vendredi 3 mai 2013

"Bénin en création"

Une endurance enrichissante pour des acquis culturels solides

La Salle polyvalente du Palais des congrès de Cotonou a été le témoin de la présentation du bilan du Projet "Bénin en création". C'était dans l'après-midi du mardi 30 avril 2013. Pour l'occasion, elle était remplie, notamment, d'acteurs et de journalistes culturels, et des membres des associations étant parties prenantes du Projet en question.  Au-delà des allocutions prononcées, "Bénin création" révèle un parcours d'endurance profondément productif. 

Après 15 mois de déroulement, le Projet "Bénin création", qui en était à sa deuxième édition, est arrivé à sa phase d'achèvement, ce qui justifie la tenue de la cérémonie de restitution du travail impressionnant réalisé par les associations "Atelier ouverture azo" (Aoa) et les "Editions plurielles". La devise du Projet était : "Un pas vers la décentralisation de la culture et de l'action culturelle". Les membres des deux structures de même que des acteurs culturels de tous ordres et des professionnels des médias ont honoré de leur présence cette manifestation au cours de laquelle plusieurs allocutions, entrecoupées par des projections explicatives, ont été prononcées. 
Wilfried Martin ...
... et Nicolas Méido


Wilfried Martin, Directeur de Cabinet du Ministère de la Communication, Nicolas Méido, Coordonnateur du Programme Société civile et culture (Pscc), de même que
Koffi Attédé et Brice Bonou, respectivement Directeur des "Editions plurielles" et de l'Association Aoa, sont intervenus.
Brice Bonou, à gauche, et, Koffi Attédé, à droite, lors du passage des allocutions
La page de couverture de "Tremblement de corps"
Selon le dernier de ces orateurs, le déroulement de "Bénin en création" a débouché sur cinq résultats probants : la formation de 102 acteurs du système de la création théâtrale, l'organisation d'une résidence de formation et de réécriture en faveur de 12 jeunes auteurs, l'édition en 1000 exemplaires du recueil des cinq meilleures pièces de théâtre écrites en résidence, et de deux autres textes émanant de jeunes dramaturges de moins de 18 ans, la création, en résidence du spectacle de théâtre Tremblement de corps, fondant 20 représentations dans 14 communes du Bénin, et, enfin, le renforcement des capacités de 48 acteurs de la vie culturelle béninoise, choisis dans chacune des précédentes communes, à travers les départements du pays : ce sont des élus locaux, des responsables de services culturels, des gestionnaires d'espaces culturels et des acteurs culturels de ces communes que le Projet a permis de sillonner. 
Voilà donc 15 mois d'un parcours laborieux ayant abouti à des résultats aussi tangibles, enrichis par la vulgarisation, au cours de la cérémonie de restitution, d'un "Document de plaidoyer" ; il reste le fruit de la contribution des 48 acteurs précédemment évoqués. Ceux-ci sont intervenus sur le thème : "Pour une réelle décentralisation de l'action culturelle au Bénin".  
Brice Bonou a clos son allocution en remerciant plusieurs institutions, notamment le Pscc, le principal partenaire financier de "Bénin en création". 


Le "Document de plaidoyer", le repère pour la renaissance de la culture béninoise

Le "Document de plaidoyer", c'est un catalogue format moyen, de 32 pages de bonne facture de présentation, et en couleurs. S'ouvrant par la préface de Théonas Moussou, Directeur du Cabinet d'études et de recherche-action, Riah, il se poursuit par la description décisive,  photos suggestives à l'appui, de la richesse culturelle spécifique de chacune des 14 communes prises en compte par le Projet "Bénin en création", que sont : Abomey-Calavi, Bohicon, Cotonou, Dassa-Zoumè, Djougou, Grand-Popo, Ouidah, Parakou, Pobè, Porto-Novo, Savalou et Savè. Il se clôt par la synthèse de la contribution des 48 acteurs de tous ordres, selon le thème : "Pour une réelle décentralisation de l'action culturelle au Bénin". Il s'agit du plaidoyer proprement dit qui interpelle les acteurs culturels, les décideurs au plan local et l'Etat. Cet outil intellectuel devient un bréviaire qui place chacune de ces trois composantes essentielles devant ses responsabilités d'actions concrètes. 


