dimanche 13 décembre 2009

Kangni Alem à Cotonou

Kangni Alem


Littérature togolaise


Kangni Alem à propos de son dernier roman, "Esclaves" : «Le roi Adandozan n’était pas plus sanguinaire que le roi Agonglo»





De passage à Cotonou, il y a quelques semaines, pour le lancement de son nouveau roman "Esclaves" publié chez Lattès, l’écrivain togolais, Kangni Alem, explique pourquoi il est parti de l’histoire du royaume d’Abomey pour construire son œuvre. Au cœur de la trame, le roi Adandozan, souvent oublié dans le récit du Danhomè.


Vous venez de lancer officiellement à Cotonou «Esclaves», votre roman paru aux éditions Lattès en mai 2009. Quelle est la trame de cet ouvrage ?

J’ai essayé de raconter une période de l’histoire du Golfe de Guinée. Je me suis attardé sur le Bénin qui avait l’un des seconds plus grands royaumes. A part le royaume Ashanti, c’est le royaume d’Abomey. Ce que je voulais montrer, c’étaient les difficultés liées à la traite négrière à l’époque et comment chaque roi se positionnait par rapport à la traite. L’histoire d’Adandozan est compliquée parce que certains disent qu’il a été destitué parce qu’il était un roi sanguinaire, alors que, quand on fait des recherches, on se rend compte que c’est parce qu’il avait des positions qui allaient à l’encontre de la pratique générale. Adandozan, on le sait aujourd’hui, était opposé à l’esclavage et son affrontement avec Francisco Chacha de Souza a été pour beaucoup dans la destitution que le prince Gankpé, futur roi Guézo, va orchestrer avec le directeur du fort portugais de Ouidah. Ce sont des vérités que les historiens admettent de plus en plus.
Pourtant, un pan de l’histoire présente Adandozan comme un roi sanguinaire. Adandozan n’était pas plus sanguinaire que le roi Agonglo. Il ne faut pas raconter des histoires ! De toute façon, depuis Houégbadja, on sait que le pouvoir d’Abomey a été sujet à des conspirations, des retournements d’alliance. Il y a des rois qui ont été tués. On a raconté par exemple qu'Agonglo a été tué parce qu’il voulait se convertir au catholicisme. Beaucoup de gens n’y croient pas. Donc, il fallait chercher des explications. Adandozan est un personnage de mon roman. Il n’est pas le personnage principal. Je me sers de lui pour éclairer cette période du XIXè siècle qui a vu l’autorité d’un royaume s’affaiblir sous le pouvoir d’un directeur de fort négrier, c’est-à-dire un colon avant l’heure. Francisco Chatcha de Souza était un homme assoiffé de pouvoir également. Donc, il fallait que son autorité ne soit pas battue en brèche par Adandozan. Voilà à peu près ce que je tente de faire.


Peut-on en déduire que vous avez fait un travail d’historien ?


Mais, ce n’est pas un travail d’historien. C’est un roman que j’ai écrit. Quand je dis "roman", c’est très important. C’est que je donne une idée générale de la période mais je prends la liberté d’inventer des personnages qui essayent d’éclairer le lecteur sur ce que je pense de notre histoire très tourmentée et sur le fait que l’esclavage a beaucoup déstructuré notre société et qu' aujourd’hui, quoi qu’on dise, les conséquences sont là dans les mentalités, puisque remarquez qu’on ne vendait pas ses propres frères, on vendait les populations des autres ethnies. Dans la mémoire de chaque ethnie dans le Golfe du Bénin, il y a des griefs cachés: "Tel a vendu notre ancêtre", etc. Ces choses ne se faisaient pas comme cela. C’est toute une organisation. Le royaume d’Abomey était l’un des points centraux de la traite négrière.


