vie, de pureté, de fraîcheur.
Elle fait exploser les analyses conventionnelles, les convictions, les idées reçues, sur le système de l’essence frelatée au Bénin. Cette ’’bombe’’ constitue un paradoxe sur lequel Laurie Castel ne tarde pas à s’expliquer : « [Ce tricycle] est un objet qui a une utilisation qui pollue beaucoup et qui est très dangereux aussi. A côté de ça, il y a des plantes qui sont la vie, qui vivent et qui, en plus, survivent dans l’espace de la vespa ; c’est un clin d’œil pour justement montrer que la nature peut prendre le dessus sur ce qu’on fait à l’environnement et que, sur les problèmes climatiques, il peut y avoir des solutions ». Et, à quelques jours seulement du lancement de la Cop 21, en France, son appel, bien inscrit dans son contexte, reste clair : « […] il faut arrêter d’utiliser ce genre de machines pour rapporter de l’essence de mauvaise qualité, qui polluent encore plus, et qui font beaucoup de dégâts, à la fois sur la route, dans l’environnement et sur les personnes qui inhalent ce genre de produit ».
Cependant, loin de se laisser percevoir comme une donneuse de leçon, elle rend compte de l’esprit de son initiative artistique : « Ouvrir l’esprit des gens, pour que chacun se pose des questions pour qu’ensemble, nous puissions trouver des solutions ».



Laurie Castel, un contraste dans le contraste

En dehors de l’antinomie que dégage ’’la bombe végétale à trois roues’’, Laurie Castel, jeune française de 26 ans, baigne aussi en plein contraste. Profondément discrète, elle n’en reste pas moins préoccupée de faire connaître son expérience de la pollution à Cotonou, non loin de ses environs d’habitation, depuis 11 mois qu’elle vit dans la capitale économique du Bénin ; elle développe le sens de l’expression de ce qu’elle constate ne pas bien aller, apportant sa contribution à la prise de conscience sur le phénomène trentenaire béninois du trafic de l’essence de contrebande, qui a fait l’objet, vainement, en trois régimes politiques différents, de tentatives violentes et meurtrières d’éradication.

Laurie Castel, travaillant sur son oeuvre
Et, en choisissant la Cop 21 pour mettre le doigt sur l’aspect environnemental d’un véritable fléau social banalisé et passé aux oubliettes, cette graphiste de profession et chargée de communication à l’Institut français de Cotonou, cette conceptrice d’événements, s’interdit de se réduire au silence, utilisant ses atouts artistiques pour s’investir humblement dans le sujet. En réalité, Laurie Castel, titulaire d’un Dess en Design d’événements et d’un Master 2 professionnel en Projets culturels dans l’espace public, est une grande expérimentée des processus d’installations, ’’la bombe végétale à trois roues’’, étant la 10ème qu’elle a réalisée ; quatre ans plus tôt, elle a participé, notamment, le 26 février 2011, à la Nuit blanche de Montréal. Ainsi, la stratégie du contraste expressif, qu’elle a fait valoir dans ’’la bombe végétale à trois roues’’, relève d’une réelle culture artistique chez Laurie Castel.
Mais, vu que le Bénin, à travers son Gouvernement, s’est ouvertement engagé dans la réussite de la Cop 21 à Paris, plusieurs unités de ’’la bombe végétale à trois roues’’, disséminées à plusieurs endroits clés des villes du Bénin, dans le cadre d’un projet plus global de sensibilisation, auraient amené les Béninois à sortir de l’indifférence face à un drame social qui ne revient sporadiquement sur le tapis qu’à l’occasion de catastrophes d’incendies engageant morts et dégâts matériels d’ampleur. Pourtant, ce drame se joue au quotidien, à proximité de chaque citoyen.        


Marcel Kpogodo