mercredi 26 août 2009

Kam's, musicien au Bénin




Musique hip-hop au Bénin


Kam’s : « En 2019, j’espère atteindre le niveau de P-Square, de 2 Face, de Fally Ipupa »



Mince, taille un peu au-dessus de la moyenne, allure très simple, figure toute fraîche de la musique, il a accepté de se prêter patiemment à nos questions, révélant une assise dans le hip-hop béninois, un esprit qui pétille et de grandes ambitions de réussite dans l’art et dans le social : Kam’s, à cœur ouvert, pour vous …



Marcel Kpogodo : Bonjour Kam’s. Tu es un jeune artiste de 24 ans, vivant au Bénin, admirateur de Shaggy et de Sean Paul, et tu viens de lancer ton deuxième single. Est-ce que tu peux nous en parler un peu ?



Kam’s : Merci d’abord pour l’interview. Je viens de lancer mon dernier single intitulé ’’Bouge-toi’’, qui est très accessible à tout le monde, surtout aux jeunes, parce que je suis un jeune. Je me dis que pour toucher la jeunesse, il faut qu’on soit dans les normes, dans le même style. Même si le morceau du titre est ’’Bouge-toi’’, si vous l’écoutez, vous sentez qu’il y a toujours le message qui dit à la jeunesse de ne pas baisser les bras, de continuer à se battre, quoi qu’il arrive : je me considère comme un ambassadeur de la jeunesse africaine.



Pourquoi as-tu choisi de faire passer un message relatif à l’espoir ?



Au fait, le message de l’espoir parce que, aujourd’hui, quand je regarde la jeunesse béninoise, je regarde aussi la jeunesse africaine et je trouve que la jeunesse souffre ; moi-même qui en parle, je sais ce que j’endure pour faire sortir mes sons. Aujourd’hui, beaucoup de jeunes africains n’ont plus d’espoir ; ils se disent : « Même si tu termines et que tu as ton diplôme, est-ce que tu auras un emploi ? Tu vas aller chercher un emploi et tu n’en auras jamais ». Beaucoup se lancent dans le banditisme ; les filles, n’en parlons même pas, peut-être, dans la prostitution et autres. Ce que, moi, je leur demande, c’est d’avoir de l’espoir, parce que, sans l’espoir, je ne pense pas qu’on peut vivre ; je leur demande de se dire : « Demain ou après-demain, le soleil brillera pour tout le monde ». On voit des exemples en Afrique : un groupe comme Magic System ; quand vous regardez leur début, ils se sont bâti leur début, c’était comme tout le monde, comme tous les jeunes en Afrique. Aujourd’hui, ils sont sur la scène internationale et, cela a été un des groupes africains qui a été invité à L’Elysée, ce qui n’est pas donné à n’importe qui. Aujourd’hui, cela va sur eux, pourquoi ? Parce qu’ils ont gardé l’espoir. Donc, c’est tout simplement ce que je demande à la jeunesse africaine, à la jeunesse béninoise, et de se battre pour ce qu’elle a choisi de faire, de se mettre à fond la caisse là-dedans, comme on le dit.



Tu considères Shaggy et Sean Paul comme tes repères, ce qui permet de prévoir que ta musique sera du rap, ragga, hip-hop …



Oui, je considère Shaggy comme un repère. Donc, vous allez le voir même déjà, dans les morceaux que j’ai eu à présenter au public, ’’Hop message’’ dont l’instrumental est reggae, et je chante aussi un peu reggae, le deuxième titre ’’Bouge-toi’’ qui fait danse-hall, comme je l’aime, et il faut dire que ma spécialité, c’est de beaucoup travailler sur le danse-hall. Donc, c’est ça qui fait cette musique tropicale danse-hall Jamaïque-Afrique, qui fait une collaboration de ce que vous écoutez dans ce deuxième morceau.



Pourquoi avoir choisi de faire ce genre de musique ?



