On doit reconnaître que quelque chose a bougé. Disons que Boni Yayi est venu après que tout a été par terre pratiquement et, donc, le peu qu’il fasse, c’est déjà grand. Dans ce sens, on doit reconnaître que c’est avec lui que les artistes et les créateurs ont bénéficié du milliard culturel, même s’il reste à épiloguer à propos de la gestion de cet argent-là ; ça reste un acquis. Aussi, on doit reconnaître que, sous ce gouvernement, on a subventionné et offert au public des spectacles, ce qui a fait travailler les artistes, ce qui leur a fait gagner de l’argent, même si on doit réfuter l’aspect que ce ne soit les musiciens souvent ; ce ne sont pas que les musiciens qui soient des artistes, il y a des plasticiens, des hommes de théâtre, des écrivains, des poètes, ainsi de suite. Par exemple, on aurait pu aussi subventionner des créations, des pièces de théâtre qu’on fasse circuler et qui aillent rencontrer les populations dans les localités. Ces choses ne se sont pas vues. Donc, on peut reconnaître que, même si on n’a pas eu les changements escomptés, on est – c’est déjà beaucoup dans ce secteur – dans cette illusion de changement ; on est dans des acquis qui permettent d’espérer un lendemain plus ou moins costaud, plus ou moins heureux. Cela dit, on aurait aimé mieux, parce qu’on estime que le Chef de l’Etat, c’est quand même un Docteur, c’est quand même quelqu’un qui a de la stature, vous voyez, comme au Sénégal, comme en Côte d’Ivoire, comme ailleurs où, dans une délégation officielle en déplacement, on voie un artiste ; c’est important : cela donne des clins d’œil aux créateurs, cela donne des clins d’œil en ce sens qu’ils se disent qu’ils sont considérés dans leur pays. De toute façon, on ne peut pas asseoir la diplomatie d’une nation à l’exclusion des créateurs, parce que ce sont eux qui, d’abord, donnent un rayonnement international à une nation et, on doit profiter de ce qu’ils génèrent pour améliorer l’image de marque de notre pays.
Je reconnais qu’il y a des changements positifs dans le secteur des arts. Autre chose : même si le Programme de soutien aux initiatives décentralisées (Psicd), désormais défunt, n’a pas été conçu sous le règne du Président Boni Yayi, c’est sous lui qu’on é exécuté ce premier mandat et, c’est quand même quelque chose d’important, c’est quand même un financement assez conséquent et lourd dont ont bénéficié des créateurs locaux, des Béninois et qui ont mis en route des projets immenses çà et là, que ce soit des festivals, que ce soit du hip-hop et autres, que ce soit des expositions pour donner de la lisibilité à ce qui se crée de meilleur dans le pays. Aujourd’hui, c’est vrai, on a reformulé ce programme sous la vaste enveloppe de ’’société civile et créateurs’’ ; je dis : c’est dommage, parce que le fait de mettre les créateurs à part nous donnait une certaine identité. Autre chose : je pense que c’est quand même sous son règne que les créateurs sont de plus en plus reçus à part ; ce n’est pas le magma de la société civile. C’est des gestes simples mais qui donnent le signal aux artistes, aux hommes de culture qu’ils existent. Et, je pense que nous devons, à l’avenir, veiller à approfondir ces genres d’acquis, qu’il y ait des artistes dans les délégations officielles, que les prix du Président de la République fleurissent, que ce soit en littérature, au théâtre, en musique, ainsi de suite, que des événements importants soient portés et subventionnés par le Gouvernement, qui permettent non seulement la révélation des talents, mais la démarche à l’exportation de ce que nous avons, parce que, croyez-moi, rien que pour ce que j’observe, ce pays dispose d’énormément de talents en matière de création, de couturiers, de stylistes, des artisans, des musiciens, d’immenses talents que les pays nous envieraient si on le mettait en valeur ; les autres n’ont pas mieux qu’ils chantent, qu’ils valorisent et autour desquels ils ameutent le monde en terme de tourisme. Il nous faut entrer dans cette logique, encore que nous en ayons beaucoup nous autres, il nous faut faire en sorte que les hommes de théâtre aillent jouer à la Présidence de la République des spectacles qui critiquent le Gouvernement, pour que le Gouvernement, tout assis, suive, que ce ne soit pas dans la rue qu’on le critique, que ce soit les créateurs qui le critiquent.
Je dois aussi reconnaître que, même si la tendance a commencé depuis les gouvernements antérieurs, l’insertion des animations culturelles au cœur des séminaires, est devenue systématique dans les ministères et les institutions, c’est quand même un atout ; moi, je suis créateur, ça me fait vivre. En même temps que ça me fait vivre, ça redéfinit mon profil aux yeux de mes compatriotes, j’exerce, j’ai l’espace pour exercer, je suis sollicité.
Je crois que le Gouvernement actuel, en matière de culture, fait un peu mais, nous le savons, tant qu’il reste à faire, eh bien, on ne peut pas gloser, chanter ce qui est fait ; je crois que c’est acceptable.
Hervé Gigot, artiste-plasticien béninois :