vendredi 20 mai 2016

« Contours et détours sans discours » fait exploser le Centre ’’Arts et cultures’’

Dans le cadre du vernissage de l’exposition lancée le 13 mai


Le vendredi 13 mai 2016 s’est tenu le vernissage de l’exposition intitulée, « Contours et détours sans discours ». L’événement se déroulait au Centre ’’Arts et cultures’’ de Godomey, pour une présentation officielle relevant d’une triple et très productive résidence de création.

Aston, en rouge, devant un de ses personnages, guerrier
Des objets de ferronnerie béninoise utilisée dans le vaudou, puis des tableaux en papier journal, des vêtements de papier japonais enguirlandé, et des installations aériennes fabriquées à base de flamboyant, notamment, pour l’une, des sculptures à tête de clous et à bras et pieds en esprit, de même que des toiles aux couleurs contrastées et combinant filets, tissus et grains de faume, pour le deuxième. Enfin, des sculptures spectaculaires, inattendues et absurdes, conçues à l’aide de tous ordres d’objets de récupération, pour le troisième. Le contenu synoptique de l’exposition, « Contours et détours sans discours », menée par le trio Daphné Bitchatch, Zanfanhouédé et Aston. Le vernissage en a eu lieu le vendredi 13 mai dernier, au Complexe culturel ’’Arts et cultures’’ de Godomey. Le résultat d’une bonne trentaine de jours de résidence de création.
Les tableaux en papier journal de Daphné Bitchatch
Pour ses travaux, Daphné Bitchatch, franco-russe, laisse voir 4 types de production : plusieurs pièces à base d’un métal utilisé dans les couvents fétichistes, et de petits gongs, des robes fabriquées avec du papier japonais émaillé de peinture et d’acrylique, de quoi évoquer les filles pauvres placées dans des familles dites aisées et victimes de maltraitance. Ensuite, des tableaux en papier de journaux béninois ; ici, le papier en une de journal est auréolé de peinture, pour « se moquer des mauvaises nouvelles, pour créer de nouvelles informations », expliquera-t-elle. « Ces toiles me servent à témoigner des événements que j’ai connus dans les pays visités et à rendre hommage aux journalistes », dira-t-elle, en conclusion. 
Dominique Zinkpè, Directeur du Centre ''Arts et cultures'' de Godomey, avait lancé le vernissage de l'exposition
Un certain tableau a un soubassement de papier mais montre des graines de palmier et du pigment comme matériaux de manifestation d’expression, alors qu’un autre, encore, est fait d’une plaque d’acier sur laquelle intervient de la peinture. Enfin, le concept de la main frappe chez Daphné Bitchatch ; celles qu’elle présente sont en résine et, prises dans des chaînes en flamboyant, des chaînes brisées, expression de la réalité de la liberté.

Les sculptures de Zanfanhouédé
Se rapportant à Zanfanhouédé, de son nom à l’état civil, Franck Zannou, sont à son actif près d’une dizaine de sculptures en un bois lissé, de plusieurs tailles différentes, puis des toiles peintes à l’acrylique, sur lesquelles sont réalisés des personnages, notamment, de morceaux de tissus, de filets, élégamment recomposés. 

De gauche à droite, Zanfanhouédé, Daphné Bitchatch et Aston, devant le public, avant le vernissage
De vrais élans de vie rendus vivaces, surtout avec ces sortes de statues qui s’aventurent vers une inspiration maîtresse, celle de Dominique Zinkpè, le modèle à atteindre, mais dont il faut vite se détourner pour éviter de se brûler les jeunes ailes, pour découvrir sa propre voie.
Une vue du public venu échanger avec les artistes, ... 
Du coté d’Aston, récupérateur en chef, tout objet aura servi à monter des personnages débonnaires dans le danger des objets de guerre qu’ils manipulent, que ces objets soient du bois occulte fabricateur de sortilège, ou du fer pour les armes à feu de mains. Exprimant l’endurance et la ténacité de l’artiste, des milliers de mégots sont été mis en combinaison pour donner des objets de forte vie. 

Quand lui-même, en pleine exposition, revient vers les visiteurs, autrement accoutré, dans un tissu de bazin en mode ’’patchwork’’, c’est pour revendiquer un titre qu’on a semblé lui voler, celui du ’’roi’’, du roi de la récupération pour créer une nouvelle vie. 