Est-ce qu’on peut dire que, sous le couvert d’un travail littéraire, vous avez, entre autres, cherché à réhabiliter l’image du roi Adandozan ?
Si j’ai cherché à le réhabiliter ? Je ne sais pas forcément, mais le romancier ne cherche pas à imposer une vision. Il essaie de comprendre. Mais, il y a quand même quelques certitudes sur lesquelles je me suis basé à savoir tout simplement que, quel que soit ce que l’on rencontre, quand on creuse un peu, on découvre la contre-vérité. Donc, s'il y a de la contre-vérité, est-ce que la réhabilitation est possible ? Il appartient aux lectures de dire si c’est de la réhabilitation ou pas. Et puis, la réhabilitation, ce n’est pas à l’écrivain de la faire; le royaume d’Abomey se poursuit dans le temps, le royaume d’Abomey n’a pas complètement disparu. Les rivalités qui existent aujourd’hui dans le royaume d’Abomey viennent du fait que la destitution a brisé la lignée royale. Donc, à un moment donné, on s’est retrouvé avec deux prétendants au même trône. Et c’est ça, aujourd’hui, qui affaiblit d’ailleurs les princes d’Abomey qui auraient pu s’unir en réécrivant l’histoire d’une autre façon, en se retrouvant et en disant : "Voilà, à un moment donné, nous avons été bluffés par des esclavagistes, nous avons été bluffés par des puissances étrangères qui ont détruit la lignée royale; il nous appartient de la reconstruire", parce que, vous savez, ce royaume a été important. Moi, ça me fait de la peine de voir la faiblesse des descendants des grands royaumes africains, que ce soit au Bénin, chez les Ashantis, ou chez les Mandingues, on se dit : "On avait là une sorte d’organisation politique assez puissante qui aurait pu donner des leçons à nos jeunes Républiques". Mais, on ne tire pas de vraies leçons de ces expériences.


Un écrivain togolais qui parvient à entrer avec autant de profondeur dans l’histoire du royaume d’Abomey qui est un royaume béninois, est-ce qu’on peut dire que c’est le signe de l’universalité de la littérature ?


N’importe quel écrivain aurait pu faire ça. Ce n’est pas parce que je suis Togolais que mon travail est exceptionnel. Vous savez, il y a un écrivain américain qui avait déjà commencé à écrire un roman sur l’histoire d’Adandozan et de Chacha. Il s’agissait de Bruce Chatwin. Ce n’est pas parce qu’il était américain qu’il ne peut pas le faire. Le travail d’écriture est un travail de documentation et de discipline. Quand on connaît les mécanismes, quelle que soit sa nationalité, on peut le faire. Je ne connaissais pas du tout la culture brésilienne et, pourtant, une grande partie de ce roman raconte l’esclavage au Brésil et puis les transformations de la religion vodoun sur le terrain. Je suis allé enquêter. J’ai lu. C’est un travail intellectuel. Mais, quand on a fini le travail intellectuel, on laisse l’art prendre le dessus. Et ça, tout écrivain qui s’impose une discipline de travail peut y arriver.


Pourquoi le titre "Esclaves" donné au roman ?


J’ai mis "Esclaves" au pluriel pour raconter tout simplement la complexité de l’esclavage. L’esclavage s’est fait vers les Amériques mais, une fois revenu sur le sol africain, on a encore vendu des esclaves. Donc, il y a des esclaves à tous les niveaux. Nous sommes esclaves de nos passions. Il y a des gens qui sont esclaves de leurs passions dans le roman, il y en a qui sont esclaves physiquement parce qu'asservis. Ce sont les différents types d’esclavages que nous avons vécus que je raconte.


En plein début du 21è siècle, Kangni Alem, il faut l’identifier à quelle tendance dans la littérature africaine, dans la littérature togolaise? Quelle est sa marque identitaire aujourd’hui ?


