mercredi 14 février 2018

Pour Claude Balogoun, « [Le ’’Séminaire Pag-Odd Culture’’], pour permettre aux acteurs culturels de mieux se défendre, de mieux se positionner et de mieux se vendre »

Dans le cadre du déroulement de l’initiative ce jeudi 15 février


Les acteurs et les journalistes culturels sont appelés à découvrir le contenu du Programme d’actions du Gouvernement (Pag) et des Objectifs du développement durable (Odd), adapté à la culture, dans un contexte bien précis qu’est la mise en œuvre du Projet dénommé ’’Séminaire Pag-Odd Culture’’, prévu pour se dérouler dans la journée du jeudi 15 février 2018, à Cotonou. Pour en détailler les fondements, Claude Balogoun, représentant des artistes et des acteurs culturels au Conseil économique et social (Ces), a bien voulu répondre à nos questions.

Claude Balogoun
Journal ’’Le Mutateur’’ : Bonjour Claude Balogoun. Vous êtes une personnalité qu’on ne présente plus ... Unique représentant des artistes et des acteurs culturels au Conseil économique et social (Ces), vous êtes à l’initiative d’un événement dénommé ’’Séminaire Pag-Odd Culture’’, qui se tient le jeudi 15 février 2018, à la Grande salle de spectacles du Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb), à l’ex-Ciné Vog, à Cotonou. Pouvez-vous nous dire de quoi il s’agit ?


Claude Balogoun : L’initiative de demain, jeudi 15 février, a été prise par deux structures : ’’Réussir’’ qui est une Organisation non gouvernementale (Ong) de recherche et de formation, dans le domaine culturel, et ’’Sudcréa’’ qui est aussi une association culturelle.
C’est ensemble qu’en réfléchissant, nous nous sommes rendus compte que les acteurs culturels, d’une manière générale, sont largués ; ils sont délaissés, ils ne sont pas pris en compte. La raison en est qu’ils ne produisent pas véritablement de données quantifiables, qualitatives et quantitatives qui devaient pouvoir aider les autorités à connaître ce qu’ils apportent dans le budget de l’Etat, comme flux économiques. Voilà un secteur où près de 75 à 80% des acteurs travaillent dans l’informel. Cela ne facilite pas le regard que l’Etat et les Partenaires techniques et financiers doivent pouvoir jeter à leur endroit, comme c’est le cas des artisans qui se trouvent bien organisés.
Les acteurs culturels ne sont pas organisés. Donc, on ne peut pas dire, aujourd’hui, qu’en mettant 10 milliards dans le secteur culturel, on peut sortir de là un flux économique de 15 milliards. Si cela en est là, c’est parce que les acteurs culturels manquent d’information, ils manquent d’éducation et de formation, ce qui les empêche de se mettre à jour vis-à-vis de ce qui se fait.
Or, nous savons également que, dans la macro-économie, chaque Gouvernement qui s’installe le fait avec un projet de société, ceci qui contient des programmes en direction de chaque catégorie socio-professionnelle. Nous, acteurs culturels, nous ne lisons pas vraiment les documents qui fondent ces projets de société ; on n’a pas connaissance de cela.
Au cours du séminaire indiqué, nous parlerons du Programme d’actions du Gouvernement (Pag), du Président Patrice Talon, dans lequel il est prévu des réalisations pour la culture. Mais, est-ce que les acteurs culturels le savent ? Est-ce que les journalistes culturels sont bien au parfum de ce qui est prévu pour la culture ? Ce n’est pas évident. Donc, lorsque le Pag va s’exercer pendant cinq ans, est-ce qu’il faut en rester en marge ? Ne peut-on pas chercher à comprendre ce que ce projet de société a prévu, pour s’y arrimer aussitôt et évoluer avec lui ? C’est important ...
Sur le plan international, il y a les Objectifs du développement durable (Odd) qui sont des dispositions de développement, prévues au niveau mondial. Et, le Bénin, dans cet ensemble d’Objectifs, a choisi certains qui lui sont spécifiques, puisque chaque pays a le droit de le faire, c’est-à-dire de sélectionner les Objectifs qui lui sont prioritaires. Alors, quels sont ceux que l’Etat a retenus pour le secteur culturel ? Combien d’acteurs et de journalistes culturels les connaissent ? Ce n’est pas évident.
C’est ainsi que les deux structures que j’ai évoquées précédemment se sont rapprochées du Système des Nations unies, à travers le Programme des nations unies pour le développement (Pnud), pour proposer que certains de ses experts viennent faire une communication aux acteurs et aux journalistes culturels sur le contenu des Odd. De la même manière, une démarche a été effectuée vers le Bureau d’analyses et d’investigations (Bai), de la Présidence de la République, et vers le Ministère du Plan, pour demander que des spécialistes viennent parler de ce qui est prévu dans le Pag pour les acteurs culturels. Donc, le Séminaire permettrait à ces deux catégories d’institutions de se former sur ce qu’ils doivent pouvoir comprendre dans les deux documents, par rapport à la culture.
Il s’agit donc d’une initiative privée, financée par les deux associations, sans aucun autre partenaire financier. Nous avons aussi la caution morale du Ministère de la Culture dans le domaine duquel l’activité a lieu, et aussi de l’Etat béninois qui a mis en place le Pag. N’oublions pas d’évoquer le parrainage du Ces, vu que l’idée du séminaire est venue d’une manifestation qui s’est déroulée en son sein, par rapport au Pag et aux Odd.