... peu avant le vernissage
En tant que tel, dans la phase d'échanges pré-vernissage avec les futurs visiteurs, il dévoila la quintessence du thème commun de l’exposition : les ’’contours’’ révèlent le processus intime et intellectuel de création, les ’’détours’’, la phase de transformation des objets sélectionnés pour appartenir aux œuvres, et, enfin, les ’’discours’’ dont eux artistes doivent se passer, afin de laisser le public contempler leur travail et en émettre leurs analyses.

Le roi récupérateur, Aston, métamorphosé
Jusqu’au 13 juillet 2016, ces trois esprits d’artistes que sont Daphné Bitchatch, Zanfanhouédé, Aston, ont de quoi impressionner le public qui devra se donner le plaisir d’aller lire des travaux aussi géniaux.


Marcel Kpogodo    

Le Ministre de la Culture, Ange N’Koué, fait honte au Nouveau départ

Dans le cadre des cérémonies d’hommage à Jean Pliya


Sous le couvert de la commémoration du 1er anniversaire du décès de Jean Pliya, a eu lieu, le samedi 14 mai 2016, la représentation magistrale, au Théâtre de verdure de l’Institut français de Cotonou, de la pièce, ’’Kondo le Requin’’, assurée par le ’’Théâtre Kaïdara’’, dans une bonne succession de tableaux. Mais, un gros cheveu sur la soupe : n’est pas venu le Ministre du Tourisme et de la culture, Ange N’Koué. Un désaveu pour une vision d’espérance du Nouveau départ de Patrice Talon.

Une séquence de de la représentation de l'intronisation du Roi Béhanzin
Une absence de taille : le Ministre du Tourisme et de la culture, Ange N’Koué, n’a goûté à aucune seconde des deux explosives heures de la représentation de ’’Kondo le Requin’’, une pièce historique écrite par Feu Jean Pliya. Cet événement signalait le dernier acte, en cette soirée du samedi 14 mai 2016, d’une série de manifestations liées à la commémoration du 1er anniversaire du décès, justement, de cet auteur, dramaturge, entre autres. Et, très chargé, il n’a pu se rattraper les mercredi 18 et jeudi 19 mai, deux dates où la pièce avait été à nouveau jouée.
Elle relate les difficiles relations du Roi Béhanzin, ’’Kondo le Requin’’, avec le colon français que représente le Général Dodds. Celui-ci est sorti gagnant d’une dure guerre contre le Royaume du Danhomè, ce qui en a conduit le souverain à se rendre à l’ennemi et à être conduit en exil.
La mise en scène par Tola Koukoui de la représentation d’une telle pièce a réussi, d’abord, du fait de la restitution d’un décor rappelant le rouge ambiant de la terre argileuse du cadre ordinaire de la vie au Royaume du Danhomè. Grégoire Houdéhou, qui s’en est chargé a fait le choix d’une façade de fond de scène d’un long mur d’enceinte, doté d’une ouverture centrale enregistrant les brusques arrivées et sorties du roi et de sa suite, puis conçu avec des passages décrépits, comme dans le vrai, sans oublier des panneaux, de part et d’autre de ce mur, montrant deux différentes époques de règne : celle du Roi Glèlè finissant, avec le lion, et l’œuf matérialisant celle de Béhanzin.
Au centre de la scène se déroulait l’essentiel des actions dont la plupart concernaient le souverain. Dans une répartition symétrique, les femmes, à gauche et, les hommes, du côté droit, suivaient tout de près, les premières pour ne lancer que des louanges au ’’Dada’’, les êtres de sexe masculin, pour, parmi ceux qui en avaient la posture, respectueusement s’adresser au Roi et tenter de faire passer leur point de vue. Il s’agit donc d’une mise en scène qui est restée fidèle à la mentalité sociale de l’époque du Royaume du Danhomè : les femmes n’avaient pas le droit à la parole, surtout en public. Si elles devaient la prendre, ce ne devait être qu’en groupe pour couvrir ’’Dada’’ de chansons glorifiantes.

