samedi 7 avril 2012

Souleymane Bah, metteur en scène guinéen

Fitheb 2012


Le gros ’’menteur’’


Pleins feux sur une personnalité d’un type particulier, émanant de la troupe théâtrale guinéenne présente au Fitheb 2012 ! Contrairement aux attentes, cet homme, d’un teint clair franc et d’une taille un peu au-dessus de la moyenne, n’est pas à 100% un homme de théâtre. Discrètement drapé dans son Doctorat en Sciences de l’Information et de la communication, Consultant de plusieurs institutions spécialisées des Nations-Unies, il est Professeur de Sémiologie et d’Analyse des médias à l’Institut supérieur de l’Information et de la communication de Guinée. Au soir de la représentation de sa pièce, il se montre en débardeur blanc, en lunettes et portant un simple chapeau

Cet homme est un profil digne d’une personne profondément conformiste ; il lui échoit à lui qui aime se repaître dans la contestation et la remise en question perpétuelle et il avoue ne pas aimer les choses établies et s’épanouir dans la dénonciation, ce au titre de quoi il anime une chronique satirique dans un journal guinéen.

Densifiant davantage sa carte de visite, il devrait s’honorer d’avoir été, pendant la dernière élection présidentielle dans son pays, le Conseiller à la Communication de Cellou Dalein Diallo, challenger du second tour et premier opposant de l’actuel Président de la République. Intellectuel bon teint et complètement décalé, il se donne les moyens de sortir de sa douillette carapace sociale et de communier avec la société dans sa diversité. C’est ainsi qu’on le retrouve dans le théâtre, âgé actuellement de 38 ans et père de deux filles. Frottant avec le milieu des planches depuis 1990 et, metteur en scène quatre années plus tard, il en est, avec celle qu’il joue au Fitheb, ce mercredi 4 avril en soirée, à son 9ème spectacle joué sur scène.

La pièce, Les châteaux de la ruelle, dans laquelle il s’est impliqué, en dit long sur son caractère d’insoumis. Ayant fait le choix de faire évoluer, sur la scène du théâtre de verdure de l’Institut français de Cotonou, en ce mercredi soir, six acteurs qui finissent par en incarner successivement vingt sans sortir de la scène, il justifie son choix, non principalement par le fait de vouloir faire de économies mais, surtout, par la volonté de montrer comment l’histoire de la pièce est fondée sur le mensonge. Entrant dans le jeu de cette comédie, il décide de se faire aussi menteur comme Samba qui, informé du décès de son frère en France, s’embarque pour ce pays, feignant une grande souffrance mais, préoccupé par l’héritage à encaisser et par la femme du défunt à épouser. Pris au piège de sa douleur factice, il se trouve nez-à-nez avec un ghetto, en guise de châteaux, et avec Clémentine, cette épouse qui n’est personne d’autre que le compagnon homosexuel de son frère mort.

Se vautrant dans cette atmosphère sordide qui lui permet de montrer de quelle manière l’idée de l’Eldorado occidental est fausse, notre homme utilise l’humour, le décalage et la dérision pour appeler les jeunes africains à comprendre, en se distrayant, que, dans leur pays d’origine, ils peuvent vivre mieux lotis qu’en France.


Koffi Kwahulé


S’imposant l’Ivoirien Koffi Kwahulé comme unique modèle, il pense s’engager prochainement dans la mise en scène de L’enfant noir de Camara Laye et de Sur la pelouse, pièce d’un jeune auteur guinéen sélectionné pour ce Festival burkinabé des Recréatrales. Lauréat de la bourse ’’Visa pour la création’’, de l’Institut français, Maison mère, il pense se lancer dans la création d’un spectacle ayant comme socle cinq pièces de théâtre de Koffi Kwahulé, mettant en vue le désir et la sexualité. De son vrai nom, Souleymane Bah, ce metteur en scène d’un type particulier répond au pseudonyme, Soulay Thiâ’nguel.


