dimanche 7 avril 2019

Le sculpteur Sébastien Boko au Wwd 2019 : un labeur productif

Dans le cadre de sa participation à la 7ème édition de l’événement

Le Symposium dénommé ’’World wood day’’ s’est tenu du 18 au 26 mars 2019 dans la ville de Graz en Autriche. Parmi les participants se trouvait le jeune sculpteur béninois Sébastien Boko, qui a manifesté sa grande satisfaction d’avoir appartenu à un processus de retrouvailles et de création artistique collective  entre pratiquants du bois.

Sébastien Boko, au milieu, en plein travail à Graz, avec ses amis Vladimir et Nicolae
’’A travers le temps’’. L’œuvre commune qu’ont réalisée Vladimir Davydov, Nicolae Taesanu et Sébastien Boko au cours de leur participation à la 7ème édition du ’’World wood day’’ (Wwd), qui s’est déroulé du 18 au 26 mars 2019 à Graz en Autriche. Ce symposium annuel, destiné aux professionnels du bois que sont les menuisiers, les charpentiers, les tourneurs et, notamment, les sculpteurs, les sélectionne et les réunit dans un pays donné. Ceci les amène à projeter et à exécuter, en groupe, une œuvre, l’occasion de partager, d’échanger et de mettre en symbiose des méthodes ou des démarches de travail. Ce à quoi se sont exercés le Russe Vladimir Davydov, le Belge Nicolae Taesanu et le Béninois Sébastien Boko.


Les trois artistes sculpteurs, avec ''A travers le temps'' : Crédit photo : Sébastien Boko
Ici, avec ce contexte de collaboration spontanée, les pays d’origine, les horizons et les expériences, dans leurs triples diversités respectives, n’avaient aucune place. Les démarches différentes aussi ne comptaient pas. De manière pragmatique, il s’agissait d’unir les inspirations et le savoir-faire spontané, immédiat et de mettre les cinq précieux jours de présence à profit pour produire, pour ériger une œuvre qui puisse refléter la conjugaison des efforts du trio.
Ainsi, ces trois artistes, qui se sont choisis, par un coup de cœur mutuel, ont réussi à mettre en place une longue sculpture rectangulaire et plate, un bas-relief : ’’A travers le temps’’. Et, ceci a pu se réaliser par un consensus implicite entre les trois membres de l’équipe qu’ont constituée le Russe, le Belge et le Béninois, comme en témoigne Sébastien Boko : « En fait, il n’y avait pas que quelqu’un impose sa stratégie mais il était question d’aller dans le même sens que l’autre pour que cela marche ». A l’occasion, chacun des artistes s’est ouvert à la pratique spécifique que l’autre connaît du bois, dans son pays. 

La collaboration efficace, dans la fabrication de l'oeuvre - Crédit photo : Sébastien Boko
Selon lui, le caractère remarquable et irremplaçable de ce travail en commun se trouve dans la « collaboration entre les artistes du Nord et ceux du Sud autour d’une sculpture », ce qui lui apparaît comme l’idéal qu’il faut répandre et développer : « C’est ce que j’aurais voulu pour le monde », affirme-t-il. « Cette ambiance de partage des connaissances, cette ouverture, ce partage des points de vue, cette collaboration entre le puissant et celui qui l’est moins, c’est ce qui, à mon sens, présente les conditions pour que les êtres humains vivent mieux », exprime-t-il, avant de conclure sur ce point : « Quand on sort du pays, on voit de nouvelles techniques de même qu’on montre beaucoup de choses ; cela débouche sur des échanges gagnant-gagnant ». Il s’agit d’une entreprise artistique à laquelle ont pris part d’autres pays africains : le Togo, le Ghana, la Gambie, le Congo, le Rwanda et l’Ouganda. 

Sébastien Boko, en toute satisfaction, à Graz : Crédit photo : Sébastien Boko
Finalement, l’expérience du Wwd, dans son édition autrichienne, s’est révélé concluante pour Sébastien Boko qui n’hésite pas à se féliciter d’y avoir participé, vu l’épanouissement psychologique qu’il en a tiré : « J’ai été très heureux, je n’ai pas été stressé, j’ai travaillé tranquillement, c’est ma meilleure participation », confie-t-il, relevant l’inévitable apport des qualités humaines, dans cette réussite : « J’ai rencontré des gens qui ont envie de réaliser de grandes choses, des gens qui ont créé le déclic en moi ». Et, le résultat de ces éléments cumulés de satisfaction, c’est une nouvelle motivation chez cet artiste, une sorte de renaissance à son niveau : « C’est comme le début de ma carrière … C’est maintenant plus que jamais ! Il faut que je travaille un peu plus ! ». Dans le sillage de cet enthousiasme, il ne manque pas de ressentir une certaine émotion à la pensée particulière qui l’amène à Anatole Tonoukon, sculpteur, collaborateur de son père, chez qui il effectua environ quatre ans de stage de perfectionnement ; celui-ci venait de décéder et fut inhumé le samedi 30 mars 2019 à Banamè. Une pensée particulière, un hommage de Sébastien Boko à ce sculpteur disparu à 62 ans.