Je suis un écrivain togolais cosmopolite. Je suis un écrivain togolais fondamentalement parce que c’est mon pays le Togo. Je ne dirai pas que je suis un écrivain africain parce je n’ai pas la nationalité africaine. J’ai la nationalité togolaise. Mais, je voyage, je suis capable d’aller au Brésil, de faire un travail, en Corée, etc. Je suis ouvert au monde parce que je lis la littérature qui se fait dans le monde entier. Et, pour moi, une fois qu’on a une base, on peut s’ouvrir au grand monde.


Quelle est votre spécificité littéraire par rapport aux écrivains de la même génération que vous, comme Florent Couao-Zotti, Alain Mabanckou et les autres ?


Je ne pense pas que j’aie une spécificité par rapport aux autres. Nous poursuivons le même rêve: sortir la littérature africaine d’un ghetto, c’est-à-dire, faire en sorte que la littérature africaine, à laquelle nous appartenons par nos nationalités différentes, soit lue partout, qu’elle soit décomplexée. Je suis conscient que notre génération à laquelle on reproche parfois de produire une littérature qui n’est pas adaptée au continent africain, sera celle dont s’inspireront les écrivains de demain, de la même que nous nous sommes inspirés des écrivains qui nous ont précédés comme les Tchikaya U'Tamsi qu’on critiquait déjà parce qu’on trouvait qu’ils s’éloignaient du continent africain. Une littérature n’a pas à s’accrocher à un continent. Il suffit d’avoir une nationalité et puis de pratiquer son art.


Aujourd’hui, Kangni Alem est un écrivain togolais reconnu au plan international. C’est le signe d’une certaine réussite. Quel est votre secret ?

Il appartient à l’histoire de me faire asseoir. Je ne me préoccupe pas de ces questions-là. Quand j’écris, je ne me préoccupe pas de ça. Ce qui m’intéresse, c’est de savoir si j’ai écrit un bon livre ou pas. Il y a des écrivains qui ont disparu de la mémoire des peuples. Aujourd’hui, vous dites que je suis connu. Peut être que, dans vingt ans, mes œuvres seront oubliées, ou bien, il n’y aura que quelques spécialistes qui en parleront. Je crois qu’il n’appartient pas à l’auteur de rêver de ce qu’on gardera de lui plus tard. Tout ce qu’il peut espérer raisonnablement, c’est qu’on continue à le lire dans trois cents ans.


Votre compatriote Kossi Efoui vient de gagner le "Prix du Roman des Cinq Continents". Qu’est-ce que cela vous inspire ?


C’est un plaisir parce que Kossi est d’abord un ami. Le prix qu’il remporte est un honneur de plus pour la littérature. Mais, au-delà du prix, Kossi Efoui est l’un des écrivains qui font honneur à la littérature africaine d’aujourd’hui. Un écrivain très décomplexé qui ne se pose pas des questions de ses prédécesseurs. Je crois que cette génération-là, au-delà de tous les prix qu’elle peut remporter, pose les bases d’une nouvelle tradition de la littérature pour les auteurs du continent qui vont venir.

Quel conseil avez-vous à donner à la jeune génération qui veut écrire et qui veut réussir comme vous ?


Lisez, lisez, lisez…,parce qu’un écrivain, c’est d’abord quelqu’un qui lit énormément. Quand on ne lit pas, on ne peut pas écrire. La littérature ne se crée pas dans le vide. Impossible. Ce n’est pas les cours de grammaires qui font la littérature, mais c’est la connaissance de toutes les traditions littéraires, qu’elles soient asiatiques, françaises, américaines, africaines. Il faut arrêter de ne lire que des auteurs africains. Il faut aller lire partout. C’est le seul conseil que je peux donner.

Quelle est la situation politique au Togo aujourd’hui ?


Je n’ai pas de grandes déclarations à faire sur la politique au Togo.




Quel regard projetez-vous sur les présidentielles en 2010 ?