Des interventions

A la fin de la cérémonie de restitution, les deux têtes de pont de "Bénin en création" ont bien voulu nous confier leurs impressions :

Koffi Attédé, Directeur des "Editions plurielles" : "Déjà, c'est une satisfaction, c'est un soulagement, parce qu'on arrive à la fin d'un long processus, un processus qui a commencé depuis février 2012, qu'on a conduit pendant 15 mois ; on a eu plein d'activités, plein d'enjeux qu'on a su relever. Donc, mes impressions sont déjà des impressions de soulagement, parce qu'on a conduit tout un processus jusqu'à terme.


Quelle suite faut-il attendre à présent ?


Actuellement, la sixième édition du Concours national d'écriture est en cours, on finit d'ailleurs aujourd'hui, le 30 avril, la date limite de dépôt des romans, puisque c'est de romans qu'il s'agit, cette année. Donc, le concours continue ; ce dont on a parlé tout à l'heure, c'était la quatrième édition de ce concours qui était partenaire de "Bénin en création". Nous avons fait la cinquième édition, nous en sommes à la sixième et nous préparons la septième édition ; les deux événements qui se sont mis ensemble continuent leur petit bonhomme de chemin, de façon autonome. Si, d'aventure, après, on a d'autres choses qui nous mettent ensemble, on se mettra encore ensemble. L'enjeu, aujourd'hui, sur le Projet "Bénin en création", en lui-même, c'est de travailler à ce que la culture ne soit plus la rubrique budgétivore des Communes ; nous voulons plutôt travailler pour que la culture soit cet outil-là qui apporte de l'argent aux Communes, voilà l'enjeu actuel. C'est pour ça, justement, que nous nous traçons un chemin avec le Document de plaidoyer qui a été édité à l'issue de ce Projet.


Au niveau des "Editions plurielles", vous avez réussi à éditer des ouvrages de genres littéraires différents, au moins, sur cinq ans, par le biais de projets. Comment allez-vous faire pour réaliser la sixième édition de "Plumes dorées" ?


Ce n'est pas juste quand vous dites que nous avons publié juste sur des projets ; nous publions des auteurs. Publier, c'est déjà, par définition, publier à compte d'éditeur. Nous publions des auteurs, nous recevons des auteurs que nous publions tout le temps. Actuellement, nous sommes en train de publier des auteurs, Donc, "Plumes dorées", c'est juste un créneau pour sortir les jeunes porteurs de projet d'écriture. Mais, nous sommes, avant tout, une maison d'édition, nous publions des ouvrages régulièrement et, concernant la question relative à la capacité à faire pérenniser l'activité, celle-ci dure depuis six ans et, on en est à la  sixième édition ; des partenaires nous rejoignent, d'autres s'en vont mais, d'autres de plus importants reviennent vers nous. Donc, il est important de comprendre que là où nous en sommes aujourd'hui, nous avons tout fait pour prouver notre sérieux, notre crédibilité et notre engagement pour la chose. C'est pour ça que je peux vous donner l'assurance que ça va continuer, il n'y a pas de souci pour ça.


Comment avez-vous réussi à supplanter beaucoup de maisons d'édition qui existaient avant vous ?