J’ai choisi de faire ce genre de musique parce que, déjà, à l’époque, quand j’avais commencé la musique, j’étais pas un raggaman, j’étais un rappeur quand j’étais dans le groupe ’’Apokaliptik’’. Mais, après, j’ai été beaucoup influencé en écoutant le danse-hall, en écoutant du reggae comme avec Bob Marley ; j’ai beaucoup été influencé parce que, par exemple, quand vous prenez quelqu’un comme Bob Marley, il avait des textes très très engagés. Je pense que le reggae et le ragga, on trouve un peu le chant là-dedans, ce qu’on ne trouve pas dans le rap pur. Ceci fait que beaucoup de gens sont vraiment repoussés par le rap, qui est ciblé pour un certain public, et non pour tout le monde. Donc, quand c’est du reggae, tout le monde peut l’écouter, parce que ce sont des mélodies chantées ; je pense que les sons chantés, ça passe plus que le rap, tout le monde se retrouve dedans, c’est accessible. C’est ça qui m’a beaucoup influencé, sans oublier aussi l’arrivée des Neg’Marrons au Bénin, pour le Festival Hip-Hop Kankpé organisé par Ardiess ; quand ils ont joué et que je les ai suivis en live, ça m’a donné vraiment la détermination, puisque, eux aussi, c’est des gars qui ont été beaucoup influencés par la musique jamaïcaine, que ça soit du reggae, du danse-hall et tout. Donc, ça m’a beaucoup plu, et je me suis dit que si des Français font de la musique jamaïcaine en français et non en anglais, c’est réussi et que moi aussi je peux le faire. J’ai essayé et ça donne ce que ça donne aujourd’hui.



Ton premier single s’intitule comment ?



’’Hop message’’.



Tu l’as lancé en quelle année et quel en a été l’impact sur le public ?



J’ai lancé le single ’’Hop message’’ en fin 2007 jusqu’en 2008 ; ça a tourné sur toutes les chaînes de télévision et de radio, et ça continue de tourner sur Golfe FM. Au début, il s’agissait pour moi de donner une image d’ambassadeur de la génération consciente. Pour moi, c’était d’amener la jeunesse béninoise voir en Kam’s un représentant de la jeunesse africaine, et il y a beaucoup de gens qui m’ont appelé et qui m’ont dit : « Toi, on s’est retrouvés dans ton son parce qu’il nous a remontés ». Je me dis que ça ne sert à rien de faire un morceau – je ne veux indexer personne – un morceau qui passe et qui ne dit rien de beau ; je pense que lui qui est à la télévision, nous qui avons la chance de passer à la télévision, à la radio, il faudrait qu’on apporte, qu’on envoie des messages un peu conscients au moins, même si nous avons nos problèmes, parce que chacun de nous a toujours ses problèmes. Il y a des fois où on est dans des jours noirs et tout, tu allumes la télé et, au moment où les clips défilent, tu entends un gars qui te dit : « Ouais, il faut garder l’espoir … ». Tu vas te dire que si lui, il dit ça, c’est que, peut-être, on peut toujours garder espoir. Donc, c’était ça le beat ; à mon niveau, même si ce single n’a pas donné ce que je voulais en tant que tel, cela a donné à son niveau.


Est-ce que tu as un album en vue ?



Oui, j’ai un album en vue que je prépare vraiment beaucoup. Cet album, pour moi, ça sera dédié à tous les artistes, ça sera dédié à toute la génération consciente et à toute l’Afrique surtout, parce que, aujourd’hui, quand on voit le nom Kam’s, il y a l’Afrique qui est d’abord en avant, ça signifie beaucoup : c’est que ça représente l’Afrique et tout.



Et, tu penses faire sortir cet album quand, avec combien de titres ?



Je pense sortir cet album en fin 2009. Les titres, pour le moment, je suis en train de travailler dessus. Donc, je ne peux pas encore donner des titres précis. On verra avec le travail, on verra comment ça va se faire avec les moyens aussi qui vont avec, parce qu’il faut aussi les moyens qui vont avec.



En dehors du thème de l’espoir, quels sont les autres sujets que tu aimes aborder sur tes productions ?



Déjà, le prochain single sera lancé ; ’’Bouge-toi’’, c’est une promotion jusqu’en décembre. Après décembre, janvier, il y a un autre morceau qui sera lancé mais, là, quand même, je reviens sur un côté sentimental, parce qu’il faut reconnaître que c’est un truc auquel personne n’échappe dans le monde ; il n’y a personne qui va dire qu’il n’a jamais été amoureux. Donc, je vais présenter un morceau où je raconte une partie de ma vie, à l’époque où j’avais 18 ans, l’histoire d’une fille qui m’a marqué jusqu’à maintenant ; je vais chanter un peu de l’amour. C’est un peu ça. A part l’amour, vous allez trouver des sons engagés, parce que je suis quelqu’un qui suit beaucoup l’actualité au niveau politique, même si je me critique plus souvent. J’aimerais bien donner un peu seulement mon point de vue sur la politique africaine. Moi, je suis pour ce que le Président Kadhafi initie, l’Union africaine, les Etats-Unis d’Afrique ; même s’il y a des blocages aujourd’hui, l’Afrique unie, ça va faire mal demain, comme le dit Tiken Jah Fakoly.



