samedi 10 mars 2018

Amessiamey, le talent qui explose du boisseau


Dans le cadre de son insertion dans le Bim

En matière de résurrection artistique, on ne peut trouver plus indiqué, actuellement, qu’Amessiamey. Après un bon nombre d’années de silence, cette artiste chanteuse, depuis peu, a refait surface, le Projet ’’Bénin international musical’’ (Bim) ayant permis de l’entendre à nouveau chanter, de la voir à nouveau se produire sur scène, le vendredi 12 janvier 2018. Portrait d’un esprit artistique ayant surnagé du marais …

Amessiamey
Un visage rondelet noir qui brille par de la lisseur, un visage dont le noir se rend bien éclatant par un maquillage discret, impeccable, une tête surmontée d’une épaisse et soyeuse touffe rousse de cheveux se raréfiant sur les côtés, un visage que prolonge un corps qu’enveloppe un accoutrement de scène : un simple corsage rose, vu de loin, dans lequel des motifs sombres entretiennent le contraste, un corsage à la base en dents de scie, sur un pantalon en tissu dit africain, d’un fond vert parsemé de dessins de fleurs, un pantalon s’élargissant après les genoux, pour se terminer en pattes d’éléphant, un genre de « bas d’elphe », d’une certaine époque. Les yeux fermés, les mains jointes, Amessiamey vit son morceau, le chœur dans lequel ses lèvres s’enfoncent harmonieusement, sur cette scène du Théâtre de verdure de l’Institut français de Cotonou, le 12 janvier 2018, lors du grand concert de sortie des artistes du très radiophonique Projet du ’’Bénin international musical’’ (Bim). Bien avant, presqu’un mois plus tôt, le 15 décembre 2017, elle se produisait en un concert solo, à la Paillotte du même Institut.
Vingt-quatre ans de carrière sont passés par là ; ils ont façonné ce qui est devenu une voix claire dont l’ardeur se construit au fil des morceaux qu’elle chante ; ces vingt-quatre ans de carrière dans la musique béninoise ont fabriqué la voix éclatante qu’est aussi Amessiamey, elle qui a matérialisé ses débuts dans le fameux groupe ’’Alafia music’’, lequel, dans sa fureur du début des années 2000, a fait danser les Béninois dans les espaces convenus à cet effet, sur une salsa, copieuse à souhait, qui avait la particularité de décrisper par sa chaleur et de faire tendre le pied à ceux qui n’en étaient pas amateurs. Elle intègre ce qui s’est imposé comme un ensemble de trois membres en 1994, trois ans après sa mise en place.
Entre-temps s’amorce la traversée de désert du Groupe, Amessiamey se met à son commerce et, un fait marquant l’amène à s’extérioriser : « Ma famille est plus moi que moi ». Oui, ses collègues d’ ’’Alafia music’’ et, surtout, des membres de sa famille, étant donné ce qu’ils l’ont vue artistiquement démontrer, se sont lancés dans des encouragements qui ont produit un effet d’une efficacité intéressante : elle trouve du temps pour se mettre à nouveau au travail ; elle écrit elle-même ses morceaux, elle trouve désormais à son actif un clip et quatre chansons audio. Une figure représentative de cette famille très motiveuse : Pauline Kiti, sa grande sœur, artiste danseuse, ancienne membre des ’’Muses du Bénin’’, disponible pour la coacher, dotée qu’elle avoue, d’une force d’intuition, d’un talent pédagogique. Des conséquences s’en réalisent. Définition de rythmes de travail, de rythmes traditionnels : le ’’gazo’’ et l’ ’’élézo’’. Adoption de rythmes typiquement africains : le hi-life et l’afrobeat ! Elle se projette donc pour un album de douze titres, se démarquant par un élément de singularité : ce sera, confie-t-elle, de la « musique de salon », ses thèmes préférés en étant « l’amour fraternel, le positif, la paix dans la société, dans les foyers ». Ses langues de prédilection : le mina et le fon.
Celle dont les vingt-quatre ans de carrière se sont aussi forgés avec des ’’jam’’ au ’’So what !’’, à ’’Acropole’’, notamment, manifeste un processus atypique d’évolution : de son groupe de musique, elle est passée à une expérience en solo, pour aboutir au Bim, une véritable structure-orchestre de promotion de la musique béninoise, avec des canons rythmiques internationaux, pour des canaux puissants de diffusion, étant le réseau des radios de ’’Radio France’’ et de leurs partenaires, disséminés dans le monde entier.  

Amessiamey, deuxième position, de gauche à droite, au cours du concert du Bim, du 12 janvier 2018
Un succès, pour Amessiamey, d’avoir pu être sélectionnée pour participer à officier dans cette messe, une porte étroite. Un rude casting a révélé qu’elle pouvait en être, du fait de certains atouts : « une capacité hors pair d’improvisation sur n’importe quelle grille donnée », « sa voix qui accroche le public, qui est capable de se déployer dans tout registre, en alto, en soprano ou en aigu », notamment, explique Aristide Agondanou, ancien membre et manager des ’’Gangbé brass band’’, la tête pensante du Bim. De même, elle a démontré sa capacité rapide à concevoir des textes, à créer des mélodies.
A en croire, toujours, les réflexions de cet homme des grands festivals internationaux de musique et des réseaux influents afférents à ce domaine, ce système qu’est le Bim « apportera une communication de masse au projet personnel d’Amessiamey ». Et, « le carburant, l’énergie » dont elle a besoin pour évoluer et pour se surpasser et rayonner, Aristide Agondanou sait en produire les mots et les actes de motivation : « c’est un défricheur, un détecteur, un développeur », reconnaît de lui cette star en devenir, ce qui n’empêche pas cet esprit d’humilité, qu’est le patron de la structure de promotion, ’’Awo-négoce’’, de bien vite remettre les choses à leur place : Amessiamey « s’est personnellement trouvé sa voix, son style, sa musique, son identité ». Ainsi, le talent affermi de celle-ci reste le soleil au zénith, qui a en secoué et calciné le boisseau porteur de léthargie et d’extinction artistiques. La trentaine ferme, monolaise, Amessiamey, de son nom, à l’état-civil, Brigitte Kiti, prend son envol, avec ses collègues du Bim, dès le lundi 12 mars 2018, pour la soumission de son être artistique aux sensibilités françaises, européennes et occidentales. « Amessiamey », «Tout le monde », en langue mina, est peut-être porteuse d'un sens de l'unanimité, du consensus, qui lui portera bonheur hors du Bénin. 

