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mardi 11 juillet 2017

« […] demander à un artiste de venir emprunter de l'argent, je peux garantir que ça ne marchera jamais », dixit Meschac Gaba

Dans une interview accordée à notre Rédaction

Depuis la dernière semaine du mois de juin 2017, l’artiste plasticien béninois, Meschac Gaba, est en exposition à la Galerie ’’Tanya Bonakdar’’ de New York. De retour de cette ville américaine et, en marge d’une interview qu’il a bien voulu nous accorder pour discuter de cette exposition, l'artiste montre un avis complètement défavorable face à l’idée du Ministère béninois de la Culture de soumettre les artistes et les acteurs culturels à un Fonds de bonification …

Meschac Gaba

Le Mutateur : Meschac Gaba, bonjour à vous. Vous revenez  de New-York où vous avez lancé votre exposition à la Galerie ’’Tanya Bonakdar’’. Comment s'intitule cette exposition ? 

Meschac Gaba : Cette exposition s'intitule ’’Solo Meschac Gaba’’.


 
Dans quel cadre cette exposition a-t-elle été organisée à New-York ?

Cette exposition, comme c'est une galerie commerciale, je travaille avec elle, elle travaille avec d'autres artistes. Donc, tous les deux ou trois ans, les artistes qui travaillent avec elle, elle leur donne l'opportunité de faire une exposition-vente. Ce n’est pas une exposition muséale ou institutionnelle, c’est une exposition où les travaux seront vendus.


Ces expositions vont durer combien de temps ?

Je pense, normalement, un mois, mais la Galerie peut montrer ces travaux, ces œuvres dans des foires ou dans des musées.


Vous avez envoyé à cette galerie trois œuvres fondamentales, trois œuvres qui interpellent. Est-ce que vous pouvez, une à une, les prendre, donner leur titre et nous expliquer leur concept ?

Je vais commencer pas ’’Les perruques de Washington’’, une œuvre qui a été réalisée à Cotonou et qui a été montrée en défilé au ’’Centre’’ de Godomey, à Atrokpokodji. 
''Les perruques de Washington'' (Crédit photo : Meschac Gaba)

Ce sont des perruques de Washington ; c'est dans cette ville de Washington que je les ai faites en perruque. Je pense que ce travail n'est plus nouveau pour quelqu'un ; ce sont des tresses, mais c'est des formes de buildings qui se trouvent à Washington.


''Reflexion room'' (Crédit photo : Meschac Gaba)
La deuxième œuvre s’appelle "Reflexion room’’. C’est une tente qui est faite avec les drapeaux déformés du monde ; ça peut faire penser peut-être à l'Amérique où tu retrouves toutes les nationalités, ou à une ville africaine, comme l'Afrique du Sud, pour ne pas même épargner le Bénin, parce qu'à l'heure où nous parlons, je ne sais pas s'il y a un pays nationaliste qui existe vraiment. Si un pays nationaliste existait, on serait en train de faire cette interview en fon ; on la fait en français, donc, d'une manière ou d'une autre, tous les pays du monde sont devenus un peu internationaux. Si on parle de globalisation, on retrouve tout le monde sous la même tente, avec le problème de chacun, car le Bénin ne peut pas avoir les mêmes problèmes que les Etats-Unis et les Etats-Unis ne peuvent pas avoir les mêmes problèmes que le Bénin.

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Et la troisième œuvre, s'il vous plaît ?

La troisième œuvre, c'est ’’Hommage aux  noyés’’. 

''Hommage aux noyés'' (Crédit photo : Meschac Gaba)

J'ai fait cette œuvre par rapport aux réfugiés et aux immigrants qui, l'année passée, sont tombés et, même, maintenant, tombent par centaines ou par milliers, dans la mer, en prenant des bateaux de petite fortune, pour aller chercher quel bonheur ? On ne sait pas … Le rêve de l'eldorado …, mais qui finissent beaucoup, noyés, dans la mer. J'ai fait ça en hommage à ces réfugiés parce que comme je te l'ai raconté, nous, à une époque, on a habité le quartier ’’Maro millitaire’’ (A Cotonou, Ndlr). C'était proche de la mer.
Donc, il y avait beaucoup de noyades dans la mer. Les gens, nos parents ou nos amis, ils mettaient du tissu et des lanternes à la mer quand un de leurs proches était noyé, pour que son esprit ne vienne pas pleurer à la maison et les déranger ; j'ai fait ça en hommage aux réfugiés. C’est pour ça qu’il y a trois lanternes et beaucoup de draps ; c'est symbolique.


