dimanche 27 décembre 2009

Cay - Rencarts 2009

Rencarts 2009
Yvon Amoussou, à la Place Lénine


A la clôture du Festival Rencarts 2009 le mercredi 23 décembre 2009

Yvon Amoussou analyse sa production



Le 23 décembre dernier, à la Place Lénine, le Festival Rencarts 2009 s'achevait, laissant à l'appréciation du public, bon nombre de toiles sur le thème de l'"Assainissement". Charles Amoussou Yvon, alias Cay, l'un des artistes-peintres ayant participé à cette manifestation, nous parle de ses réalisations et de leur signification profonde.



Journal Le Mutateur : Yvon Amoussou, vous venez de participer au Festival Rencarts 2009 sur le thème de l'Assainissement. Comment avez-vous réalisé ce thème à travers vos tableaux ?


Yvon Amoussou : A travers mes tableaux, par exemple, j'ai un tableau qui représente une poubelle et une porte, qui traduit un peu le réservoir pour recevoir tous les déchets que nous produisons autour de nous, chez nous. On peut aussi, d'un autre côté, parler de déchet mental, tout ce que ça comporte comme chose à assainir. Un autre tableau représente un peu ce qu'on retrouve dans nos rues, un peu partout, les sachets, les bouts d'orange, que nous pouvons bien, par un simple geste, déposer dans une poubelle, pour éviter de pourrir notre environnement, ce qui a forcément un impact sur notre organisme. Et, je crois que, pour vivre sain vraiment, il est un devoir de tout le monde de veiller à pouvoir maintenir cet environnement qui nous insère sain, juste un petit geste qui nous évite de grands dégâts. Je crois que le thème de Rencarts, cette année, si c'est pour sensibiliser la société vis-à-vis de ce comportement, c'est un thème qui va de soi, et ça comporte son importance, d'autant que nous voulons pouvoir vivre sains, et ce, ce n'est qu'une volonté de nous-mêmes de faire dans le sens qu'il faut, pour vivre sains, veiller à la propreté autour de nous, dans notre milieu immédiat et, pourquoi pas dans le milieu extérieur. Un troisième tableau présente un seau, un balai à l'européenne et puis, un balai africain, qui traduit toujours l'ensemble nécessaire pour le nettoyage autour de soi. Un quatrième tableau représente les déchets que l'on retrouve un peu partout, que j'ai laissé sans titre, toujours dans le contexte de parler de sensibiliser mon prochain vis-à-vis de ce cadre qui est d'assainir notre monde, pour être heureux dans notre corps.


Et ce tableau où nous voyons une bassine dans laquelle coule de l'eau de robinet ?


En somme, j'ai voulu traduire la rareté de l'eau, chez nous, en Afrique et que, cependant, de par notre négligence, notre légèreté habituelle, nous arrivons à négliger, à ne pas lui donner l'importance qu'il faut ; ou, des fois, on est obligés même de consommer de l'eau qui n'est pas potable, dans certains coins. Donc, ceux qui ont cette eau à partir d'une pompe qui leur permet d'avoir de l'eau saine, doivent pouvoir protéger cette eau qu'ils ont, parce que, à côté, l'autre souffre d'une goutte d'eau qui peut lui redonner ce souffle de vie nécessaire. C'est pour ça que j'ai pensé à cette goutte d'eau qui tombe dans une bassine, à partir d'un robinet.


Après une semaine de travail sur le thème de l'assainissement, tu fais quel bilan ?


Le bilan est très concluant, du fait que, le sujet est là, sur l'assainissement, et nous savons que l'assainissement nous concerne tous, surtout pour le bien-être de l'homme, parce que, un milieu malpropre ne peut que nous avantager négativement. Donc, oeuvrons tous ; nous avons essayé de sensibiliser le monde, d'accord que l'art, c'est à la portée d'une minorité donnée, mais on espère que ce langage pictural, dont nous nous servons pour sensibiliser les autres, puisse réellement atteindre les couches les plus reculées même, pourquoi pas, afin que, à leur tour aussi, elles captent ce qu'il faut et ce qu'elles trouvent de sensé, dans ce qu'on a fait. Donc, nous, on a mis toute notre volonté, tout notre savoir, tout notre savoir-faire, pour essayer de sensibiliser le monde autour de nous, viv-à-vis de l'assainissment de notre milieu, autour de nous, rien que pour être tranquilles dans notre peau.



Un dernier mot ?

