jeudi 7 juin 2018

Quand l’Occident va à l’école de l’Afrique

Dans le cadre des activités de l’Association ’’Grains de sel’’

Le mercredi 23 mai 2018 a donné l’opportunité de participer à une séance de diction de contes. La manifestation culturelle s’est déroulée à l’auditorium de l’Institut français de Cotonou. Se déroulant périodiquement face à un public d’enfants, elle a pris un cachet particulier, étant donné le statut de la conteuse de l’après-midi indiqué : sous la conduite de l’Association béninoise ’’Grains de sel’’, l’Européenne Suzanne Gaede a exercé un art, pratiqué, à une certaine époque, en Afrique, qui lui a exigé une bonne période d’apprentissage.

Suzanne Gaede, en action
Un couple qui, progressivement, se constitue, s’unit et donne naissance à une fille, avant d’éprouver des situations de mésentente, de se détruire et de divorcer, à charge à chacun de ses membres d’accueillir l’enfant, selon un tour réparti et plus ou moins bien respecté. Le conte dont le défi de la narration s’est vue imposer à Suzanne Gaede, à l’auditorium de l’Institut français de Cotonou, dans l’après-midi du mercredi 23 mai 2018, devant un public constitué essentiellement d’enfants, dans le cadre de l’épuisement du processus de transmission de compétences, qui a été établi et qui devait lui permettre de s’approprier les techniques de diction, à l’africaine, du conte.
Suivant de très près cette apprenante de circonstance, la Franco-suisse de nationalité qui s’est retrouvée dans l’obligation de se battre pour réussir la narration expressive de l’histoire, Guy-Ernest Kaho. Président de l’Association culturelle ’’Grains de sel’’, conteur expérimenté et expert reconnu dans l’art de la diction de ce type d’histoire, professeur, donc, il développait un regard simple, impartiale, sur la prestation d’une élève, cantatrice de profession, maître de chœur et responsable d’une chorale, qui, après avoir assisté, en France, à une séance impressionnante de maîtrise de toute une salle par un griot africain, de son tam-tam, armé, à travers le récit de conte, avait été foudroyée par la passion, par la volonté de réussir le même jeu.
Il s’agissait pour Guy-Ernest Kaho de contrôler chez cette écrivaine, auteure d’un roman de jeunesse, qu’elle a adapté dans le conte dont elle a produit le récit, le mercredi 24 mai 2018, la réalisation d’un certain nombre de critères : entre autres, sa manière de dire le conte, sa façon d’utiliser sa voix, son procédé de se tenir, de se déplacer sur la scène, sa capacité à captiver le public qu’elle avait en face d’elle, la gestion qu’elle a fait du temps qui lui a été imparti : environ quarante-cinq minutes.. Cette évaluation, après trois semaines d’une formation qu’il a lui a inculquée en ces matières, et qui avait débuté le 30 avril 2018.
Au bout du compte, Suzanne Gaede, après s’être donnée à fond, pour produire un impact sur ses jeunes auditeurs, a donné l’impression de mener une bataille, dure, d’une telle rudesse, mettant au centre de la scène, sobrement décorée, deux chaises incarnant les membres du couple de son conte, les séparant, les mettant collées et attachées, les séparant de nouveau, au gré de l’évolution de l’histoire. Guy-Ernest Kaho aura réussi à lui donner de vaincre le trac face aux enfants, de façon à ce qu’elle a réussi à dérouler l’histoire d’un bout à l’autre, même si elle devra affiner ses méthodes pour maintenir le public sur son récit, pour le sortir de sa torpeur et le faire participer à la narration. Et, ’’Grains de sel’’ peut s’enorgueillir de transmettre la science de la diction du conte à une Occidentale qui n’a eu d’autre choix que de courir vers l’Afrique pour se ressourcer scientifiquement et techniquement, n’en déplaise aux prometteurs béninois du triste et pitoyable concept du « désert de compétences ».
Suzanne Gaede se trouve originaire d’un continent qui, à l’époque coloniale, ayant dénié à cette Afrique une culture, y avait décrété la table rase pour, despotiquement et exclusivement, imposer sa civilisation, ce qui se retourne contre l’Europe qui, aujourd’hui, se dresse vers ce continent humilié et décérébré, dépersonnalisé, pour retrouver ses sources premières, des racines. Guy-Ernest Kaho, immanquablement, s’est vu inviter au cœur d’un processus stratégique, prouvant ainsi que ces décennies de sa vie que cette personnalité a consacrées à l’art du théâtre, en général, et à celui du conte, en particulier, essaiment de son précieux sel, pour continuer à enrichir le Bénin, et à produire un impact davantage envahissant sur l’Afrique, l’Europe et le monde.