Attendons les élections présidentielles venir. Je ne peux pas jouer au devin sur les élections. La politique au Togo, elle se cherche comme dans tous les pays africains. On cherche le moyen de construire une démocratie. On cherche le moyen d’affermir la République. Personne n’a la solution. Certains vont difficilement, d’autres avancent ou reculent. C’est quelque chose qu’il faut analyser patiemment. Le Togo a une histoire qui n’est pas l’histoire du Bénin, qui n’est pas l’histoire de la Guinée ni de la Côte d’Ivoire. Je pense qu'il faut espérer que les Togolais finiront par trouver la porte de sortie pour construire une République forte.



Propos recueillis par Fortuné Sossa et Marcel Kpogodo

lundi 30 novembre 2009

Michel Pinheiro

Michel Pinheiro

En prélude au lancement de son nouvel album et à son prochain concert à Cotonou

Michel Pinheiro: " [...] je cherche le changement, je ne le vois pas ..."


De son nom complet, Cosme Michel Pinheiro Odjougbélé, l'artiste-musicien salsero béninois, Michel Pinheiro, originaire de Pobè, qui, depuis 1992, s'est retrouvé à renforcer sa carrière musicale en Côte d'Ivoire où le feu Mamadou Doumbia l'a beaucoup aidé, ancien Chef d'orchestre du très engagé Tiken Jah Fakoly, il a accepté de se confier à nous, parlant de son troisième album, en double ('' Bénin'', pour notre pays, et ''Hommage à Mamadou Doumbia'', pour la Côte d'Ivoire), à lancer très prochainement, et du concert qu'il donnera à Cotonou. Cela ne l'empêche pas de développer une langue acerbe contre le système culturel au Bénin.



Pourquoi avoir pris l'initiative de faire un album dénommé ''Bénin''? Que comporte-t-il?

''Bénin'', parce que, comme je tourne beaucoup, j'ai remarqué que les gens ne connaissent pas le Bénin à l'étranger, ça veut dire que nos ambassadeurs ne font pas leur travail comme il faut, parce que quand tu parles du Bénin, on te demande : "Cest où ?", et je leur dis qu'on a le Nigeria, le Togo, le Niger et le Burkina comme frontières, et c'est ça qui m'a motivé à écrire un morceau pour inviter les gens à venir connaître le Bénin, quand même. C'est aussi parce que j'aime mon pays. Aussi, je dois préciser que l'album "Bénin"comportera dix titres et deux qui sont consacrés au Bénin : "Bénin" et "Monsieur le Président". Par rapport au second titre, nous sommes citoyens de ce pays et nous devons contribuer à la marche de ce pays; quand les choses ne vont pas, il faut qu'on puisse au moins les dénoncer, quand ça va, qu'on puisse dire que ça va.

Sur ce morceau, vous dites que ça ne va pas ?

On nous a parlé de changement, mais je cherche le changement, je ne le vois pas. Donc, je demande où se trouve le changement, sur ce morceau.



Michel Pinheiro est donc un artiste engagé politiquement ...

Nous sommes tous engagés politiquement .... (Gros rires).



Vous êtes en train de prendre position ...

Je ne prends pas position, je n'ai rien contre qui que ce soit, mais, seulement, je constate. Moi, je n'ai pas de parti; que ce soit un Nordique ou un Sudiste, pourvu que ce soit un Béninois qui soit au pouvoir, moi ça m'est égal, qu'il fasse bien le travail, que le peuple puisse jouir bien, et qu'on ne cherche pas à aller traverser la mer pour mourir dans la Méditerranée. C'est juste ça. On a tout! On a tout en Afrique pour vivre heureux. Mais, c'est parce que nous avons des gouvernants qui ne font pas bien le travail qu'on est dans la merde, que les gens sont obligés de se chercher et ça coûte la mort à certains. Je pense que nous sommes à cinquante ans presque d'indépendance; si nous faisons le bilan, il est négatif, partout en Afrique, ce n'est pas qu'au Bénin. Voilà un peu; on ne peut pas rester insensibles à ça, c'est pas normal.


A part les thèmes sur le tourisme et sur la dénonciation du Changement, quels sont les autres que vous abordez dans cet album ?