Je crois bien que, tout un chacun de nous, je mets le point dessus, doit pouvoir se dire que, pour avoir un environnement sain, c'est un devoir de tous, et que, tous, nous devons être obnubilés par l'idée de maintenir autour de nous propre. Et, en maintenant autour de nous propre, du coup, ça nous amène à maintenir même l'extérieur de chez nous au propre, afin de maintenir l'environnement propre et d'être vraiment propre en nous. C'est surtout ça que je recommande aux autres.


Propos recueillis par Marcel Kpogodo

Kajero - Rencarts 2009

Un aperçu de quelques tableaux de Rencarts 2009

Kajero, à côté du tableau ''La faim"


Rencarts 2009


Les impressions de Kajero

De son vrai nom, Jean Roméo Kamptchouang, Kajero, d'origine camerounaise, a participé au Festival Rencarts 2009. Au dernier jour de la manifestation, le mercredi 23 décembre 2009, à la Place Lénine, il a acepté de nous associer à son bilan de l'événement.


Journal Le Mutateur : Bonjour Kajero, tu es sur le Festival Rencarts, depuis le début. Ayant fait des tableaux sur l'assainissement, quels sont les domaines que tu as explorés ?


Kajero : J'ai exploré pas mal de domaines, parce que je suis parti, d'abord, de nos gouvernements, de nos Etats. Puis, ensuite, j'ai fait un tour dans l'environnement qui est vraiment le thème central, et puis, j'ai fini au niveau de l'assainissement personnel, corporel du corps humain. Le premier tableau, je lui ai donné pour titre : "La faim". Il m'a été inspiré par une jeune fille que j'ai rencontrée un soir dans la rue; elle avait à peine quatorze ans, elle était toute triste. Je me suis dit que je pouvais l'aider, mais quand je me suis rapproché d'elle, je lui ai demandé ce qu'elle faisait là, et elle m'a dit qu'elle reste là. Je lui dis : "Mais, tu fais quoi là ? Tu restes là ? Tu habites là ?" Et, elle me dit qu'elle travaille, et je lui demande encore : "Qu'est-ce que tu travailles ?" Elle n'a plus voulu continuer. Directement, j'ai constaté quelle faisait du poteau ; elle était une prostituée. Je lui ai donc demandé : "Pourquoi est-ce que tu es là, alors qu'il y a les Mst dehors, qu'il y a le sida ? » Elle m’a dit que c’est parce qu’elle avait faim qu’elle était là, que si elle n’avait pas faim, elle ne devait pas être là, au poteau ; elle préfère mourir du sida, des Mst, que de mourir de famine, parce qu’avec un sida, elle peut vivre longtemps, alors que, par contre, avec la famine, un mois, et puis, on ne la verra plus sur la terre. C’est ça qui m’a beaucoup plus poussé à faire ce tableau que j’ai donc nommé ’’La faim’’, juste pour montrer aux gouvernements africains, pas seulement au Bénin où je vis, ou du Cameroun d’où je viens, de trouver des emplois, de créer des emplois à la population, parce qu’il n’y a pas que des prostituées que je rencontre, mais il y a des braqueurs qu’on vit tous les jours dans nos rues, il y a des voleurs, il y a des ’’gaymans’’ – c’est la nouvelle donne, de nos jours – avec les nouvelles technologies de l’information, les ’’gaymans’’ qui arrivent, il y en a partout, parce qu’il n’y a pas de boulot, il n’y a rien à faire ; on a des étudiants qui sortent de l’université avec des diplômes, mais ils ne peuvent rien faire. Donc, j’exhorte nos gouvernements à créer des emplois.


A part le thème de la faim ?


J’ai parlé de l’environnement à travers le tableau que vous voyez là-bas. Au départ, il est bleu, le tableau ; le bleu, c’est la couche d’ozone, c’est la couleur de l’ozone : avant, le climat, il était doux, il était favorable à tout le monde, on était bien couverts, bien protégés par la couche d’ozone. Mais, aujourd’hui, vous avez les feux de brousse, la production des gaz et tout, la couche d’ozone est en train de disparaître au jour le jour et, on vit dans de très mauvaises conditions maintenant, on est obligés de porter un masque ; ça ne suffit pas, quoi. J’exhorte donc les Africains à imiter les Européens, c’est-à-dire, de commencer à recycler ; c’est la raison pour laquelle vous voyez sur le tableau qu’il y a des signes de recyclage, et, vous voyez, il y a la couche d’ozone qui est en train de disparaître : je travaille avec des courbes ; vous voyez la courbe de la couche d’ozone qui est décroissante, pendant que celle de la température est plutôt croissante. Cela veut dire qu’on court à la catastrophe et, vous voyez le tableau, il n’y a pas trop de vert, il n’y a que quelques tâches de vert, ça voudrait dire que la forêt, la végétation est en train de disparaître, parce qu’on coupe des arbres, et on ne reboise plus ; je veux que tout Africain mette la main à la pâte, en polluant moins, en plantant des arbres. Quand vous voyez les grosses maisons, il y en a qui ont de grosses maisons, mais, il n’y a même pas une fleur à l’intérieur, il n’y a même pas un gazon, il n’y a même pas de pelouse, on ne sait pas pourquoi. Pourtant, c’est de la verdure qu’il nous faut.