Nous n'avons pas réussi, nous continuons de nous battre. La différence, c'est que, dans le contexte actuel, quand on prend, aujourd'hui, le secteur littéraire, tel qu'il est, on ne peut pas vivre de ça, il ne faut pas se faire des illusions ; le secteur de l'industrie culturelle au Bénin, actuellement, tel qu'il est organisé, ne peut pas faire vivre son homme, on ne peut pas en vivre. Donc, pour nous, aujourd'hui, c'est un sacerdoce, c'est un sacerdoce qui va payer, nous en avons la certitude. Et, nous, les revenus que nous avons sur certaines initiatives beaucoup plus importantes, beaucoup plus lucratives, nous les réinvestissons dans la publication de jeunes auteurs, pas dans le cadre de "Plumes dorées", justement, mais, dans le cadre des publications ordinaires que nous faisons. Comment nous faisons ? Nous faisons les choses dans les règles, nous faisons les choses dans les normes. Aujourd'hui, les bailleurs ont besoin d'avoir des interlocuteurs sérieux, des interlocuteurs crédibles, des gens compétents. Ces trois critères-là, beaucoup de porteurs de projet, malheureusement, ne les ont pas ; sérieux, crédibilité et compétence, c'est rare de trouver des gens qui remplissent ces trois critères ensemble. Et, c'est difficile, je le dis encore, en contre-poids, c'est difficile pour un jeune porteur de projet, pour un jeune entrepreneur culturel, aujourd'hui, d'être à la fois sérieux, crédible et compétent, c'est difficile, parce que, quand vous voulez regrouper ces trois paramètres, vous devez mettre des années à vous affirmer. Et, vous savez qu'aujourd'hui, la pratique, c'est le raccourci ; beaucoup de gens prennent un raccourci. Nous avons décidé de ne pas prendre un raccourci. Nous ne sommes même pas encore arrivé à 50% du chemin, on a encore du chemin devant. Et, nous cherchons tous les jours, nous cherchons tous les jours! Il n'y a pas que les partenaires que vous voyez, qui sont derrière nous ; il y en a que nous sollicitons et qui ne viennent pas, mais qui viennent au bout de deux, trois, quatre ans ! Par exemple, cette année, l'Institut français s'est aligné derrière nous, la Commission de la Francophonie à Cotonou s'est alignée derrière nous financièrement. Or, ce sont des structures à qui nous déposions des projets dès le départ et qui ne nous donnaient rien mais, à la fin de chaque édition, on leur déposait des rapports. Et, cela a duré cinq ans ! C'est après cinq ans que ces gens se sont positionnés sur la sixième édition pour mettre un financement. Donc, le sérieux, la crédibilité et la compétence, il faut arriver à les concentrer aujourd'hui dans chaque porteur de projet, dans chaque entrepreneur culturel, surtout, au niveau des jeunes ; c'est la clé ! Et, surtout, être persévérant, patient. Ce que nous faisons aujourd'hui, nous en sommes à la sixième édition pour "Plumes dorées". C'est six ans ! Ce n'est pas un an, ce n'est pas un an et demi. Les gens, quand ils commencent, ils veulent un résultat tout de suite. Cela fait six ans ! Et, nous n'avons pas encore vu 10% de tout ce que nous sommes capables de mobiliser comme financements ! Il y encore mieux devant, et, vous allez le voir, par la grâce de Dieu, dans les années à venir.


Brice Bonou, Responsable de l' "Atelier Ouverture Azo" : "Je suis content qu'on soit au bout des 15 mois ; ça n'a ps été facile et, c'est évident qu'aucune action humaine n'est facile. Mais, toute l'équipe administrative, tous les encadrants, tous les partenaires ont répondu fidèles, présents à tout ce qu'on s'était dit au départ et, aujourd'hui, on est en train de faire la restitution. Pour nous, c'est capital de faire la restitution, parce que cela ne sert à rien de faire un projet, de s'entendre juste avec les bailleurs et d'envoyer un rapport ; il faut faire une restitution publique pour permettre à ceux qui n'avaient pas participé ou qui n'ont pas eu les échos des activités d'avoir des informations sur ce qui a été fait et, aussi, d'apporter leur contribution à l'édifice "Culture" et, spécialement à l'édifice "Théâtre". Donc, par rapport à "Bénin en création", je pense qu'aujourd'hui, on peut être satisfait de tout ce qui a été fait.


Le parcours a sûrement été jalonné de difficultés ...


Absolument ! Des difficultés, mais beaucoup plus d'ordre technique, parce que les hommes étaient présents, mais, vous savez, lorsque vous invitez, par exemple, les gens à un atelier de mise en synergie, et qu'ils doivent venir la veille, vous réservez les hôtels, mais ils ne viennent jamais la veille. Donc, après, les responsables de l'hôtel peut-être laissent  les places à d'autres personnes et, le lendemain, quand les invités viennent, c'est compliqué à gérer. Mais, cela n'a pas empêché que nous allions jusqu'au bout et, c'est ça le plus important. Les difficultés, elles existent mais, si vous les surmontez, vous êtes plus forts.