Nous comprenons que ce sont les artistes, les acteurs et les journalistes culturels qui sont concernés par ce Séminaire d’une journée. Quelles en sont les conditions de participation ?

Elles sont simples ; on a établi des cartes d’invitation, qu’on a distribuées partout. Ceux qui disposent de la leur sont attendus au Séminaire, de même que ceux qui n’en ont pas, dans la limite des places disponibles, pour les acteurs culturels.



Combien de participants sont attendus pour le jeudi 15 février?

Nous sommes en train d’envisager six cents personnes qui vont venir.



La Grande salle du Fitheb pourra-t-elle contenir tout ce monde ?

Si la Salle est pleine et que des participants sont debout, l’autorité comprendra qu’il faut faire le Théâtre national qui est un autre combat que je mène.



Du point de vue de la logistique, qu’est-ce qui est prévu pour prendre en charge les participants ?

Je pense qu’il faudrait que nous apprenions aussi à nous sacrifier un peu pour véritablement travailler pour notre pays. Et, ce sacrifice vient déjà de ce que nous mettons du matériel confortable de sonorisation, du matériel de production audiovisuelle, donc, deux grands écrans, pour projeter les communications. Les participants auront sûrement droit à de petits carnets pour noter et, puis, il y aura des pauses-café …



Quel est le temps de déroulement du Séminaire ?

Cela commence à 8h30, pour se terminer à 14h.



Avez-vous un appel à lancer à cette cible que vous avez identifiée pour recevoir la formation ?

Je voudrais dire aux journalistes culturels de venir apprendre et s’informer, afin de bien relayer cet événement. Ensuite, je dis aux acteurs culturels que c’est leur frère qui a initié cette activité, sans aucun soutien financier. Il serait bien qu’ils viennent s’informer parce que, demain, dans un an, dans deux ans, lorsqu’ils vont commencer à gagner des financements internationaux, du fait de ce qu’ils seront arrivés à intégrer dans leurs projets les données du développement durable, je pense qu’ils vont me remercier.
Je voudrais aussi dire à ceux qui sont sceptiques que ce sont réellement des experts avérés qui viendront tenir les communications. Ceci n’a rien de politique. 
Savez-vous, ce sont seulement les acteurs culturels qui savent ce qu’ils souffrent dans ce pays et, il n’y a que des acteurs culturels qui défendront leurs intérêts, qui parleront en leur nom. Par ailleurs, la bonne connaissance du contenu du Pag et des Odd peut nous permettre, désormais, de mieux nous défendre, de mieux nous positionner et de mieux nous vendre. Le contraire reviendrait à marcher comme un aveugle. Nous sommes en train de lutter pour le Fonds d’aide, pour des financements, notamment, or, nous ne savons pas si, dans ce qui est prévu, il y a de nouvelles lignes qui nous concernent. Lorsque nous allons les découvrir, nous allons moins nous plaindre, nous allons moins nous énerver contre l’autorité. C’est lorsqu’en dépouillant les documents, on se rendra compte qu’il n’y a vraiment rien pour nous, qu’on aura toutes les raisons de parler. 
  

Propos recueillis par Marcel Kpogodo

mardi 6 février 2018

« […] pour le Fitheb, nous ne voyons rien », s’inquiète le Journaliste Esckil Agbo

 Dans le cadre d’une interview accordée à notre Rédaction

« Je suis Fitheb 2018 » est une campagne qui a pris d’assaut, depuis quelques jours, les réseaux sociaux. A l’origine de cette opération qui prend de l’ampleur, à mesure que nous approchons du mois de mars, celui mythiquement reconnu comme étant celui de la Biennale, se trouve un jeune journaliste culturel reconnu pour son engagement pour les causes culturelles nobles : Esckil Agbo. Les mots qu’il nous confie sont ceux du constat d’un Fitheb 2018 dénué de signes d’une organisation imminente de l’événement, à travers l’interview ci-dessous, qu’il a bien voulu nous accorder. Réponse immédiate à cet état de choses : l’amorce d’une nouvelle lutte …

Esckil Agbo
Journal ’’Le Mutateur’’ : Esckil Agbo, journaliste culturel, vous êtes l’initiateur de la campagne « Je suis Fitheb 2018 »  qui tourne actuellement dans les médias. De quoi s’agit-il concrètement ?