Quel est ton parcours dans l’univers du hip-hop béninois ?



Le monde du hip-hop béninois, j’y ai beaucoup de relations, je m’entends avec tous les artistes. En réalité, j’ai commencé d’abord par le Ccf (Ndlr : Centre culturel français) de Cotonou, avec les Duels cruels, auxquels j’ai participé. Après, j’ai fait un featuring avec le chanteur PK, dans un premier morceau qu’on a présenté aux Duels cruels, qui y a été beaucoup apprécié, et qui tournait en ce moment sur Radio Tokpa ; on a présenté le morceau et ça a pris, c’était Ma dernière demeure. Pour moi, c’était une expérience, c’était la première fois que j’entrais en studio ; j’en profite pour faire un clin d’œil à l’ingénieur du son, qui est très connu dans le monde hip-hop, Sam Seed. Le travail était vraiment dur, et on doutait du morceau, au fait. En présentant le morceau, c’est là où on a eu encore de la hauteur, j’ai eu encore la détermination, surtout, de pouvoir faire mieux. Au début, quand on présentait le morceau, le public nous regardait, tout le monde nous regardait tranquillement, comme ça. Mais, après, vers la fin, tout le monde a commencé à acclamer et, vraiment, ça avait pris ce jour-là ; je me suis dit : « Si ça prend comme ça … ». C’est là où j’ai eu à connaître beaucoup d’artistes du hip-hop béninois, j’ai eu à les connaître au niveau des Duels cruels, on a sympathisé, parce que, à chaque fois, tout le monde venait là, toute la génération du hip-hop béninois, en tout cas.



As-tu d’autres références ?



Il y a, par exemple, Rap Rnb, qui était organisé, à l’époque, par Joao, l’ex-membre d’Ardiess, c’étaient mes débuts. A part ça, dernièrement (Ndlr : le 04 juillet 2009, à l’Espace Tchif), j’ai fait la première partie du concert acoustique de Zeynab, j’ai participé même au Projet du Ministère de la Culture qui était de promouvoir un peu les artistes ; l’idée du Ministre, c’était qu’on nous voit à la télévision, mais le public n’a pas toujours la chance de nous voir en contact avec lui. Même en cas de concert, c’est payant et tout le monde n’arrive pas à venir. Ce qu’il avait organisé était gratuit, ouvert à tout le monde ; j’ai participé à ça, j’ai fait beaucoup d’autres trucs, j’ai fait Miss Eneam, j’ai fait beaucoup de choses, beaucoup de podiums, qu’il y en a même qui m’échappent.



Ayant entrepris des études en Télécommunications, qu’est-ce qui t’a conduit à la musique ?



J’ai adopté la musique comme métier, tout simplement parce que je trouvais que c’est ma manière de pouvoir communiquer avec les gens. C’est pour partager, avec les gens, certaines réalités que moi-même je vis ; j’ai trouvé que la musique, c’est la meilleure manière de communiquer, parce que ta promotion est jouée et tout le monde t’écoute, tout le monde écoute ton texte forcément. Donc, c’est là où je me suis lancé dans la musique. A part ça, aujourd’hui, moi, je ne fais pas la musique pour le business, je ne fais pas la musique pour me faire voir à la télévision, je fais la musique par passion, parce que j’aime vraiment la musique. Désormais, à part que je peux partager mes textes avec les gens, désormais aussi, vraiment, quand je chante, c’est la plus belle chose pour moi ; quand j’écoute mes sons, quand je vois ce que j’ai eu à faire aujourd’hui, quand je regarde mon parcours jusqu’à maintenant, même si je ne suis pas encore satisfait de ce j’ai eu à faire, je me dis que c’est le chemin que j’ai choisi aujourd’hui, coûte que coûte, vaille que vaille.



Quel est l’objectif que tu espères atteindre d’ici à 2019 ?



D’ici à 2019, si ça continue comme ça avance maintenant, aujourd’hui, j’espère atteindre le niveau de P-Square, de 2 Face, des artistes qui ont décollé internationalement. Pourquoi pas comme Fally Ipupa ? Pour moi, sur les singles à venir, je réserve beaucoup de surprises ! C’est que, ça va frapper d’une façon où tout le monde va s’étonner : « C’est lui qui a fait ça ? » Donc, voilà pourquoi je me dis, je serai peut-être comme ces artistes que je viens de citer, comme Magic System. Voilà.