Maintenant que "Bénin en création" arrive à son terme, que peut-on attendre désormais de l'Association "Atelier Ouverture Azo" ?


L' "Atelier Ouverture Azo" continue. "Bénin en création" était juste une activité de l' "Atelier. Elle est à terme, les autres continuent ; nous avons déjà commencé à préparer la troisième édition de "Bénin en création" qui va beaucoup s'accentuer sur la décentralisation de la culture. Et, au-delà de ça, nous avons d'autres projets ; on travaille sur un projet de conte, où on va éditer aussi un livre sur le conte. On a d'autres projets qui sont en vue. Donc, l' "Atelier Ouverture Azo" y travaille tous les jours et ne s'arrêtera pas de travailler.


Propos recueillis par Marcel Kpogodo                          

mercredi 17 avril 2013

Représentation de "Tremblement de corps" au Fitheb

Une mise en scène réussie du rapport sexuel


La grande salle de spectacles du Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb) a vibré, le samedi 13 avril 2013, en début d'après-midi, sous les déclamations passionnées de la représentation de la pièce de théâtre, "Tremblement de corps", écrite par Hurcyle Gnonhoué, dans une mise en scène de Giovanni Houansou. Un vrai délice : les étapes conduisant inévitablement à l'acte sexuel ont été explorées d'une manière plus ou moins pudique.

Les convulsions intimes d'un corps délaissé et la rage d'un visage ignoré 
Si un corps était sujet à du tremblement, c'était celui de Majoie, épouse du président de la République, première Dame du pays, physiquement abandonnée, affectueusement délaissée et sexuellement sacrifiée par son époux trop emporté dans ses préoccupations nationales. La nature ayant horreur du vide, celle-ci jette son dévolu sur Salem, un journaliste brillant, mais politiquement débarqué de sa structure professionnelle et qui décide de lancer son propre organe de presse. Celle-ci saisit la balle au bond et reçoit chez lui sa proie, sous prétexte de lui accorder une interview très prisée. Arrivé chez elle tout concentré sur l'entretien qu'il va concrétiser et, rendu euphorique par le caractère unique de sa chance, il se trouve progressivement pris sous le feu du harcèlement affectif et sexuel de son sujet. Sous la menace, il  se laisse aller à consommer l'acte fatidique, pour être vite congédié, le président arrivant. La substance de la pièce de théâtre jouée, le samedi 13 avril dernier, à la grande salle de Spectacle du Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb).    
Salem Sachou, à gauche,  et son collègue journaliste, discutant du protocole d'interview 
Le décor de la scène était pragmatiquement doté du strict nécessaire de meubles pour une expression du jeu des acteurs. Dans un premier temps, l'ambiance matérielle d'un jeune célibataire, un appartement à deux pièces. Ensuite, le salon de l'épouse présidentielle avec, sur la gauche, un écran plat symbolique et une chaise, un divan, sur la droite. 
Majoie Ramzi ne peut voir son mari de président qu'à la télévision ... 
Alors, Didier Sèdoha Nassègandé, alias Salem Sachou, n'a pas fait économie de son talent ni de son énergie pour imprégner dans ses gestes la soif d'un journaliste de pénétrer dans l'intimité féministe d'une première Dame apparemment peu engagée dans sa mission de conseil à son époux de président. Il réussit le jeu du naïf qui se plante lorsque la phrase ultime de son interlocutrice l'atteint en plein cerveau et le ramène à la vraie mission en vue de laquelle il a été instrumentalisé : "Soit tu plonges en moi, soit je te plonge !" 
... ce qui la pousse à des actions aguicheuses envers son interviewer ...
C'est ainsi que Majoie finit par dévoiler la stratégie qu'elle a savamment ourdie pour combler le manque de tous ordres et dominant sexuellement qui la tend. De ses perles de hanche, elle réduit au silence la résistance trop morale de son vis-à-vis ; le corps-à-corps salvateur a lieu et, dès qu'une sorte de satiété libidineuse est atteinte, elle se débarrasse de son amant comme d'une orange sucée. La femme de haut rang, aigrie, grincheuse, piquante comme une épine et aguicheuse, c'est la psychologie qu'a réussi à concrétiser Josiane Térème ; elle s'est donné le courage et le talent de jouer à cette femme en chaleur et en furie, prête à tout pour qu'un bafouement de plus ne lui donne pas l'auto-fabrication de la confirmation du caractère piètre de sa personne. De la mise en avant de ses charmes au difficile triomphe final, en passant par un mur de règles éthiques dont elle s'est heurtée aux aspérités, elle a touché le public de l'expression des lambeaux de ce qu'elle est, elle, pourtant respectable. 