Esckil Agbo : « Je suis Fitheb 2018 » est une campagne  pour réclamer, revendiquer   l’organisation de la 14ème édition  du Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb).  Conformément à l’appel à création que la Direction générale du festival avait lancé, courant le 2ème semestre de l’année 2017,  la 14ème édition de la Biennale est annoncée pour  se tenir en mars 2018. Le mois de janvier a fini d’égrener  ses jours,  celui de février a ouvert ses portes. Mais, jusque- là, nous n’avons aucune information officielle sur la tenue de l’événement. Je n’arrive pas à comprendre qu’à moins de trente jours du  mois de mars,  rien n’annonce l’organisation du Fitheb 2018. Nous n’avons aucune information sur la délibération de l’appel à créations,  les artistes devant prendre part à la biennale ne sont  donc pas connus.
L’appel à accréditations, pour la presse, notamment, n’est pas lancé. En un mot, il n’y a aucun signe de communication qui promet l’événement. Rien du tout.
Face à cette situation qui  défigure davantage le visage culturel du Bénin, je pense qu’aucun acteur culturel béninois ne saurait rester insensible.  En tout cas,  le comédien, le metteur en scène, le dramaturge, le scénographe, le conteur, le slameur, le poète, le chanteur, le danseur  qui aime le Bénin et qui aime ce Festival ne peut rester indifférent à ce sort  qu’on lui inflige, d’où la campagne « Je suis Fitheb 2018 ». Pour emprunter  les mots  du poète- dramaturge  béninois, Daté Barnabé Atavito-Akayi,  « le Fitheb ne mourra pas car il n’y a pas de morgue pour l’accueillir ».



Avez–vous cherché à connaître ce qui justifie ce silence autour de la tenue de l’événement ?

Oui ; je ne suis pas resté dans mon lit pour initier cette campagne. En ma qualité de journaliste culturel, j’ai cherché et recherché les raisons qui sont à la source de ce qu’on nous constatons tous.  
D’abord, l’appel à créations  de la Direction générale du Fitheb prouve son engagement à organiser l’événement et, ce, à bonne date, car le mois du Fitheb est le mois de mars.   
Mes investigations m’ont  montré que le problème est au niveau de la hiérarchie du monde culturel, c’est-à-dire toutes les institutions étatiques qui sont impliquées dans la tenue du Fitheb. Il s’agit, singulièrement, de la Présidence de la République, du Ministère du Tourisme, de la culture et des sports et du Ministère de l’Economie et des finances. Ces trois institutions ont chacune le pouvoir d’opposition à l’organisation  du Fitheb. Curieusement, c’est ce qui se dessine vaille que vaille.
Vous savez que le Bénin a récemment vu renouveler son Gouvernement : nous avons un nouveau Ministre à la tête de la Culture. Ce qui est devenu, depuis quelques années, la règle   à la tête de nos institutions, quand un nouveau patron arrive : il lance l’opération « Je veux voir clair  dans tout ce qui s’est produit avant mon arrivée », ce qui est normal. Une fois cette intention lancée, bienvenue à l’éternel recommencement. On stoppe toutes les activités, même les plus urgentes. Le secteur de la culture est la proie facile de ce « Je veux voir clair ». Avant l’actuel Ministre, Oswald Homéky, son prédécesseur, Ange N’Koué, est resté sur place, à tourner pendant plus de dix-huit mois, sans qu’on ait su véritablement ce qui se faisait. Son successeur est venu ; nous l’avons applaudi parce que nous avons vu l’homme agir au niveau des Sports. Mais, jusque-là, nous écarquillons les yeux et nous ne voyons rien. En tout cas, pour le Fitheb, nous ne voyons rien. Comprenez donc d’où proviendrait le malaise de la biennale.

La bannière officielle de la campagne

Comment la campagne « Je suis Fitheb 2018 » se déroulera-t-elle ?  

Notre objectif est d’aboutir à la tenue effective de l’événement, cette année. C’est une  évidence qu’il ne peut plus se tenir en mars, en tout cas, si on ne veut pas le clochardiser.  Alors, nous utiliserons tous les moyens nécessaires pour amener les décideurs à faire organiser notre événement ; c’est notre Festival, on ne le laissera pas mourir. Actuellement, nous ne sommes qu’à la première étape  de notre campagne. Au fur et à mesure que nous évoluerons, vous en remarquerez les  autres phases.



Avez-vous un appel à lancer aux acteurs culturels ?

Le  Fitheb est  l’unique événement culturel  du Bénin, dont l’Etat est le principal financeur.  Du haut de ses 27 ans de vie, il  est à un carrefour décisif. Il est temps qu’on légalise son financement. Je pense qu’il faut asseoir une politique qui légifère sur la mise à disposition de la Direction de la Biennale des ressources nécessaires, notamment, financières pour son organisation, parce que le  problème du Fitheb  se trouve à ce niveau. Si l’Etat n’est pas prêt pour prendre une telle initiative, nous, acteurs culturels, pouvons la provoquer, c’est-à-dire conduire l’Etat à la prendre.

Propos recueillis par  Marcel Kpogodo