Pour une édition à expertise
problématique
Avril 2016, la période
d’édition du recueil de 2 pièces de théâtre, intitulé, ’’Madame la
Présidente’’, sous-titré, « Mango a bè awè ». Sous la plume du jeune
Centrafricain, Landry Ouoko Delombaut, ce livre campe une situation politique
de l’Afrique d’aujourd’hui, mais dans une légèreté formelle qui étonne, avec le
cachet d’une maison d’édition française : ’’Edilivre’’.
D’une part, Ham’salam,
le jeune ministre du gouvernement d’un pays dirigé par une femme est en passe
de se suicider par pendaison, après avoir constaté l’assassinat de son juge de
père. Mais, c’est une grenade lancée par la fenêtre, dans la pièce où il se
trouve, qui finit par lui ôter la vie. D’autre part, Malik, un jeune homme,
désormais sans domicile, à cause de la guerre civile, se rend à la présidence de
la république, où la lettre de démission du chef de l’Etat lui tombe entre les
mains. Grâce à cet indécrottable piéton, elle arrive au chef des rebelles, qui
décide de mettre fin à la guerre civile. L’histoire que raconte chacune des
deux pièces, ’’Madame la Présidente’’ et ’’SDF sportif’’, contenue dans le
recueil, justement intitulé, ’’Madame la Présidente’’.
En un livre, elles sont
le regard du dramaturge en herbe, Landry Ouoko Delombaut, de nationalité
centrafricaine mais vivant et travaillant au Bénin, sur les dérives et les maux
de la politique africaine, avec ses marques indélébiles, entre autres, d’assassinat
politique, de corruption, d’enrichissement illicite des dirigeants, de cynisme
de ceux-ci, de guerre civile, de rébellion cyclique, d’intervention de la
religion dans la politique, d’instrumentalisation de la seconde par la
première, et vice-versa.
La force du premier
texte, ’’Madame la Présidente’’ : la capacité de l’auteur à produire une
ironie rentable par l’évocation d’ « une voix », comme second
personnage de la pièce, alors que la succession des répliques avec le
suicidaire, Ham’salam, montre plusieurs interlocuteurs dont la femme-chef
d’Etat. De plus, ce prénom musulman incarne tout un symbole, celui de la guerre civile centrafricaine à relent de persécution des mahométans de ce pays. Par ailleurs, le contexte temporel de cette pièce ne fait aucun doute.
Avec « Bring back our girls »,
« Je suis Charlie », dans la didascalie d’ouverture de la 1ère
pièce et, notamment, le thème d’une femme présidente de la république dans un
pays d’Afrique sortant de la guerre civile, rien de plus pour orienter le
lecteur de ’’Madame la Présidente’’, vers l’Afrique d’aujourd’hui, celle de l’amorce
de la 2ème décennie des années 2000, telle qu’elle tourne à la
catastrophe, vers la Centrafrique où, Catherine Samba-Panza, a passé le témoin
présidentiel, le 31 mars dernier, à un homme du nom de Faustin-Archange
Touadéra, vers le monde, confronté au terrorisme dont l’imagination de ses
acteurs, dans les stratégies de perturbation sociale et de mort, n’égale en
rien une certaine inventivité meurtrière perpétuellement renouvelée.
Avec ’’SDF sportif’’,
Landry Ouoko Delombaut touche du doigt la dérision, la fragilité, la légèreté,
la vacuité, la déliquescence du pouvoir présidentiel lorsqu’il s’inscrit dans
un contexte de dictature, avec ce chef d’Etat qui, lassé de la rébellion,
quitte son palais pour l’exil, à l’instar d’un Samuel Doe qui, étouffé par la
pression claustralisante de Charles Taylor, a juste voulu sortir pour respirer
l’air du dehors, seulement que lui, rejetant toute idée d’exil, s’est vu
capturer et physiquement martyriser par les hommes de Prince Johnson. Dans ’’SDF sportif’’, le
président quitte le pays après avoir rédigé une lettre de démission, qui
ne réjouit pas tout le monde : le pasteur espérant être ’’dauphiné’’, ni
Claire, l’institutrice ayant entrevu comme une source d’évolution sociale,
l’homme de religion promu aux plus hautes charges.
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Landry Ouoko Delombaut |
A travers les 2 pièces,
Landry Ouoko Delombaut développe le mérite d’un engagement à témoigner d’un temps
qu’il a connu, celui dans lequel il vit et par rapport auquel la postérité
identifiera les mœurs politiques de ce qu’elle appellera une certaine époque. En
outre, le dramaturge en devenir marque par, deux textes, d’un coup, un ancrage
dans l’écriture théâtral, ce qu’il faudra qu’il solidifie. Et, il fait dans la
sécheresse des dialogues, pour une intrigue facilement comestible même si, l’art
aidant, sa capacité à donner de l’épaisseur à celle-ci ira de pair avec sa
maturité en constitution. Dans ’’SDF sportif, particulièrement, les onze
personnages donnaient l’impression d’un étouffement qui n’a pas eu lieu, par la
magie de cette sécheresse pragmatique du ton des personnages. Une vraie
qualité.
Cependant, un nombre
incalculable de pages, d’une pièce à l’autre, porte des coquilles laissant à
désirer sur le professionnalisme de la maison d’édition ayant supporté la
parution du recueil : ’’Edilivre’’. Pour ce qui est de la version pdf du
livre, qui a pu nous être rendue disponible par l’auteur, il faut assister à un
fourmillement de fautes de tous genres, celles liées à la ponctuation des deux
livres s’arrogeant la palme d’or de présence. A titre indicatif, ’’Madame la
Présidente’’ porte, en sa page 11, la 2ème réplique de la ’’voix’’
crée un scandale de conjugaison : « […] ne finit pas […] », au
lieu de « […] ne finis pas […] », le verbe étant à l’impératif
présent. Et, c’est ainsi parti pour une avalanche de coquilles de tous
genres : « […] Tu la coules douce à l’étranger », pour : « Tu
te la coules douce … » (Page 12, 2ème réplique d’Ham’salam, 2ème
phrase), sans oublier les pages 13, 14, 15, 16, 20, 24, 25, 27 portant des
fautes incompréhensibles. Aussi grave, à la Page 17 : « Après
quelques années de rébellion, des rebelles pauvres et très endettés débarquent,
dépouillent le peuple de ses biens, les renvoyant à leur tour à la rébellion »,
pour : « Après quelques années de rébellion, des rebelles pauvres et
très endettés débarquent, dépouillent le peuple de ses biens, le
renvoyant à son
tour à la rébellion ». Ce registre est aussi lisible aux pages 18 et 19.
Quant au second livre, ’’SDF
sportif’’, le prologue, dans ses lignes 2, 3, 6, 7 et 11, regorgent d’incorrections
visibles aussi aux pages 39, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 51, 60 et 62, comme s’il
n’avait pas fait l’objet d’une relecture pertinente.
Finalement, les
coquilles font perdre aux 2 livres leur qualité, leur force de suggestion
puisque, régulièrement, le lecteur doit voir sa progression arrêtée par des
sursauts de manifestation d’horreur, face à des fautes impossibles, dans un
livre édité en France ! Du vrai pain à traiter pour ’’Edilivre’’.
Marcel Kpogodo