... qu'elle finit par harceler ouvertement ...
Et, ce n'est pas Mathieu Koko qui, dans son double rôle sucessif de collègue de Salem Sachou et de chef d'Etat cocu, n'a pas été méritant, surfant entre sa personnalité professionnellement négligente de journaliste et celle politiquement surbooké et inefficace de président de la République.   
... assurée de sa réussite, manipulant la perle de hanches ...
... et finit par les conduire aux ébats fatidiques.
Broutant allègrement dans ce vaste registre de réussites, Giovanni Houansou, le jeune metteur en scène, lui aussi, en réussite, tire sa force de la simplicité réaliste du décor et de la décomposition de la pièce en différentes séquences aboutissant au point final de l'acte sexuel dont il a magnifié l'exercice sans choquer, sans rendre un jeu intolérable aux âmes sensibles et pudibondes : des soupirs conjugués et appropriés soutenus par un balancement harmonieux des deux corps debout, sur un fond de lumière de boîte de nuit dans une séquence de zouk love. Pour finir, toute la pièce Tremblement de corps se met sous les feux de la rampe de la valeur littéraire ; cette mise en scène contribue à valider une jeune plume dramatique dont la valeur a précédé le nombre des années : Hurcyle Gnonhoué.

Marcel Kpogodo


Brice Bonou, à gauche, les acteurs Mathieu Koko, Josiane Térème et Didier Nassègandé et, les surplombant, Hurcyle Gnonhoué, à gauche, et Koffi Attédé, à droite ...

... et, enfin, le metteur en scène, Giovanni Houansou, entouré de Régis Dapko, le régisseur, à gauche, et de Rodrigue Kouyayi, à droite

Impressions d'après-représentation

Hermas Gbaguidi, dramaturge et metteur en scène : "Les jeunes ont essayé ; il faut se réjouir du travail qu'ils ont fait. Je tire un chapeau à Giovanni et à ses collaborateurs !"

Humbert Quenum, comédien professionnel : "C'est une pièce à deux tableaux, le premier étant celui des échanges entre les deux journalistes qui parlent de la préparation de l'interview et, le deuxième, c'est le dialogue entre le journaliste et la première Dame. Le dialogue du premier tableau n'est pas au niveau du dialogue du deuxième. Le défi du metteur en scène était de travailler au moins à égaler les dialogues ou à entrer dans un processus d'évolution du premier tableau vers le deuxième. Je vois qu'ils ont choisi l'approche d'aller dans une progression du premier vers le deuxième tableau, et qu'il y a une évolution du dialogue, à un certain niveau, dans le deuxième tableau. Ce n'est pas mal comme approche de mise en scène. Je trouve aussi que les comédiens ont joué simple, ce que j'aime bien ; ils n'ont pas cherché à instrumentaliser le texte, de se l'approprier et de pouvoir communiquer leur personnalité au public."         

Brice Bonou, Promoteur culturel : "Je peux dire que le spectacle a satisfait mes attentes, en tant que porteur du Projet. Ayant défini tous les axes dès le départ, il a satisfait mes attentes. Mais, c'est le public qui dira s'il est bon ou pas".