Marcel Kpogodo

mercredi 27 mars 2019

Rafiy Okéfolahan à Cotonou : l’art au service de la paix

Dans le cadre de son exposition ’’Mots magiques’’

Depuis la soirée du jeudi 21 mars 2019, l’artiste plasticien béninois, Rafiy Okéfolahan, laisse voir ses œuvres par le public à la galerie de l’Hôtel ’’La Maison rouge’’, à Cotonou. Intitulée ’’Mots magiques’’, son exposition, ajoutée à trois autres stratégies d’expression artistique, exhorte à ce que souffle un vent de paix, notamment, sur le Bénin.

Rafiy Okéfolahan
Abondance, exubérance, variété, chaleur, épaisseur, vivacité et force, pour appeler à la paix entre les hommes. Les caractéristiques des couleurs déployées par la vingtaine de toiles que présente l’artiste béninois, Rafiy Okéfolahan, dans le contexte de l’exposition ’’Mots magiques’’ dont le vernissage s’est tenu le jeudi 21 mars 2019, en début de soirée à la galerie de ’’La Maison rouge’’ de Cotonou.  
Pour des tableaux dont certains sont de grande dimension, notamment, 2,5m x 1,5m et 2m x 1,5m, le bleu, le rouge, le jaune, le blanc et le noir, entre autres, se déploient généreusement, tantôt pointant des personnages nettement détachables, tantôt laissant imaginer d’autres que l’inspiration du moment ose manifester : « Je navigue entre abstraction, figuratif et impressionnisme », s’en explique Rafiy Okéfolahan, alias Rafiy, un artiste dont la démarche de peinture, les années aidant, a évolué puisque les numéros de téléphone parsemant ses tableaux sont devenus rares, de même que les couleurs qui lui servent à transmettre un message sont plus diversifiées et que les couches qui établissent ces couleurs sont plus épaisses. Un nouveau tournant, inévitablement. 
Ce pas, Rafiy le franchit en toute sérénité, troquant ses numéros si chers, par le passé, contre des mots, ceux-ci, « magiques » par le fait que, pour ce créateur, sa consultation de l’actualité par la presse, la radio, la télévision et à travers Internet ne lui montre pas un fonctionnement reluisant du monde. Et, ce type spécifique de mots, ne les possédant pas encore, il va à leur quête. En attendant que l’artiste les trouve et qu’il les partage avec le public, aller voir l’exposition ’’Mots magiques’’ à la galerie de ’’La Maison rouge’’ sis zone des villas de la Cen-Sad, sur la Route de l’Aéroport, à Cotonou, amène à réjouir ses yeux et à réchauffer son cœur. En effet, ce qui contribue à ces états heureux : d’une part, une harmonie bien conçue, bien construite des couleurs et, d’autre part, la vie qu’elles suggèrent, dans sa beauté, sans oublier l’inattendu et la variété des champs que l’artiste choisit pour ses messages, que nous soyons en politique, en faits de société ou en réalités culturelles et cultuelles.
D’ ’’Appel chéri’’ à ’’Iyalodé’’, en passant par ’’En aparté 1’’, ’’Agban-non’’ – et non ’’Agbonnon’’ –, ’’Guèlèdè party’’, ’’Olowo yaléma’’, ’’En aparté 12’’, ’’Fleuriel’’, ’’La télé rend fou’’, ’’En aparté 13’’, ’’Akou’’, ’’Jazz club’’, ’’L’œil de Dieu’’, ’’Méditations’’, ’’Awobobo 1’’, ’’Awobobo 2’’, ’’Cycliste performer’’ et ’’Babalao’’, sans oublier l’installation mosaïque incorporant les toiles de petit format, ’’En aparté 2-11’’. Ce sont les tableaux au niveau desquels Rafiy projette un système visuel qui accapare ; ces œuvres relèvent de son inspiration des années 2016, 2018 et de l’actuelle, 2019. Des toiles du renouveau d’une démarche artistique qu’il exerce, apparemment, depuis son installation en France en 2012.