Marcel Kpogodo 

mardi 5 juin 2018

Barnabé Laye au Bénin, la fausse note d’Oswald Homéky


Découverte à la faveur d’une conférence tenue à Cotonou

L’amphithéâtre ’’Christophe Sadeler’’ de l’Institut des Sciences biomédicales appliquées (Isba) du Champ de foire, à Cotonou, a accueilli une grande conférence littéraire au centre de laquelle se trouvait un écrivain de forte stature : Barnabé Laye. L’événement s’est déroulé dans la matinée du jeudi 24 mai 2018 et a réuni une large brochette d’universitaires, d’écrivains, d’hommes et de femmes de lettres et de culture. Un couac, cependant : le Ministre de la Culture, Oswald Homéky, a été indexé dans un acte peu recommandable manifestant son profond mépris pour le secteur littéraire béninois.

Barnabé Laye
’’La parole et le feu’’, un livre que, depuis environ deux mois, Oswald Homéky, s’acharne à ne pas récupérer alors qu’il émane d’une personnalité dont l’influence dans la littérature béninoise est avérée : l’écrivain vivant en France, Barnabé Laye. Un tel comportement semble hautement méprisant et profondément révélateur du grand problème que pose un positionnement politique, ce qui a été vivement dénoncé dans la matinée du jeudi 24 mai 2018, à l’amphithéâtre ’’Christophe Sadeler’’ de l’Institut des Sciences biomédicales appliquées (Isba) du Champ de foire de Cotonou, au cours de la phase des débats, consécutive à la présentation des exposés liée à la conférence publique consacrée à rendre hommage à cet auteur béninois.

L'ouvrage ''La parole et le feu''
Selon Florent Couao-Zotti, en tant que représentant du Ministre de la Culture, mandaté comme tel par cette autorité, lui avait dirigé la délégation béninoise qui avait participé au Salon du livre de Paris, du 13 au 19 mars 2018. Et, ayant profité de ce séjour parisien pour rendre visite à Barnabé Laye, l’éminent poète avait demandé au chef de la délégation de transmettre au Ministre Homéky son ouvrage, ’’La parole et le feu’’, l’un des derniers qu’il a écrit et qui constitue l’anthologie de sa production littéraire, étant paru à Paris au début du mois de décembre 2017 à ’’Agora éditions’’, et ayant 416 pages.
A en croire toujours Florent Couao-Zotti, à son retour au Bénin, la fin du mois de mars l’a vu déposer le rapport des activités menées à Paris au cabinet d’Oswald Homéky, celle-ci, assortie d’une demande d’audience pour, entre autres, lui remettre l’ouvrage dont il était le porteur pour lui. Et, jusqu’au 24 mai, au moment de son intervention à la conférence sur Barnabé Laye, l’autorité ne l’avait encore reçu. Pire, contacté à ce sujet par notre Rédaction, le vendredi 1er juin 2018, l’audience n’avait pas encore été accordée à l’écrivain, en dépit de l’intervention, au niveau du Ministre, de personnalités de trempe du monde des arts et de la culture.  