Giovanni Houansou, metteur en scène de "Tremblement de corps" : "Aucune mise en scène n'est abordable aisément. Cette pièce, particulièrement, était assez difficile à aborder, parce que l'auteur a utilisé un niveau de langue vraiment vraiment fort. Il fallait procéder à une sorte de contextualisation, de sorte à agir beaucoup plus sur les images ; elles sont beaucoup plus compréhensibles. Pour les populations qu'on devait rencontrer et les localités que nous avons traversées, il fallait agir sur les images, pour que le niveau de langue ne soit pas un frein à la compréhension. Donc, dans cette optique, la mise en scène devait aller plus fort et nous amener à réfléchir, et à trouver les images justes pour montrer ce qu'on voulait montrer et pour nous faire comprendre. Donc, ce n'était pas abordable, mais cela a été abordé. Ce n'était pas facile, mais cela a été fait. Pour atteindre ce résultat, nous avons eu l'appui de certains aînés qui ont apporté un regard extérieur, en ce sens qu'au cours du travail, ils sont venus voir et ils ont posé leur œil de quelqu'un qui n'était pas dans le processus au départ. Ceci leur a permis de nous faire voir des choses, de poser des interrogations qui nous ont amenés à réfléchir encore. Et, à plusieurs reprises, nous avons été amenés à retourner un peu en arrière. "Ah! Telle chose ne fonctionnait pas très bien ... ", "Quelle est la compréhension que les gens de l'extérieur peuvent avoir de la chose?" Tout cela nous a permis d'aboutir à un résultat qui, ma foi, n'est pas négligeable. 
Quant aux scènes érotiques suggestives, c'était la préoccupation majeure quand on voulait aborder cette mise en scène, parce que tout le monde se demandait : "Comment il va traiter ces scènes ? Est-ce qu'on va montrer les gens en train de faire l'amour ? Ce qui serait vulgaire et, on ne serait pas au théâtre, parce que cela ne servirait à rien de montrer à quelqu'un comment on fait l'amour ; tout le monde sait comment on le fait à la maison. Ces scènes-là devaient être travaillées de sorte à offrir une image qui suggère ce fait, une image qui soit universelle et compréhensible, acceptable de tous. Et, cette interrogation qui nous a amenés à réfléchir, nous avons passé plein d'images et, on a finalement opté pour cette scène que vous avez vue. C'est vrai que vous allez voir qu'à un moment du spectacle, la dame soulevait un peu sa jupe et, là, les gens ont eu peur, ils se demandaient comment cela allait se passer. Pour nous, c'était une façon de dérouter l'attention ; qui suivait le spectacle pouvait croire que nous irions à l'acte, mais nous n'y sommes pas allés. C'est une façon pour nous de surprendre le public. Ils ont fait l'amour, vous l'avez compris ; c'est déjà bon, c'est ce qu'on voulait."

Josiane Térème, alias Ramzi Majoie : "Il faut comprendre une chose : celle que vous avec vue sur la scène, ce n'était pas Josiane ; vous avez vu Madame Majoie Ramzi : c'est différent de Josiane. Donc, j'ai incarné un personnage. Pour cela, il fallait que je me l'approprie avant de pouvoir l'exprimer, l'extérioriser, il fallait . Si je ne suis pas convaincue de ce que je fais, je ne peux pas en convaincre les autres. Donc, vous n'avez pas vu Josiane Térème, là, sur scène, mais vous avez vu Majoie Ramzi, sur scène, c'est deux choses carrément différentes. Pour la nudité, c'est un personnage imaginaire que vous avez vu, libre à vous de prendre ce que vous voulez et de laisser ce que vous ne voulez pas, c'est libre à vous de le comprendre. 
En fait, le travail de comédienne est une recherche perpétuelle, on cherche chaque jour que Dieu fait. Si tu es appelée à incarner un rôle, il faut voir tous les contours de la chose, il faut d'abord une culture personnelle de la scène ; un comédien est amené à faire n'importe quoi, si on me demande de me mettre nue et de jouer un personnage qui n'est pas moi, Josiane Térème, je le ferai, parce que c'est ça mon rôle, c'est ça mon boulot, c'est de ça que je vis. Quand on vit de quelque chose, on s'y met à fond pour le faire, de manière bien, de manière correcte. 
Je me dis que la nudité que vous avez vue, c'est mon travail de comédienne, j'ai joué mon rôle comme mon metteur a su me guider, a su me l'inculquer, a su me le faire comprendre et à me le faire jouer ; j'en suis fière.
J'ai commencé en 2004 au Club Unesco de l'Université de Kara (Nord-Togo, Ndlr). Mais, j'ai commencé effectivement ma carrière professionnelle en 2007-2008, ce qui m'a fait révéler au grand public togolais, à l'actuel Institut français du Togo. A part ça, j'ai fait des scènes internationales en France, en Belgique, j'ai joué au Burkina, au Niger, au Cameroun, pour ne citer que ces pays. C'est une expérience pour moi. Je me dis que la scène, c'est ma vie, et je ne sais pas faire autre chose. Je suis titulaire d'une Maîtrise en Sciences du langage et de la communication, j'ai aussi un diplôme de Marketing et de télécommunications, et un diplôme de Management. Mais, quand l'art te prend, il te prend, il est en toi, il faut que tu l'extériorises, tu ne peux pas faire autrement, ça t'appelle, ça t'appelle ! 
Il y a quelques années, je ne pouvais pas oser dire que je vivais uniquement du théâtre, mais, aujourd'hui, je peux le dire, je l'affirme haut et fort : même si ce n'est pas tout le temps qu'on a un contrat, ou qu'on nous appelle sur de grandes créations, j'arrive quand même à m'en sortir, je trouve au moins mon pain quotidien. Je suis aussi dans le cinéma, la publicité. Donc, je vis de mon art qui est l'art de la scène". 