Mais, on constate qu'à travers ces trois expositions, il y une couleur culturelle purement béninoise, surtout quand on prend la dernière œuvre que vous avez expliquée ; vous y avez utilisé le cru du Bénin, la mentalité béninoise …

Au fait, je suis Béninois, je suis né à Cotonou. Bien sûr que j'ai vécu en Hollande, mais c’est quand j'avais 35 ans que j’ai voyagé pour ce pays. Donc, la culture béninoise est ancrée en moi, mon travail ne peut pas échapper à ça, mon travail reflète la culture béninoise.


Quels sont les artistes que vous avez côtoyés à New-York, au cours de votre exposition qui devrait durer un mois ?

Il y avait quelques artistes dont Mark Dion ; c'est un artiste américain.  En dehors de lui, il y avait de jeunes artistes que la galerie m’a présentés. Avec Mark Dion, on était dans le même dîner. Dans l’exposition, j’ai aussi rencontré des curateurs et des directeurs de musées, des consultants d’art. Et puis, je connais d'autres artistes ivoiriens qui étaient à New-York, mais j’étais trop occupé à montrer mon exposition, pour aller leur rendre visite. Ce sera pour une autre exposition.  


Quand on imagine les perruques et les lanternes, est-ce que cette exposition a été difficile à monter ? 

Non. Dans une galerie, on dispose d’au moins cinq assistants. Donc, comme j'étais là pour cinq jours, cela a été monté,  dans les délais ; je ne peux pas dire que c'était difficile, c'était ok, c'était bon.


De quelle manière les Américains chez qui vous avez exposé ces trois œuvres ont récupéré cette mentalité béninoise ? Est-ce que vous avez réussi à leur inculquer toute cette réalité qui vient du Bénin et qui vous a vraiment inspirée ?

C'est une bonne question. Tu sais, quand je fais mon travail, je pense que je suis artiste, je ne suis pas un artiste nationaliste, je suis un artiste international, je fais mon travail que chacun interprète à sa manière, mais je ne fais pas un travail en ne pensant qu'au Bénin, je fais un travail en pensant au monde entier, parce que le problème que le Bénin a peut dépendre du monde ; on ne gagne rien en se renfermant et, il n'y a plus aujourd'hui, dans le monde entier, un pays qui a un problème qu'il peut gérer tout seul, donc, mon travail est plus ouvert sur le monde que renfermé sur le Bénin. Alors, dans mes expositions, je ne mets pas un accent grave sur le Bénin, mais le Bénin fait partie de l'histoire de mon travail.


On constate que vous n'avez pas changé votre tendance cosmopolite, votre tendance internationaliste qu'on a vue à travers des expositions, comme ce que vous avez fait lors de la Biennale ’’Regard Bénin’’ de 2012. On avait vu beaucoup de drapeaux et on constate que votre tendance vraiment universaliste est permanente et, pourtant, il y a des pays qui refusent de recevoir des réfugiés, il y a des pays qui rejettent les étrangers, il y a beaucoup de pays en Europe qui ont opté, à travers les élections, pour des partis purement nationalistes, hostiles à l’entrée des étrangers sur leur territoire ...

Je pense que ça va passer ; c'est des trucs qui ne marchent pas. Je pense que, d'une manière ou d'une autre, ces petites histoires de nationalistes, ça ne va pas durer un temps, ça ne va pas aller loin parce que le monde sera le monde. Tu sais,  si tu prends l'histoire de la Chine, c'est le marché mondial, c'est là où les gens ont fabriqué tout, donc, il n'y a plus de pays aujourd'hui qui puisse se renfermer sur lui-même. Le reste, c'est pour attirer des élections populaires. C'est tout, ça s'arrête là !


Avez-vous la même interprétation par rapport aux États-Unis qui ont voté pour Donald Trump, un républicain archi-nationaliste ?