Il y a un morceau qui parle de l'inconscience des intellectuels noirs, en général, surtout de nous qui partons et qui ne voulons plus revenir; ce titre s'appelle "E ma gba gbé ilé" : "N'oubliez pas d'où vous venez", qui est un appel aussi en même temps à la diaspora pour apporter sa pierre à la construction de l'Afrique, parce que nous critiquons les gouvernants, mais, qu'est-ce que nous aussi nous faisons ? Si les Etats-Unis se sont construits, si la France s'est construite, c'est parce que les fils de ces pays sont partis et sont revenus avec des connaissances; quand on va acquérir des connaissances, qu'on revienne en faire profiter la pays. C'est très important. A part ça, j'ai repris "Paysan" qui était sur mon premier album. Comme je le dis, les paysans sont de braves gens qui font un travail énorme; c'est grâce à eux que vous et moi nous sommes là, s'ils ne produisent pas, on ne peut pas manger. Et, je leur rends hommage, à travers ce titre. Il y a un autre du vieux Mamadou Doumbia, que j'ai repris, qui s'appelle "Djokadjo", qui parle du palu, qui est un exorcisme au palu et au sida. C'est un peu ça ... Vous découvrirez le reste de l'album ...



Vous intervenez dans combien de langues sur l'album "Bénin" ?

J'utilise le yoruba puis le dioula.



Dans un album destiné au Bénin, vous chantez en dioula ?

Quand Koffi Olomidé chante en gningala, les gens écoutent au Bénin. Donc, si je dis que c'est destiné au Bénin, c'est juste parce que j'ai un morceau dessus qui s'appelle "Bénin". Si non, cela se vendra partout aussi.


Il n'y a que la salsa sur cet album ?

Sur cet album, il y a du mandingue dans le morceau "Touré", "Monsieur le Président", c'est du reggae, "E ma gba gbé ilé", c'est de la musique de recherche. Mais, l'album est dominé par la salsa, comme d'habitude.



Apparemment, depuis 2008, il y a rupture avec Tiken Jah Fakoly, puisque vous n'êtes plus son chef d'orchestre ?

Il n'y a pas rupture. Par rapport à ma carrière solo et aux engagements que je sens venir, et puis, quand on est au pouvoir tout seul pendant un certain temps, , ça devient de la routine; de 1996 jusqu'en 2008, c'est beaucoup! A un moment donné, je me suis dit qu'il faut qu'on passe le flambeau à quelqu'un d'autre. On s'est réunis, entre nous musiciens, on a désigné quelqu'un d'autre pour être le chef d'orchestre. Moi, je suis là comme tout autre. Comme ça, je peux m'éclipser, m'occuper de moi; quand je ne suis pas là, on n'en sent pas le poids.



Qu'est-ce que vous avez pu capitaliser comme expérience, après avoir travaillé aux côtés de Tiken Jah Fakoly qui est aujourd'hui une star mondiale ?

Je tourne sur toutes les scènes du monde, et c'est une très grande expérience; je côtoie d'autres grands de la musique et je visite d'autres pays, d'autres peuples. Donc, les mentalités, ce n'est pas la même chose, on apprend beaucoup. Je me souviens que quand on est allés en Nouvelle-Calédonie, il y a quelque chose qui m'a marqué, c'est leur attachement à la culture, à la tradition, parce que, quand vous arrivez, on vous emmène, c'est comme si vous venez dans un village, et vous allez d'abord voir les maîtres de terre, on vous présente au chef du village, qui vous reçoit et vous lui donnez des présents, et il vous dit : "Soyez les bienvenus chez nous !". Ce que nous, on a perdu en Afrique, les gens l'ont, quelque part, conservé. Franchement, ça a tapé tout de suite ma conscience et je me suis dit qu'on est en train de s'éloigner de notre culture, pensant que c'est mauvais, alors qu'on a beaucoup de choses de très bien, qu'on doit garder dans notre culture. Donc, j'ai acquis beaucoup de choses que je ne peux pas étaler.