Hurcyle Gnonhoué, auteur de "Tremblement de corps": "Le message de ma pièce, il est tout simple : du point de vue sociologique, c'est la question de la condition de la femme, telle qu'elle est traitée, de nos jours, à travers tout ce qui est cérémonies et fora. Ce n'est pas que cela me gêne, mais la manière dont c'est traité me gêne, de telle sorte qu'on n'a pas idée qu'il y a une catégorie de personnes qui peut bien souffrir de cela. Ici, j'ai voulu jeter mon regard dans l'univers des premières Dames, pour voir un peu comment ça se passe, puisque c'est éminemment elles qui sont d'abord devant l'actualité de la condition de la femme. Et, l'imagination m'a permis de construire cette pièce que nous avons eue, pour constater, justement, que ce n'est pas forcément évident qu'une première Dame soit heureuse tel qu'on puisse le penser, puisque l'épanouissement de la femme, ça passe aussi par la présence affective de l'homme qui, désormais est Président et qui donc, est président  d'un pays et, un peu moins, le mari d'une femme. C'était le message essentiel. En dehors de ça, puisque nous évoluons dans un univers politique, d'autres questions d'ordre politique se sont infiltrées pour construire la trame de la pièce. Prenons, par exemple, le statut du journaliste, le journaliste qui peut être démis, à qui on peut arracher son émission, par exemple, à partir d'une simple décision d'un président ou d'un directeur d'organe, sous l'influence d'un président ou bien d'une autorité, tout simplement. En tant que telle, on a toujours dit que la presse est le quatrième pouvoir, mais, moi, je pose la question, dans cette pièce, par exemple " Est-ce que la presse est restée un pouvoir? Est-ce qu'elle peut faire montre d'un statut de pouvoir et rivaliser même, en imposer de ce statut de pouvoir aux autres pouvoirs que sont le judiciaire, le législatif et l'exécutif ?" Au-delà de tout, ma pièce, c'est beaucoup plus de l'imagination, de l'imagination nourrie de faits quotidiens. Je n'en veux pour preuve que les différents déplacements de nos Président, qu'ils soient américains, africains ou européens ; tels ils bougent que je me demande s'ils ont une vie privée, à la fin. Et, me mettant un peu à la place du justicier, je me suis demandé si leurs épouses bénéficient de leur présence. Tout près de chez nous, tout près de nous, les gens disent voir des présidents qui bougent beaucoup, les gens disent des choses qui ont trait à des présidents ; j'ai eu des retours de la pièce, déjà éditée, qui m'ont mis sur des pistes réelles qui nous entourent, que nous côtoyons tous les jours. Mais, je dis : l'imagination a une grande part dans cette création. Et puis, la création se nourrit de son environnement aussi". 


Propos recueillis par Marcel Kpogodo