Marcel Kpogodo

Florisse adjanohoun et Alphonse atacolodjou

Fitheb 2012


Deux comédiens béninois en maturité


Ce sont deux figures phare du théâtre béninois ayant effectué un jeu dans l’une des pièces diffusées en ce Fitheb 2012. A un an d’intervalle, l’une entrait fortuitement sur les planches avec la création d’une troupe théâtrale qui a fait fureur dans les années 1990 et 2000. C’était avec Urbain Adjadi, Marcel Orou Fico, Claude Balogoun et Brice Brun. L’autre, par un « heureux hasard », comme il aime à le dire, voit le monde du théâtre lui ouvrir les bras, par le biais d’un certain Camille Amouro qui venait voir un cousin dans la maison qu’il habitait. Ce jour-là, cette belle plume se déplaçait avec Les fourberies de Scapin de Molière. C’est ainsi que notre ami initie le montage d’une troupe de théâtre à l’Ecole de base Saint Basile de Vodjè. En entrant dans le milieu, il côtoie des noms emblématiques tels qu’Antoine Dadélé, Jean-Paul Badet, en ce moment, Professeur de Français à l’Ecole Montaigne, Orden Alladatin, Alougbine Dine et Ousmane Alédji. Deuxième « heureux hasard », selon notre homme, un casting en décembre 1992 l’amène en France, une année plus tard, pour jouer dans Médée de Pierre Corneille. Mais, il crée son premier spectacle en 2001 : Monstres et saltimbanques, dans laquelle il joue le rôle d’Alpha, un chef de bande, face à un Erick-Hector Hounkpè, alias Fô Kiki, incarnant un handicapé moteur, ’’cul-de-jatte’’. En 2002, il rencontre Bruno Thircuir, un ancien technicien de l’ex-Centre culturel français, qui lui propose, en 2003, de jouer dans Don Quichotte de Cervantès. C’est l’année où il s’installe en France.


Florisse Adjanohoun


Situation presqu’analogue de l’autre côté puisque, elle, au début des années 2000, fait plusieurs tournées en France, elle qui, quelque années plus tôt, après avoir obtenu son Bac, se trouve aux prises avec ses parents, des Administrateurs des Impôts, qui ne voulaient pas la voir s’investir professionnellement dans le théâtre, considéré comme précaire et peu sérieux. Mais, convaincue de n’être née que pour la vocation dramatique, elle fonce et se professionnalise à travers un nombre incomptables de pièces dans lesquelles elle se produit en Europe et dans les Antilles, notamment. Elle fait même des ateliers avec des metteurs en scène. Entre temps, elle s’est mariée mais, cela se termine par une séparation. De retour au pays vers la fin de la première décennie de l’année 2000, elle gère une galerie d’art pendant trois ans et arrête parce que la scène lui manquait. A l’heure actuelle, quand ses père et mère voient l’actrice confirmée qu’elle est devenue, ils se montrent satisfaits et l’encouragent à aller de l’avant. Pour l’instant, elle va s’investir dans la pièce, La femme et le colonel, d’Emmanuel Dongala et se prépare pour un Festival au Cameroun.


Alphonse Atacolodjou


Parallèlement à elle, l’autre acteur émérite béninois, coiffé d’un rasta, entend rester comédien et, pour un bon moment encore ! Au cas il se déciderait à se faire metteur en cène, ce serait pour quitter définitivement les planches. En outre, devant l’évocation du nom de sa collègue de jeu, il tombe d’admiration pour elle, émerveillé qu’il est de l’avoir recommandée à Bruno Thircuir pour remplacer la comédienne titulaire qui était enceinte : lorsque cette actrice d’un teint très claire, d’yeux élégamment forts et d’une taille modeste, accepta de prendre la place de celle-ci, il ne lui fut envoyé que la vidéo et le texte du spectacle, ce avec quoi elle a travaillé seule pendant fin février-début mars 2012 et, ce n’est que le jeudi 29 du second mois qu’eut lieu l’unique répétition avec l’ensemble de la troupe du metteur en scène, venue de France. Et, le 2 avril, elle s’illustra majestueusement dans Kaïna-Marseille. Celle-ci n’est personne d’autre que Florisse Adjanohoun et, cet autre grand acteur qui admire le savoir-faire qu'elle a déployé, Alphonse Atacolodjou.


Marcel Kpogodo