Un des merveilleux tableaux de la pièce ...
Par ailleurs, la mise en scène de ’’Kondo le Requin’’ par Tola Koukoui a réussi, comme à cette représentation au Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb), dans son édition 2008. En effet, l’intérêt du spectateur était permanent tellement des tableaux captivants se sont succédé : l’épisode de l’entrevue de Kondo avec Dodds, Glèlè, le roi en exercice étant malade, la danse du deuil du décès de celui-ci, la cérémonie d’intronisation de Béhanzin, dans ses deux aspects rituel donc privé, restreint à quelques ministres, et public, ce qui veut dire ouvert à tous, les chants et les danses, la consultation négativement accueillie par le Roi de Guèdègbé, les louanges des griottes, Béhanzin en privé avec deux de ses épouses rivalisant de câlins et de massages, pour se faire préférer, les critiques en privé de paysans comme de nobles, la détresse de Béhanzin avec, à son point culminant, le célèbre ’’discours d’adieu’’.
Tous ces faits du jeu théâtral ont été assurés par une brochette de comédiens et de comédiennes béninois distribués, dont le professionnalisme n’a fait qu’exploser davantage : Josette Loupéda et Carole Lokossou, les coépouses du roi,  Eliane Chagas, notamment, dans le rôle de l’intrigante Vitchégan,  Nathalie Hounvo-Yèkpè,  Sandra Adjaho, Nicole Dadjo, Nadjibath Ibrahim, Espoir Abogourin, Blanche Hounga, Félicité Gounou, Céciline Abissi, entre autres, toutes des griottes, Koffi Gahou le ’’Guèdègbé’’, devin du roi, Patrick Gbaguidi, Raphaël Hounto, Fidèle Anato, James Salanon, alias ''Major'', Bardol Migan, le ministre de la justice, Franck Béhanzin le ’’Yovogan’’, Mathieu Koko le ’’Mèhou’’, Serge Zossou le ’’Gahou Goutchili’’, chef des armées du royaume, et, surtout, Nicolas Houénou de Dravo, dans le rôle tant exposant de Béhanzin.
En outre, le metteur en scène, Jean-Michel Coulon et le bibliothécaire, David Longin, ont assuré les rôles respectifs de représentants coloniaux. Et, Adolphe Koffi Alladé, acteur aussi, a coordonné les chants et les danses par le biais de son groupe de ballet, ’’Hwendo na bua’’, sans oublier Koffi Gahou s’étant aussi chargé des costumes et des accessoires. Du côté de la régie du spectacle, Bruno Adadja a fait montre d’une science sans failles.


Le gros hic

« Nous acceptons de rencontrer ceux-là qui nous permettront enfin de mettre en place les soubassements, les fondements d’une culture de la vraie culture ». Ainsi s’est exprimé, quelque peu déçu, à la fin de la représentation théâtrale, Tola Koukoui, entouré par les comédiens ayant salué le public et avec, à sa proximité, le Professeur Adrien Huannou, organisateur des manifestations d’hommage au Feu Jean Pliya ; il cherchait des yeux un représentant du Gouvernement pour mettre fin officiellement à celles-ci, le spectacle venant clore les activités de la commémoration du premier anniversaire du décès de cet homme de Lettres, de culture, de naturothérapie et d’évangélisation.

Au premier plan, de gauche à droite, Adrien Huannou et Tola Koukoui
En réalité, si la représentation de ’’Kondo le Requin’’ n’était pas un événement, elle avait un cachet particulier, vu qu’elle visait à faire se souvenir de Jean Pliya, à faire honneur à ses qualités de dramaturge, à marquer le premier anniversaire de sa disparition. Ainsi, la présence d’Ange N’Koué, Ministre du Tourisme et de la culture, au spectacle et à la cérémonie de clôture aurait montré l’intérêt du Gouvernement de la Rupture pour la célébration de la mémoire des grands hommes de la République. Dans le cas d’un agenda supposé chargé, un membre de son cabinet aurait valablement rempli cette mission, ce qui aurait sauvé les meubles du respect de l’Exécutif pour la chose artistique et culturelle. N’avoir pas pris la précaution d’être présent ni de se faire représenter semble montrer le poids léger des événements culturels dans l’esprit d’Ange N’Koué ; il devrait résolument reconsidérer cette conception, étant donné l’espoir immense que suscite le régime du Nouveau départ dans l’univers béninois des Arts et de la culture.




Marcel Kpogodo