Quels sont vos projets, dans un futur très proche ?

Mon projet, c'est la sortie du nouvel album et le concert, le 12 décembre au Centre culturel français de Cotonou, auquel je convie tous les Béninois, tous les mélomanes; venez me soutenir, puisque l'artiste n'est rien sans les mélomanes.



Vous avez déjà eu l'occasion de vous produire au CCF. Quelle est la particularité du prochain spectacle ?

Le prochain spectacle représente mon album, celui intitulé "Bénin". Donc, il y aura des titres des anciens et du nouvel album que je vais présenter au public.


Pour le spectacle du 12 décembre, serez-vous accompagné d'un orchestre ?

C'est un groupe que j'ai monté pour m'accompagner ce jour-là. Il y a certains avec qui j'ai travaillé pour mon dernier concert au CCF; c'est à un pianiste que j'ai demandé de monter quelque chose pour moi, pour ce concert.



A part l'orchestre, aurez-vous la main forte de quelques artistes béninois?

Il y aura ma filleule Méola, le groupe Tèriba et d'autres artistes à découvrir sur place.


Etant de l'autre côté de la rive, vous avez peut-être un regard critique sur ce qui se fait dans le domaine de la musique au Bénin. Quelles sont vos appréciations ?

Dans la musique béninoise, nous avons un patrimoine culturel très vaste, très riche, et il y a pas mal de choses qui se font et qui sont très bien. Et, avec l'avènement des studios, je pense que c'est en tâtonnant qu'on arrive à trouver la bonne voie. Malheureusement, il n'y a pas une politique culturelle dans ce pays; je l'ai toujours dit : ce n'est pas voter 1 milliard de francs pour le Fonds d'aide qui vent dire qu'on fait quelque chose à la culture. Depuis combien d'années vote-t-on 1 milliard pour la culture ? Qu'on me dise quel acte concret on a posé qui puisse faire voir aujourd'hui que c'est le Fonds d'aide à la culture qui a réalisé cela. C'est dommage que nous soyons au Bénin et que le seul espace où on peut s'exprimer, c'est le Centre culturel français. Pourquoi ne pas avoir un Centre culturel béninois ? Pourquoi on vote 1 milliard pour le Fonds d'aide à la culture, et qu'il n'y a pas de structure de distribution digne de ce nom dans ce pays ? Donc, il faut s'arracher les cheveux chaque fois qu'on fait un album ! C'est parce qu'on aime qu'on continue de le faire ! Des fois, je me demande s'il y a un ministère de la culture dans ce pays, et si on pense à la jeunesse de ce pays; c'est à travers la culture qu'on forme sa jeunesse. La culture embrasse tout, la musique, la poésie, le théâtre, tout. Et, il faut avoir un espace pour s'exprimer. Ce n'est pas les Français qui vont continuer à faire notre travail pour nous, après 50 ans d'indépendance !


Un mot sur l'album "Hommage à Mamadou Doumbia" ?

Il se compose aussi de 10 titres, dont 8 du vieux Mamadou Doumbia, que j'ai repris, plus deux titres de moi-même que je mets sur l'album, c'est-à-dire "Touré" en rythme mandingue et "E ma gba gbé ilé" en yoruba, que je mets en Côte d'Ivoire, parce que ça s'adresse à tout le monde; on cherchera à comprendre. On dit souvent que "quand quelque chose te fait mal, tu le dis dans la langue de ta mère".



Pour ces 8 titres de Mamadou Doumbia, est-ce une marque de reconnaissance ou un hommage en son honneur ?

C'est tout cela à la fois, parce qu'il a été pour beaucoup dans ma carrière. Aujourd'hui, si je joue du trombone, c'est grâce à lui.


Un dernier mot à l'endroit du public béninois?

Venez me soutenir, venez découvrir l'album "Bénin".


Propos recueillis par Franck-Raoul Pédro et Marcel Kpogodo