(Gros rires) Tu vois, c'est une question qu’on se pose : est-ce que cette personnalité ne joue pas ? Est-ce qu'on connaît vraiment cette personne ? La même personne qu'on dit qu'elle est archi-nationaliste, avant de descendre au Bénin, j’ai lu, sur les réseaux sociaux, que ce Président a proposé un décret pour que les Congolais viennent en Amérique sans visa. Donc, c'est un peu ambigu. Tu comprends ! Je pense qu'on doit faire un peu attention, pour lui donner un peu de temps, parce que Trump, il vient de commencer, ça fait à peine deux ou trois mois, donc, il faut lui donner du  temps : un an ou deux ans. Oui, pour qu'on puisse vraiment le juger, parce que, moi, j'étais choqué et embêté de voir un président qu'on dit très nationaliste mais qui dit que les Congolais peuvent venir en Amérique sans Visa.
Parfois, ces personnes jouent pour gagner les élections. Alors, si ce Président dit que les Congolais peuvent entrer en Amérique sans visa, ça veut dire qu’il n'est vraiment pas contre les Africains. Maintenant, s’il y a des pays qui ont des dettes économiques à régler avec l'Amérique, c'est leur problème ; ce n'est pas l'Afrique qui a ce problème à régler avec l'Amérique. 


Vous vivez, le plus clair de votre temps, en Hollande, mais vous êtes au Bénin actuellement. Est-ce que vous permettez qu'on parle politique ? 

Ouais, c'est une bonne question. Je ne connais  pas trop la politique béninoise et, c'est ce que tu connais que tu peux critiquer. On entend, dans la rue, les gens qui se plaignent un peu. Moi, je ne me plains pas. Tu comprends ? Et, si je veux parler de la politique béninoise telle que je la comprends, pour le Président, il faut donner encore un an ou deux ans pour voir, parce qu'il a hérité d'un pouvoir. Si tu hérites d'un pouvoir, il y a beaucoup de choses à corriger et, je ne sais pas s'il a hérité d'un pouvoir où l’on a laissé beaucoup d'argent ou d'un pouvoir où il y a beaucoup de dettes. Si c'est un pouvoir où il y a beaucoup de dettes, même si l’on dit qu'il est milliardaire, il ne va pas donner tout son argent pour régler le problème d'un pays. Son argent ne peut pas devenir l'argent de la trésorerie béninoise. Alors, il faut lui donner un peu de temps pour voir. Maintenant, si on n’est pas satisfait, comme il a dit qu'il va faire cinq ans, il va les faire et il saura qu'il a mal dirigé, mais on ne va pas se mettre à le bouder, à le critiquer. C'est difficile de diriger, hein, même une petite entreprise ! 



Meschac Gaba, votre dernière exposition au Bénin, c'était le 4 février 2017, au ’’Centre’’ de Godomey, situé au quartier Atrokpokodji. Cela vous a permis de rencontrer beaucoup d'autres artistes béninois, à travers le vernissage qui a eu lieu. Quels sont les retours que vous avez eus par rapport à cette exposition, quelques mois auparavant ?

Les retours ? Tu sais, c'est un travail expérimental que j'ai fait par rapport aux peintures et, des journalistes ont produit des articles là-dessus ; je ne connais pas l'opinion du public concernant ce travail, mais je sais qu'il y avait du monde. J'étais heureux que le public béninois s'y soit intéressé et puis, il y a une galerie sud-africaine que cela a aussi intéressé, et deux quand même de ces peintures exposées ont étés vendues à la Foire de Bâle de 2017, mais à un très bon prix ! Donc, je pense que cela a été positif pour moi. Tu vois ? On n’a même pas fini l'année et j’ai commencé à vendre ces peintures sur des marchés internationaux. Donc, je remercie ’’Le Centre’’, qui m’a donné l'opportunité de faire cette exposition parce que, quand tu veux expérimenter quelque chose, tu as besoin d'un espace aussi pour le montrer. Cet espace qu’est ’’Le Centre’’ m’a permis d'expérimenter quelque chose ; ça me permet de continuer dans ce sens, avec les peintures.


On peut dire que votre jardin privé d'où vous avez tiré vraiment la substance de ces tableaux si extraordinaires que vous avez réalisés, ce jardin privé que vous nous avez donné le privilège de visiter vous a porté chance …

Ouais, je peux le dire ! Cela m’a porté bonheur. Tu a vu que quand tu es entré tout à l'heure chez moi, j’y étais … C'est un jardin que j'aime et qui m'inspire, donc, je suis tout le temps en train d'arranger les plantes.


Quelles sont vos relations avec les artistes d'art contemporain qui sont au Bénin ? Qui sont ceux que vous fréquentez le plus ? Qui sont ceux qui viennent vous voir, vous qui êtes souvent en Hollande ?