Marcel Kpogodo  

vendredi 9 mars 2018

Six raisons pour devenir artiste malgré tout, selon Antoinette Tidjani Alou


Déclaration dans le cadre de la conférence inaugurale tenue à l’Eitb


La matinée du mardi 6 mars 2018 a permis d’enregistrer la tenue de la conférence inaugurale de la rentrée académique de la promotion 2017-2020, à l’Ecole internationale de théâtre du Bénin (Eitb), devant un public important. L’occasion pour le Professeur Antoinette Tidjani Alou, animatrice de cette séance de partage intellectuel, d’évoquer six éléments de soutien pour lesquels il faudrait quand même qu’il y ait des artistes.

Le Professeur Antoinette Tidjani Alou
Le besoin pour les êtres humains d’avoir une vision, le rappel à l’ordre qui doit leur être fait par rapport à l’existence incontournable de la beauté, du sens d’humanité, du rêve, une « nécessité urgente », l’importance de la position de prise de recul, de questionnement vis-à-vis des systèmes établis, la nécessité du « renouvellement des sources de créativité dans tous les domaines », la place inévitable de comportements comme rire et pleurer, l’établissement de la prise de conscience par rapport à l’ouverture du monde, à la nécessité de ne pas « perdre son âme », sa subjectivité, sa manière intrinsèque, authentique d’être. Les six faits de motivation qui devraient encourager ceux qui s’en sentent la vocation et beaucoup d’autres personnes à devenir un artiste, à en croire Antoinette Tidjani Alou, Professeur de Littérature française et comparée à l’Université Abdou Moumouni du Niger, et Marraine de la Promotion 2017-2020, la sixième de l’Ecole internationale de théâtre du Bénin (Eitb), qui s’est exprimée dans le milieu de la matinée du mardi 6 mars 2018, au Studio théâtre de la structure universitaire, dans la conférence inaugurant la rentrée académique, sur le thème : « La formation professionnelle des artistes : repères et perspectives ». Ont fait le déplacement de la cérémonie des responsables d’universités privées, des enseignants, des acteurs et des promoteurs culturels, des artistes de même que des étudiants dont ceux de la sixième promotion de l’Eitb, sans oublier Alougbine Dine qui en est le Directeur.

Un aperçu du public ayant fait le déplacement ...
En évoluant dans son propos, l’oratrice a décliné plusieurs avantages forts justifiant que l’artiste reçoive une formation professionnelle : « comment être et rester africain face à la modernité », savoir ce que l’on est, d’où l’on vient, où aller, maîtriser du passé et du présent, faire valoir, dans le monde, un langage contribuant à développer la sensibilité chez les autres, « vivre dans l’imaginaire qui n’est pas l’illusion », autrement dit, « persévérer dans la lucidité », apprendre à avoir d’autres revenus pour gagner son pain. Pour la conférencière, la formation professionnelle est « un train rapide » pour l’artiste.

... avec le Directeur Alougbine Dine, très attentif

Des préalables

Cette chute en deux évocations cardinales a été précédée d’un préambule voulu par le Professeur Antoinette Tidjani Alou d’une remarquable humilité intellectuelle, ce qui lui a permis de formuler des encouragements aux artistes ayant décidé de s’engager dans une formation professionnelle, surtout qu’ils en sont rejetés par leurs proches. Abordant les avantages liés à leur courageux choix, l’intellectuelle jamaïco-nigérienne a montré qu’ils produisent un impact sur le monde et qu’ils se mettent véritablement en valeur. Et, pour cette fondatrice du Laboratoire d’Etude, de recherche, de pratique et de valorisation des arts et de la culture (Lervap), le processus éducation-formation-instruction est celui dans lequel l’artiste en quête de connaissances intellectuelles et de qualifications, recèle de bénéfices multidimensionnels.

Le Professeur Tidjani Alou posant avec les étudiants de la sixième promotion
Par ailleurs, abordant les « repères et perspectives », Antoinette Tidjani Alou, Chevalier des Palmes académiques du Niger, a fait ressortir la qualité essentielle de l’Eitb : fournir à ses étudiants une formation contemporaine. En outre, l’auteur d’ ’’On m’appelle Nina’’ et de ’’Tina shot me between the eyes and other stories’’, respectivement, une autofiction et un recueil de nouvelles, s’est embarqué dans la différenciation entre l’artiste et l’artisan, pour aboutir aux contraintes spécifiques de la transmission des connaissances techniques, dans un contexte africain, avant de faire ressortir le paradoxe que manifestent les hommes politiques, aux choix résolument opportunistes, culturellement parlant, entre leur vision culturelle et les réalisations concrètes, une analyse que la conférencière a fondé sur l’exploitation des articles 6, 7 et 14 de la Charte de l’Union africaine.
Très applaudie, aussi bien après la présentation qu’à l’issue de la phase des réponses aux préoccupations du public, Antoinette Tidjani Alou a été gratifiée d’un bouquet de fleurs.

Marcel Kpogodo