Comment fais-tu pour financer tes activités artistiques ?



Pour le moment, c’est très dur, il faut le dire. Je profite de l’interview pour pouvoir lancer un appel à un producteur professionnel, à un promoteur qui peut aider, qui sent que la musique que je fais lui plaît, qui peut mettre la main à la poche pour pouvoir accompagner ce que je fais. J’appelle tout le monde, et je remercie encore le seul partenaire que j’ai pour le moment, Monsieur Sam, qui est le Directeur de Master Prod à Cotonou ; lui, qui, jusqu’à aujourd’hui, est en train de beaucoup faire vraiment. J’invite aussi tous les autres partenaires à pouvoir se joindre à lui, pour qu’on puisse réaliser ce que je t’ai dit en quelques mots.



Un dernier mot pour ceux qui lisent cette interview …



Je dis à tout le monde de me soutenir, pas parce que, peut-être, c’est Kam’s, mais de me soutenir par rapport aux projets aussi que j’ai derrière moi. Je ne fais pas la musique parce qu’il faut faire de la musique ; il y a beaucoup qui ont chanté comme moi, qui ont chanté des morceaux d’espoir, mais, aujourd’hui, quand on regarde concrètement, ils ont fait ça pour du marketing. Mais, moi, je ne fais pas du marketing, parce que, en décembre, à part mon album qui est prévu, il y aura aussi un projet intitulé ’’Hop Message’’, qui va réunir tous les artistes de la place et pour recueillir des fonds d’aide pour les enfants orphelins, ceux qui sont dans les Ong, qui passent souvent le 25 décembre, comme ça, dans le noir, alors que, qu’est-ce qui me coûte, moi, de faire trois morceaux sur scène, sans qu’on me paye, pour ces enfants soient heureux ? Cela ne me coûte rien. Qu’est-ce que ça coûte à Zeynab, à Ardiess, à tout le monde ? Cela ne coûte rien de venir faire ce podium pour que, avec toutes les entrées qu’on aura, on puisse aider ces enfants. Donc, c’est ça le projet que j’ai pour montrer que je ne dis pas le message de l’espoir parce qu’il faut le dire dans la bouche ; je le dis et il faut aussi réaliser les choses concrètes qui vont avec.


Propos recueillis par Marcel Kpogodo


Pour joindre l'artiste directement: franckparis10@yahoo.fr / kevinvirgal@yahoo.fr / Tél.: (00229) 96.14.71.00





Don emiliano, musicien béninois


Vicissitudes de la musique au Bénin


Une sirène traquée appelle au secours !


Il aura bientôt 42 ans. Qui peut croire que, dans un pays comme le Bénin, reconnu pour sa démocratie, il puisse y avoir encore des exilés ? Il en est un mais, sur le plan musical. La particularité de sa situation est que la persécution dont il se plaint d’être la victime, le pousse à restreindre ses mouvements dans tout le pays et à se recroqueviller à Lokossa. Ce n’est pas un moindre nom qu’il clame dès qu’il faut placer un auteur sur les tracasseries dont il se plaint. C’est à la limite du cauchemar !
Il a sorti son premier album de six (6) morceaux, en 1998, qui porte le titre ’’Zon mi ma wa’’ et qui danse sur plusieurs rythmes musicaux, dont la salsa originale et le « sinhou », issu du « tchinkoumè », ce qu’il se plaît à appeler la musique aquatique. Selon lui, le succès de ses titres sur les radios, au début des années 2000, a suscité la fougue de son persécuteur qui semble lui reprocher de pratiquer le même rythme que lui, et même mieux ! D’où, la chasse de ce baobab de la musique béninoise contre lui ; le nec plus ultra de cette persécution a été l’annonce de la mort de ce musicien qui, en ce moment, était vraiment très jeune. Sur certaines radios donc, sa mort fut annoncée tambour battant, alors qu’il était bel et bien vivant.
Notre artiste va jusqu’à affirmer qu’il a dû aller se cacher à Lokossa, pour se faire oublier. Il vit de prestations musicales ponctuelles qu’il exécute sur les places publiques, dans les marchés et partout où il se sent capable de réunir un petit monde pour l’écouter.
Ce jeune, qui appelle au secours, et qui voudrait bénéficier d’une protection de la part même des plus hautes autorités de l’Etat, s’appelle Don Emiliano, de son vrai nom, Emile Constantin Akodossoudé.



Marcel Kpogodo