jeudi 18 mars 2021

’’Xwéssi’’, la déambulation qui a secoué Cadjèhoun le 8 mars 2021

Dans le cadre de la célébration de la Journée internationale des Droits des femmes


Il fallait y assister afin d’en sentir l’impact. ’’Xwéssi’’, la déambulation artistique animée par les membres de la Compagnie ’’Arts ca’danser’’, s’est déroulée le lundi 8 mars 2021 à Cotonou sur un tronçon de plus de deux kilomètres. A la cadence de la déclamation d’un griot et de rythmes mixés d’une musique traditionnelle béninoise très vivante, sept jeunes femmes ont fait passer, par plusieurs séquences de danse, le message de l’exigence de la libération sociale de la femme, dans une atmosphère glissante savamment entretenue entre la joie et la révolte.  

Un aperçu de la performance déambulatoire, ''Xwéssi''

« Tu as le droit de maîtriser ta reproduction », « 73,6% des femmes béninoises sont privées de liberté », « Tu as le droit à l’égalité salariale », « Femme, tu as le droit de voter librement », « Droit à la formation professionnelle ! », « Prévalence actuelle du taux des violences faites aux femmes : 69% », « Pesanteurs socio-culturelles et économiques », « Minoritaires dans l’art », « Minoritaires dans les institutions publiques, politiques, privées », « Droit aux soins de santé », « Droit à l’éducation ». Une idée du constat alarmant, défavorable et des exigences liées aux femmes que sept artistes de sexe féminin ont portés au-devant de la population au cours de la déambulation profondément danseuse intitulée ''Xwéssi'', ''Maîtresse de maison'', en langue nationale fon, qui s’est déroulée au milieu de la matinée du lundi 8 mars 2021 au quartier de Cadjèhoun à Cotonou sur le tronçon allant du siège de l’Urban dance center (Udc) au marché de fruits, la manière que les concernées ont choisie pour célébrer la 25ème Journée internationale des Droits des femmes (Jif).

Un des instants de présentation au public de leurs préoccupations par les performeuses

En dehors des propos interpellateurs mentionnés sur des pancartes de fortune, que les danseuses déambulatrices présentaient, de véritables questions à l’allure de problématiques ont aussi été exhibées : « Manque de confiance ??? », « Suprématie des hommes ??? », « Contraintes conjugales ??? », « Stéréotypes ??? », « Analphabétisme ??? », « Pourquoi ??? ». En outre, le public a pu lire des groupes nominaux assez identificateurs du statut des déambulatrices, « Des femmes », « Des artistes », « Des sœurs », sans perdre de vue que les écrits suggéraient une véritable revendication : « Liberté d’expression … ».

La déambulation évoquée avait commencé quelques minutes après onze heures. Toutes de noir vêtues et, la taille attachée d’un foulard rouge orné de motifs géométriques blancs, un foulard si long qu’il avait une allure de pagne, les sept danseuses contemporaines tiennent en mains des objets symbolisant la condition sociale qu’elles dénoncent : balai, palette, éventail, panier et poupée faisant office de bébé.

Ci-contre, le griot, incarné par Chakirou Salami, présentant des louanges aux femmes

Elles qui portent comme identité Sahadatou Ami-Touré, Marie-Rose Djagba, Christie Dossou, Larissa Dossou-Yovo, Florence Gnarigo, Cybelline de Souza et Carmélita Siwa se sont positionnées, dans un alignement symétrique apparemment bien préparé, à la devanture de l’Udc. Un griot de circonstance, joué par le comédien Chakirou Salami, lance la manifestation en exécutant des paroles, cadencées par son tambour, le ''dougba'', d’encensement des femmes, appuyant ses propos laudateurs par un aplatissement au sol, en signe d’allégeance à la gent féminine.

Ainsi, la performance déambulatoire prend son envol pour une bonne soixantaine de minutes. Les sept artistes marchent très peu, alternant pas rapides, sauts coordonnés, mouvements d’ensemble et stationnement aux fins d’une danse bien rythmée et synchronisée. A la devanture du ’’Festival des Glaces’’ de Cadjèhoun, le premier arrêt fort.