Sur certains tableaux, on voit des chaises. Quelle est la symbolique de la chaise chez Kajero ?


La chaise, pour moi, c’est l’homme, en fait, c’est la responsabilité de l’homme. Occuper une chaise, ça veut dire, prendre certaines responsabilités. C’est la raison pour laquelle j’utilise des chaises.


Tu interpelles qui avec ces chaises ?

Avec les chaises, j’interpelle la population entière, j’interpelle l’Africain, le peuple africain, raison pour laquelle j’ai mis trop de chaises là-bas, dans le tableau qui a pour titre : ’’L’atmosphère’’.


Mais, au niveau du tableau sur la faim, il y a une seule chaise en haut …



Oui, il y a une seule chaise, parce que c’est le gouvernement, au fait ; quand je dis le gouvernement, ce sont les gouvernements africains ; chaque pays est gouverné par une personne qui est responsable. Quand je dis responsable, c’est trop dire, parce qu’elle est entourée de conseillers, de ministres, je ne pouvais pas y mettre tout ce monde ; voilà pourquoi j’ai mis une chaise, parce que cela regroupe tout ce monde, cela regroupe le gouvernement. Je voudrais donc que les gouvernements prennent leurs responsabilités.


A part les sujets sur la faim et l’environnement, qu’avons-nous d’autre ?


C’est sur la purification humaine ; j’ai mis qu’il faut qu’on se purifie nous-mêmes. Nous sommes une partie de la nature, il faut qu’on purifie la nature. Donc, il faut qu’on commence par nous-mêmes. Et nous, c’est pas la peau ; je vois les gens se décaper parce qu’ils veulent être bruns, je sais pas pourquoi, je vois les gens se vêtir, ils mettent des costumes, ils veulent imiter les Européens, je ne sais pas pourquoi, c'est pas là qu’on doit se purifier, on doit se purifier à l’intérieur. C’est la raison pour laquelle, sur ce tableau, il y a un cerveau, il y a un cœur, il y a les sexes, parce que c’est là l’homme, en fait : l’homme, c’est son cerveau, c’est son cœur et c’est son sexe ; si on ne peut pas purifier ces parties-là, c’est inutile. C’est un peu ça, le boulot que je suis en train de faire ici ; je veux donc qu’on s’assainisse, qu’on assainisse notre intérieur. Vous voyez, au niveau de la tête, il y a un carré bleu ; ce carré bleu, c’est au niveau de la bouche, en fait, parce qu’il faut qu’on sache ce qu’on dit, il faut qu’on sache ce qu’on mange, il ne faut pas qu’on dise du n’importe quoi, et qu’on mange du n’importe quoi.



Quel bilan tu fais de cette semaine d’exercice artistique sur le thème de l’assainissement ?

Le bilan, je trouve qu’il est positif, parce que, en l’espace de dix jours, je peux dire que je me suis donné corps et âme et j’ai réussi à réaliser jusqu’à quatre tableaux, c’est un record ; généralement, je prends du temps pour faire des tableaux ; je ne sais pas où j’ai puisé les forces pour le faire. Bravo ! Je me dis « Bravo ! », et puis, je dis « Bravo ! » à mes coéquipiers avec qui je travaille ici ; eux aussi, ils ont travaillé d’arrache-pied, ils ont fait plus que moi, il y a des gens qui ont fait six tableaux … Franchement, malgré tout ce qu’on a eu comme problèmes ici, on s’est battus pour travailler.


Et si c’était à refaire ?


Si c’était à refaire, je m’inscrirais toujours dans la liste des participants.


Un dernier mot ?


Je voudrais d’abord souhaiter Bonne Année 2010 à tous les Béninois, à tous les Africains ; je voudrais surtout dire à tout Béninois, en particulier, et à tous les Africains, en général, de prendre soin d’eux, c’est-à-dire, de prendre soin de la nature, de l’environnement.

Propos recueillis par Marcel Kpogodo