Du ’’Rapace purificateur’’

En dehors du pinceau qu’il manipule avec dextérité, avec aisance, avec une assurance conquise, Rafiy, de ses doigts, ramasse, assemble, rassemble, fabrique, crée. Ainsi, le ’’Rapace purificateur’’, une sculpture appartenant à l’exposition ’’Mots magiques’’. 

Le ''Rapace purificateur''
Un oiseau d’expansion de bien de sentiments nobles qui rendent la vie plaisante, qui l’épanouissent de ses couleurs les plus variées, à l’instar de l’aile droite du ’’Rapace’’ vu de dos ; elle est un appareil constitué à partir de plusieurs couleurs d’éventails en plastique, bien propres, brillants de leur caractère neuf : « Cette aile dispense du bonheur, de la sérénité, de la paix, des sentiments qui entretiennent l’harmonie entre les hommes », dévoile Rafiy. Dans le même temps, l’aile gauche, comme par un choix bien mûri, débarrasse la terre de toutes les pulsions noires, de tous les déchets moraux qui poussent l’homme à la nuisance, de tout ce qui entrave le développement du pays, du continent, ce qui justifie la sélection des matériaux ayant aidé à la fabrication de cette aile : des résidus de toutes sortes et, notamment, des couvercles sales de boîtes de lait, l’ensemble rangé dans un filet.
Voilà un oiseau, tout de fer, qui, lorsqu’il est censé s’envoler, joue deux rôles complémentaires, absorber les maux et répandre les vertus. Rafiy, dans son engagement à produire un impact sur la société, par son art, ne s’en arrête pas à cette inspiration.


’’Maison de survie’’

Une oeuvre de sensibilisation. Pour l’artiste, la question de l’immigration, clandestine, surtout, est cruciale, vu que les candidats à cette aventure, très nombreux, à notre époque, en sont ignorants du fonctionnement catastrophique : « Il y en a beaucoup qui ne savent pas ce qui les attend quand ils veulent aller clandestinement en Europe », précise Rafiy. 

''Maison de survie''
Dans le but de proposer une idée des souffrances inconnues de la situation de ce type d’immigration, il a conçu ’’Maison de survie’’, ce qui donne lieu à une installation dans l’exposition ’’Mots magiques’’ ; elle préfigure la situation tragique des migrants aux frontières européennes : « Ils sont soumis au froid, à la neige, surtout, à Calais ; ’’Maison de survie’’ représente la tente qu’utilisent les migrants vers l’eldorado, ils la mettent au point pour tenir le coup contre les intempéries, le temps qu’un brèche s’offre pour qu’ils échappent à la police et entrent en Angleterre.   


Déambulation

Apparemment, Rafiy a voulu faire de la pierre ’’Mots magiques’’ plusieurs coups. Vêtu d’une sorte de combinaison rouge, affublé d’un chapeau de la même couleur et arborant un masque à oxygène, ses chaussures aussi étant rouges, il se meut dans le public des visiteurs, à l’aide d’un vélo surmonté d'un panier, et distribue à la ronde un carré de papier en carton en demandant, d’une voix sourde, peu audible, que chaque récepteur qu’il a muni d’un pastel y inscrive un mot. Par rapport au rouge, il se justifie : « J'aime le rouge, c'est la couleur commune à tous les hommes par le sang ». 

Rafiy, en déambulation
Le mot choisi doit être celui que chacun pense pouvoir lui faire du bien, produire cet effet sur son pays et, enfin, sur son continent : le « mot magique », à en croire Rafiy Okéfolahan. Après avoir collectionné ce type de mots, pendant un certain temps, il entend en faire une exposition. Sa vision : fédérer autour de lui le plus de mots possible qui puisse contribuer à créer partout une ambiance de paix, avec son pays, le Bénin, traversant une impasse électorale. « Il m’importe de sauver quelque chose qui se perd », commence-t-il, « peut-être la démocratie, les vraies valeurs comme le travail bien fait, l’absence de détournement des deniers publics, le patriotisme, l’abondance de travail pour que le pays aille de l’avant », a-t-il conclu. Les ’’Mots magiques’’ est une exposition qui se clôt le samedi 30 mars 2019.

Marcel Kpogodo