Des percussionnistes aussi étaient de la partie

Les danseuses prennent tout leur temps, faisant de la démonstration d’exécution de pas de danses traditionnelles béninoises. Aliou Guésséré et son équipe de trois percussionnistes sont à l’œuvre, offrant, au choix, à l’aide du tambour ’’gbon’’,  du rythme agbé’’, et même de l’ ’’agbé-djembé’’, faisant constater la combinaison entre le’’gbon’’ et le tambour ’’Djembé’’. La cloche, un autre instrument musical, résonne, ravivant l’esprit, l’attention du public.

Sur le visage des artistes se succèdent la joie, l’épanouissement et une sorte de colère, de rage. Leurs pas intrépides et violents, guerriers en disent long sur un esprit d’amazone, qui les envahit parfois comme si cette manière artistique qu’elles manifestaient de célébrer le 8 mars leur permettait de déverser tout un ressenti intense longtemps gardé enfoui et repoussé à l’expression. C’est ainsi que le quartier de Cadjèhoun a ressenti l’effervescence et la puissance de la revendication de meilleures conditions de vie pour la femme.

Ci-contre, Carmélita Siwa, appuyée par son équipe, au marché de fruits de Cadjèhoun ...

Deuxième arrêt fondamental, le marché de fruits, après avoir traversé la passerelle de la devanture de l’école primaire publique et d’avoir clairement et ostentatoirement présenté leurs constats, leurs interrogations et leurs revendications, tous, lisibles sur des feuilles blanches de papier, érigées en pancarte. A leur descente, l’évolution des danseuses s’effectue rapidement vers le marché de fruits, après de brefs moments d’arrêt afin de faire savourer par le public leur savoir-faire dans la symbiose et la communion de pas de danse articulés de manière à frapper les esprits.

... avec une sensibilisation active auprès des marchandes ...

Au niveau du marché, le statut de danseuses se mue en celui de conscientiseuses citoyennes. Elles prennent gentiment et joyeusement d’assaut les étalages dans une jovialité si communicative que les marchandes ne peuvent manquer de sourire à leur arrivée brutale. Elles leur expliquent, en langue maternelle fon, leur place stratégique dans le développement d’une nation, leur parlent de leurs droits, leur précisent leurs devoirs et leur rappellent la célébration du 8 mars et le sens de cette journée internationale. Elles appuient leurs dires enflammés par des performances époustouflantes de danses, ce que leur permet une devanture opportune du marché, de par son caractère étendu et à ciel ouvert.

... sans oublier une démonstration impressionnante ...

Quant au griot, il continue à jouer son rôle d’éveilleur sur les points de la valeur multidimensionnelle de la femme, et à manifester ses comportements d’allégeance à cet être dont la journée de célébration de la journée internationale de ses droits la fait hisser sur un piédestal si haut qu’il lui procure respect et considération, sur l’instant.


... qui a révélé ...

Conquises et enthousiasmées face à ce déferlement subit d’artistes danseuses loquaces et démonstratives de leur art, les marchandes répondent par des bénédictions qu’elles profèrent sur elles, ce qui les met, à leur tour, en position d’allégeance, face à leurs aînées. Réceptives et reconnaissantes, elles gratifient leurs mamans d’un spectacle gratuit de danse à couper le souffle, plus que jamais, les mouvements s’exécutant dans un ensemble défiant toute unité et toute synergie. Carmélita Siwa et les siennes ont, par conséquent, démontré que la danse qu’elle exécutait sortait d’un cadre purement profane pour se hisser à une dimension artistique que les spectatrices d’un instant ont hautement valorisée par des applaudissements nourris et convaincus. Apparemment, le message des performeuses est passé, laissant comprendre aux spectatrices de marchandes que la femme pouvait se prévaloir d’un pesant meilleur.

... un véritable savoir-faire

C’est donc devant elles, ces femmes productives dans leurs activités de propositions de fruits de tous les ordres, et devant ces femmes enfermées dans l’exercice des différentes brimades subies par la gent féminine qu’a pris fin la performance déambulatoire des danseuses de la Compagnie, ’’Arts ca’danser’’, sans oublier qu’une dernière note symbolique est intervenue afin d’immortaliser l’événement pour lequel l’association artistique en est à la première édition de l’organisation. 