Positionnement politique absurde

Pour un profane du secteur culturel, ne pas accorder plus d’importance à un écrivain de taille que lorsqu’il s’agit de l’envoyer en mission, cela ne pose aucun problème. Pour un non habitué du secteur culturel, banaliser la réception d’une commission envoyée par un écrivain de poids, cela n’est rien. Pour une personnalité qui ne connaît absolument rien aux codes de fonctionnement du monde culturel, ne pas contribuer à dresser le tapis rouge présidentiel à un cinéaste béninois qui, de haute lutte, a conquis l’Etalon d’Argent au Festival panafricain de cinéma de Ouagadougou (Fespaco), dans son édition 2017, cela n’a rien de grave. Cependant, pour ceux qui fonctionnent nuit et jour dans le domaine des arts et de la culture, qui y souffrent pour créer, qui en tirent l’essentiel de leurs revenus substantiels, qui, par conséquent, se trouvent, consciemment ou inconsciemment, à l’affût du moindre signe visant à reconnaître la portée du fruit de leurs sacrifices, de leur labeur, de leurs peines, les cas d’actes de manquement, précédemment évoqués, sonnent comme un sacrilège, comme une faute forte qui devrait décourager de continuer à créer, si l’on devait tenir compte de sa profonde gravité.
Une grosse situation ! Le ver qui, malheureusement, détruit le fruit ! Si Oswald Homéky, chef d’entreprise, homme de confiance et d’écoute du Chef de l’Etat, le Président Patrice Talon, qui a été fait Ministre, entre autres, de la Culture, pour y rassembler une famille écartelée, désunie, et qui, après sa prise de service, dans ses premiers propos en direction des acteurs culturels, leur avait garanti de connaître et de maîtriser la maison et ses problèmes, puis de s’atteler à les résoudre, qui, le 21 février 2018, à l’Hôtel ’’Golden Tulip Le diplomate’’, avait présenté le Programme d’actions du Gouvernement (Pag), dans son orientation culturelle, rassurant de sa bonne foi, de sa bonne volonté, cette personnalité gouvernementale, dans ses actes, donne l’impression que c’est tout le contraire de cet état d’âme, qui fait battre son cœur, le mépris affiché vis-à-vis des écrivains Florent Couao-Zotti et Barnabé Laye n’étant que la face visible de l’iceberg, l’arbre cachant la forêt de toute une gestion déplorable du secteur culturel avec, à la clé, des promesses non tenues.
En effet, le 21 février 2018, Oswald Homéky avait notifié aux artistes le projet de recensement des festivals importants se déroulant à l’international et l’octroi d’un appui à ceux-ci pour une participation effective à ces rendez-vous. Dans la réalité, la treizième édition de la Biennale de Dakar, qui s’est déroulée du 3 mai au 2 juin 2018, n’a pas permis à son institution de financer le déplacement d’artistes contemporains béninois vers cet événement, malgré leurs démarches en direction de son cabinet. Pour un autre festival, en préparation de tenue dans un pays d’Amérique du Nord, le meilleur que le Ministère de la Culture a pu faire est d’octroyer une Attestation d’artiste comme un document pouvant faire obtenir un visa !
En réalité, les belles paroles, très rassembleuses mais politiquement réfléchies, ne suffisent plus : Oswald Homéky est difficilement à la hauteur de la tâche, ce qui devrait amener le Chef de l’Etat à prendre ses responsabilités en confinant cette personnalité aux Sports, vu qu’elle a réussi, par deux fois, en 2017 et en 2018, à octroyer des subventions aux fédérations sportives, et à donner du financement aux clubs de football des première, deuxième et troisième divisions. Et, ce ne sont pas les personnalités inculturées qui manquent pour voir confier à l’une d’elles un Département des Arts et de la culture, radicalement détaché des Sports.


Un carré pour un secteur culturel

En lieu et place d’Oswald Homéky à la Culture, il n’est pas besoin d’aller bien loin pour dénicher la perle rare, bonne connaisseuse du secteur et capable d’y apporter, enfin, le bonheur, surtout que plusieurs personnalités, quatre précisément, gravitent dans l’environnement plus ou moins proche du premier des Béninois.
Premièrement, Ousmane Alédji, comédien, metteur en scène, dramaturge, essayiste, administrateur d’espace culturel, collectionneur d’art, promoteur culturel et ancien Directeur du Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb), est si compétent pour être Ministre de la Culture que le Président de la République l’a d’abord retenu auprès de lui comme ses Conseiller culturel et Chargé de mission. N’est-il pas temps de le mettre au fourneau de la charge ministérielle pour la réalisation de prouesses dans la maison ’’Culture’’ ?
Deuxièmement, Gilbert Déou-Malè, Directeur général du Fonds des Arts et de la culture (Fac), historien de formation et, par-dessus tout, artiste chanteur et danseur du ’’Tchingoumè’’, l’une des musiques traditionnelles phare du Bénin, de son nom d’artiste, Ohangnon, il pilote une troupe multivalente, artistiquement parlant, et manifeste une imprégnation des réalités intrinsèques du secteur culturel béninois, portant un langage et des idées qui fascinent les artistes et les acteurs culturels.
Troisièmement, Marcel Zounon, Directeur de l’Ensemble artistique national, artiste, à la base, du secteur de la danse, Directeur de la troupe ’’Towara’’ et Président du Festival des Rituels et des danses masquées (Féridama), pétri d’humilité, moulé dans le fonctionnement administratif et financier propre au circuit de l’appui aux initiatives culturelles, toujours vêtu de costumes de chez nous.
Quatrièmement, Claude Balogoun, comédien, metteur en scène, dramaturge, romancier, promoteur culturel, Directeur général de la Société ’’Gangan Prod’’, mécène culturel et représentant des artistes au Conseil économique et social (Ces). Une véritable tête pensante qui, à son actif, trouve, notamment, l’idée fonds de démarrage visant à faire tourner les arts et la culture au Bénin.
Si le nombre n’est nullement exhaustif des personnalités pouvant être pressenties pour prendre les rênes du Ministère de la Culture, ces quatre, évoquées ci-dessus, constituent une crème de profils affinés par une pratique et une expérience de plusieurs décennies dans le secteur culturel béninois, le prochain remaniement ministériel étant une chance qu'aurait dû saisir le Président Talon pour positionner une personnalité inculturée au Ministère de la Culture, ce qui aurait contribué à montrer sa rupture avec le comportement habituel des chefs d’Etat béninois consistant à faire de Département ministériel le point de chute et de remerciement des hommes politiques qu’on n’aurait pas réussi à caser à des postes considérés comme plus sérieux, plus influents.

Marcel Kpogodo