Je fréquente Dominique Zinkpè. Je pense qu'il est un peu occupé maintenant, donc, je le fréquente moins : il gère deux structures, il a son propre travail, il doit être très occupé. Pour le reste, on se retrouve sur les réseaux sociaux, comme avec Charly d'Almeida, Bello, puis, il y a aussi Gratien Zossou, Koffi Gahou et Kouass, qui sont des amis à moi et, quand on a l'occasion de se rencontrer, de créer des situations, on le fait. Maintenant, il y a d'autres jeunes dans mon quartier qui ont un café à côté ; quand je passe, je leur dis bonjour.


Vous voulez parler du ’’Parking bar’’ de Fidjrossè ?

 Ouais. 


Vous avez sûrement entendu parler de la polémique des réformes au Ministère de la Culture, des réformes au niveau du Fonds d'aide à la culture. Tout à l'heure, vous avez parlé de Koffi Gahou. Avez-vous appris qu’il a publié une Lettre ouverte au Président de la République sur le Fonds d'aide à la culture ?

J'aimerais bien la lire ... Après l’avoir lue, je vous en donnerai mon point de vue.



Que dites-vous de la polémique sur les réformes au Ministère de la Culture, et qui font que tout est bloqué actuellement ?

J'en ai entendu parler. Je sais qu'il y a une crise économique dans le pays. Peut-être que c'est ça qui en est à l’origine. On ne le dit pas directement, mais on est en train de réajuster le Fonds d'aide à la culture. Peut-être qu’il y a une crise économique derrière ça et, quand il y a une crise économique, dans un pays, la première victime, c'est la culture.
En Europe, on connaît ça ; le sport, les gens le tolèrent,  parce que le sport ramène de l'argent. Mais, la culture, ça ne ramène pas beaucoup à l'État. Tu vois ? Donc, la culture est la première victime. Maintenant, si ce n'est pas qu'il y a une crise économique, alors, c'est qu'il y a un problème à résoudre ; ça veut dire que nos dirigeants ne sont pas intéressés par la culture. Mais, si c’est qu’il y a une crise économique, il faut que les artistes soient tolérants avec eux. Maintenant, je ne connais pas ce qui est à la base du blocage, parce que si je te donne l'exemple de la Hollande, beaucoup de professionnels de la culture ont perdu leur travail, beaucoup de musées se sont fermés.



C'était en quelle année ?

Ce n’est pas loin ; il y a trois ou quatre ans. En Hollande, ils ont pas mal de musées ; ils ont renvoyé beaucoup d'employés. Je ne sais pas si c'est le même phénomène qui se passe ici.


En matière de réformes, le Ministère de la Culture veut revoir le système de  d'octroi de l'aide aux artistes, il veut qu'il y ait un Fonds de bonification qui soit là pour rembourser les intérêts des prêts qui auront été faits aux artistes …

Pour faire des prêts !


Oui, désormais, les artistes bénéficieront de prêts qu’ils rembourseront après la réalisation de leurs projets

L'idée est bien quand il y a un marché de l'art, l'idée est bien quand il y a un marché de musique. Si le Ministère de la Culture veut créer une banque pour les artistes, je ne trouve pas ça mauvais.


On a parlé d'un Fonds de bonification …  

Je ne sais pas ce que le Ministère appelle ’’bonification’’. Et si les artistes ne remboursent pas ? 


Il semble que lorsque l'artiste fait le prêt et que l'Etat est là pour garantir les intérêts, c’est lui qui va prendre en compte les intérêts générés par ce prêt. Mais, l'artiste doit venir rembourser intégralement ce qu'il a pris …

Dans tous les pays du monde, l’art est inclus dans les organisations à but non lucratif ;  est-ce que le Ministère va prêter aussi de l'argent à ces organisations à but non lucratif ?