Signature sur le tableau, ''Femme''

Ayant pris part, de bout en bout, à la déambulation de danse, Gilles Atrokpo, artiste peintre, fait apparaître une toile, le fruit de son inspiration circonstancielle. Intitulée ’’Femme’’, elle véhicule, par, en relief, le visage d’un enfant, qui frappe, l’émergence d’une nouvelle génération de personnes plus en phase avec une  mentalité plus constructive pour les conditions de vie de la femme. Tout le monde a alors été invité à y inscrire, au marquer noir, le mot symbolique que lui inspirait la femme. Et, en peu de temps, plusieurs personnes se sont manifestées pour se prêter à l’exercice.


De manière remarquable, ''Xwéssi'' a déchaîné la participation, à toutes les étapes de la performance de danses, de figures importantes du secteur des arts et de la culture au Bénin, notamment, celle de Coline-Lee Toumson-Vénite, Directrice de l'Institut français de Cotonou, et de Marion Hamard, Directrice de l'espace culturel, ''Le centre'', sans oublier celle de Prime Ezinsè, Directeur de ''Circo Bénin'', l'école des arts du cirque au Bénin.

 


Impressions 


L’agencement de la joie et de la révolte, deux sentiments contradictoires ayant marqué la déambulation de danses dans la mise en œuvre de la performance intitulée ’’Xwéssi’’, a trouvé sa justification à travers les explications qu’ont bien voulu en donner quelques artistes performeuses de la Compagnie ’’Arts ca’danser’’.


A en croire Marie-Rose Djagba, technicienne audiovisuelle et danseuse, la joie perceptible sur le visage des danseuses, au cours de la performance indiquée, avait une bonne justification : « Elles manifestaient la fierté d’être femmes et d’être la réincarnation des amazones ». Quant à la fureur, elle avait son fondement dans l’absence de reconnaissance de la place des femmes dans la société. « Elle est présente partout même dans les couvents », a-t-elle rappelé. Pour elle, la performance avait un but précis : « Amener les femmes à reconnaître sans état d’âme ni culpabilisation ce qu’elles sont, c’est-à-dire des êtres faibles, sensibles, fragiles ».


Pour Christie Dossou, il fallait lire à travers la joie « le plaisir de rappeler quelque chose qui ne devrait pas être un combat : la reconnaissance du respect à l’homme », ce à côté de quoi se greffe une obligation, « l’exigence de la réciprocité ». Selon elle, ceci n’est pas un combat mais un rappel. « C’est une façon pour nous de dire : ’’Réveillez-vous ! Réveillez-vous !’’ ». Puis, elle continue : « La femme a quelque chose que l’homme n’aura jamais, de même que l’homme a quelque chose que la femme n’aura jamais ; il doit y avoir une complémentarité entre les deux. Ceci ne signifie pas la volonté de la femme de prendre la place de l’homme qui est l’autorité de la maison mais la voix de la femme compte », a-t-elle conclu.


A en croire Carmélita Siwa, en dehors du choix du chiffre 7 indiquant le nombre des performeuses mais aussi celui symbolisant la femme, la joie vient de la fierté d’avoir mené cette action de la déambulation de danses afin de « briser les chaînes des charges conjugales, sociales et des pesanteurs de toutes sortes », autant de facteurs justifiant qu’elles apparaissaient enragées, furieuses, révoltées. Pour elle, la performance indiquée constitue « un grand pas ».

Marcel Kpogodo Gangbè 

lundi 8 mars 2021

Carole Borna, un parcours féminin célébré par l’association ’’Ilé ya Africa’’

Dans le cadre du vernissage d’une exposition à Cotonou


Le 8 mars, la date immortalisée comme la Journée internationale des Droits des femmes (Jif), reste celle au cours de laquelle la préoccupation commune est de rendre hommage à l’être humain de sexe féminin, au vu de ses qualités essentielles. Cette date, dans son édition de l’année 2021, est l’occasion qu’a choisie l’association culturelle, ’’Ilé ya Africa’’, pour mettre sous les feux de la rampe une femme publique mais discrète dans ses actions ; elle n’a cessé de marquer cette organisation par son évolution : Carole Borna. Selon Erick Ahouansou, artiste plasticien et Président d’ ’’Ilé ya Africa’’, cette personnalité se verra décerner un trophée créé par l’association, et dont la première édition de la cérémonie de distinction aura lieu sous peu.