Apparemment, oui …

Et, comment une organisation à but non lucratif peut payer, peut rembourser ? Puisque c'est une organisation qui ne fait pas de bénéfices, elle va rembourser comment ? Tu vois qu'il y a un problème qui ce pose.
Donc, ça veut dire que les gens qui gèrent la culture, ce ne sont pas des gens qui connaissent le système. Ils doivent mettre des gens qui connaissent le système, qui connaissent la culture, les gens qui ont de l'expérience, parce que ce truc est complètement erroné et faux.
On ne peut pas prêter de l'argent à un artiste qui a un marché. Un artiste qui a un marché n'a pas besoin du Ministère de la Culture, il peut s'adresser directement à une banque. Donc, si le Ministère béninois de la Culture veut faire des prêts, je pense que c'est erroné. Je pense qu'il faut leur dire d'arrêter avec cette histoire.
S'il y a un artiste qui a les moyens, qui a besoin de prêt, il va à une banque. Il y a des banques primaires comme les Clcam (Caisses locales de crédit agricole mutuel, Ndlr), mais il n'ira pas emprunter de l'argent au Ministère de la Culture. À la rigueur, la structure bancaire peut demander à l’artiste de lui donner une peinture ou un tableau, pour en faire un musée, demain. Mais, demander à un artiste de venir emprunter de l'argent, je peux garantir que ça ne marchera jamais. C'est clair et net ! Alors, c'est une idée complètement fausse.
Moi, j'ai de l'expérience ; j'ai sillonné le monde : même les galeries commerciales postulent à des fonds d'aide parce qu'elles payent beaucoup et, parfois, elles ne savent si elles vont faire des ventes.
Par exemple, la galerie qui m'a invité, c'est elle qui a acheté mon ticket, c'est elle qui m'a hébergé à l'hôtel, c'est elle qui a payé le transport de mes œuvres. Donc, si elle ne fait pas des ventes, elle va faire des pertes. Même les fonds d'aide, en Europe, aident un peu les galeries commerciales, pour couvrir les frais de transport, les frais d'hôtel, les frais de restauration. Par rapport à ce que dit le Ministère de la Culture, je lui propose d’envoyer ses cadres faire des stages en Europe, en France, pour savoir comment ça se passe, au lieu de rester ici et d'improviser des choses. Ils ont vraiment besoin d'expérience ; c'est ce que je pense.


Avez-vous quelque chose, une initiative pour les artistes d'art contemporain, qui vivent au Bénin, qui aiment bien vos expériences, qui se rapprochent de vous, qui ont envie de profiter un peu de vos expériences, qui ont envie que vous les aidez à aller l'international ?

Toute artiste jeune qui a besoin de conseils, c'est gratuit. S'il m'approche, j'ai un peu d'expérience que je peux partager avec lui, ça ne me gêne pas. Même des gens qui ont des problèmes avec le Fonds d'aide, s’ils ont besoin de conseils, je peux leur en donner. 
Et, vous savez, c'est pour la première fois j'entends parler d’un ministère de la culture qui veut prêter de l'argent aux artistes ; cela, c'est complètement incroyable. Il peut, à la rigueur, acheter des œuvres, s'il ne veut pas jeter son argent pour aider l'artiste ; ça se fait en Europe où on donne et on reçoit aussi quelque chose. C'est comme ça qu’on gère un fonds d'aide, mais on ne prête pas un fonds d'aide aux artiste, ça va finir par un bagarre. Le Ministère de la Culture ne peut pas mettre en prison, parce que l'art, c'est de la passion, ce n'est pas un travail qui a un but lucratif. Nous, les artistes, sommes heureux qu'on puisse gagner de l'argent avec l’art, mais les galeries invertissent de l'énergie pour que cela soit le cas. Ce n'est pas qu'elle met l’argent dans une petite chambre et qu’elle s'asseoit, c'est qu'elle voyage dans des foires où elle loue des stands à 20 mille, 10 mille ; elle a un personnel à qui payer son salaire.


Quand vous parlez de 20 mille, de 10 mille, c'est en euros ou en dollars ? 

En euros, si c’est en Europe et, en dollars, chez les Américains. Ce sont des gens qui invertissent beaucoup. Déjà, dans un pays où il n'y a pas de musées, l'État doit coopérer avec les artistes, au lieu de les pénaliser et de les empêcher de travailler.


Avez-vous un mot à dire à nos lecteurs pour clore cette interview ? Quels sont vos projets ? 

Dans le mois prochain, j'irai en Afrique du Sud, pour faire un projet sur une pièce qui s'appelle ’’Détresse’’, avec les phares de voiture. Et puis, je vais faire une exposition, en septembre, à Paris, dans une galerie et, éventuellement, je vais passer pas Londres pour préparer un projet pour l'année prochaine.  


Merci beaucoup, Meschac Gaba !


Recueil des propos : Marcel Kpogodo
Transcription : Frumence Djohounmè
Correction : La Rédaction