Carole Borna

Carole Borna tenant entre ses mains le Trophée ’’Ôla’’. Le rêve que travaille à rendre réalité l’association culturelle, ’’Ilé ya Africa’’, ce dont s’est expliqué son Président, Erick Ahouansou, le lundi 8 mars 2021, à l’occasion de la 25ème édition de la Journée internationale des Droits des femmes.


Selon lui, Carole Borna est la première femme à se voir décerner le Trophée ’’Ôla’’ que vient de concevoir ’’Ilé ya Africa’’. « ’’Ôla’’, en langue yoruba, veut dire ’’volonté’’ », explique Erick Ahouansou. « Il s’agit de la volonté, celle de l’Afrique qui est mère de l’humanité », continue-t-il, avant de préciser : « Dans une société où l'image de la femme est souvent peinte négativement en raison de mythes culturels et traditionnels, il urge d'apporter de la lumière ». Vraisemblablement, la lumière dont il s’agit est celle qui induit la puissance capable de faire évanouir les préjugés sociaux empêchant la femme de faire valoir ses aptitudes au sein de la société. Etouffer la femme dans ses potentialités, voilà une conséquence de l’absence de la lumière qui se matérialise par la volonté, ce qui pousse Erick Ahouansou à évoquer une attitude : celle consistant à générer de soi « un point de vue différent » qui est « nécessaire pour changer les stéréotypes négatifs sur les femmes, en général, et, en particulier, sur celles qui accompagnent entièrement les bonnes visions artistiques et culturelles ».


De manière évidente, il n’est pas difficile pour ’’Ilé ya Africa’’ de lire en Carole Borna un esprit qui incarne la deuxième catégorie d’êtres humains de sexe féminin, qu’aborde le propos du Président Erick Ahouansou. Pour lui, Carole Borna, à travers ses actions dans le secteur des arts et de la culture, de par, surtout, sa position actuelle, constitue une vraie volonté, cette volonté efficace car, conclura-t-il, « là où il y a une volonté, il y a un chemin », celui qui, inévitablement, ouvre la voie à des perspectives radieuses pour ceux qui se confient à elle, cette volonté, productrice. Par conséquent, l’association dont Erick Ahouansou assure la présidence prévoit la cérémonie de distinction pour le samedi 20 mars 2021, à Cotonou, au cours du vernissage de l’exposition intitulée ’’Célébrer l’Afrique’’. 



Qui est Carole Borna ?


Actuel Conseiller technique aux Arts du Ministre de la Culture, Jean-Michel Abimbola, Carole Borna a été, par le passé, entre 2016 et 2019, Directrice adjointe du Patrimoine culturel et, plus tard, Directrice pleine de la même institution. Ces différents niveaux de responsabilités relèvent peu du hasard puisqu’elle fait corps avec le secteur des arts et de la culture du Bénin, en tant que fondatrice et Directrice de la galerie d’art, ’’Espace ABC’’, étant, à la base, détentrice d’un Master en Coopération artistique internationale, sans oublier qu’elle a été instruite à la ’’Parson’s School of Design’’, située à New York.

Le Trophée ''Ôla''

Un fait qui la moule davantage dans l’univers artistique et culturel reste l’ensemble de ses activités comme galeriste, d’une part, et en tant que promotrice culturelle, d’autre part : la tenue d’expositions au Bénin et entre ce pays et la France, son intérêt pour le développement chez les enfants d’aptitudes en arts visuels et le parrainage d’activités culturelles.


Enrichissant davantage son profil de femme responsable dans l’appareil politique dans le secteur de la culture, son bilan se révèle élogieux autant à ses différents postes à la Direction du Patrimoine culturel qu'à celui de Conseiller technique aux Arts du Ministre du Tourisme, de la culture et des arts. Carole Borna, première titulaire du Trophée ’’Ôla’’ de l’association, ’’Ilé ya Africa’’, tient une médaille conséquente à sa boutonnière.

Marcel Kpogodo Gangbè