mercredi 5 mars 2014

Alougbine Dine, le superlatif du professionnalisme

Dans la représentation de "La secrétaire particulière" de Jean Pliya

Le jeu de La secrétaire particulière de Jean Pliya a eu lieu, dans la soirée du vendredi 28 février 2014. C’était dans un archicomble théâtre de verdure de l’Institut français de Cotonou. Une vraie réussite de mise en scène qui achève de faire valoir qu’Alougbine Dine a encore de  belles choses à démontrer.


(De gauche à droite) M. Chadas (Nicolas Houénou de Dravo), Nathalie (Freedom Koffi), Virginie (Mireille Gandébagni) et Jacques (Gérard Tolohin). 
La simplicité. Voilà l’ingrédient dans lequel a investi Alougbine Dine, concernant la représentation de la pièce du dramaturge béninois, Jean Pliya. La secrétaire particulière raconte l’histoire de Nathalie, une secrétaire sténo-dactylographe, la particulière, qui entretenait des relations intimes avec M. Chadas, son patron. Celui-ci tente de mettre dans son escarcelle, Virginie, la nouvelle secrétaire mais, en vain. La première tombe enceinte, une situation catastrophique coïncidant avec une autre, son échec au concours de sélection des fonctionnaires de l’Etat. Devant ces deux faits, elle se heurte au rejet de Chadas qui la brutalise pour se débarrasser d’elle mais cela occasionne son arrestation. Et, Virginie épouse Jacques, l’autre employé du même service qui lui faisait une cour discrète et patiente.
La secrétaire particulière, c’est, d’abord, une mentalité des années des fraîches indépendances, c’est une époque révolue. Alougbine Dine, le metteur en scène de la pièce a su en rendre compte ; il a manifesté un décor concentré et pragmatique, rectiligne tout en ayant en son sein plusieurs tableaux différents s’ouvrant et se fermant au gré de l’évolution de la pièce, grâce à la lumière que le régisseur renforce ou affaiblit pour mettre en valeur ou affaiblir, aux yeux des spectateurs, une séquence de bureau. Et, Alougbine Dine n’est pas allé loin pour retransmettre cette ambiance très bureaucratique : des tables en bois, sur lesquelles on trouve une machine à écrire que l’ordinateur d’aujourd’hui a éclipsé complètement, un bureau, au bout de la chaîne, à gauche, pour M. Chadas.
Le public, dans lequel on trouvait de grandes personnalités scientifiques comme les Professeurs Adrien Huannou et Bienvenu Koudjo, du Département des Lettres modernes de la Faculté des lettres, arts et sciences humaines (Flash) de l’Université d’Abomey-Calavi (Uac), des enseignants du secondaire, spécialisés, notamment, dans la discipline du Français, des cadres de tous genres, venus en tant que parents d’élèves, des apprenants, ce public a pu constater la spontanéité et l’authenticité des acteurs que le metteur en scène a programmés pour déclamer la parole adéquate, pour délivrer le geste réaliste qui donne à la pièce toute son actualité, pour vivre simplement le rôle qui leur était dévolu.
Ainsi, entre autres, Nicolas Houénou de Dravo, incarnant M. Chadas, a fait ressortir toute la duplicité morale et le caractère fémininement vicieux du personnage. Mireille Gandébagni, dans le rôle de Virginie, n’a fait que donner à envier aux filles de bonne famille d’exercer dans l’intégrité porteuse que ne valorise pas, de nos jours, une vie sociale mouvementée et débridée laissant à eux-mêmes les adolescents, sentimentalement et sensuellement.
De son côté, Freedom Koffi, en donnant de l’envergure au personnage de Nathalie, en a rendu tout à fait fidèlement la naïveté et le sens arriviste, calomniateur, moralement superficiel et physiquement élégant. Avec Gérard Tolohin, dans le rôle de Jacques, toute la poésie d’un jeune homme sorti de sa réserve et rendu à lui-même par la rencontre candide de sa collègue de bureau, a retracé l’amour méticuleux d’un homme pour celle-ci, dans une humilité du geste et des pensées qui ont donné du sens, sur cette scène du Théâtre de verdure de l’Institut français de Cotonou, à l’amour vrai.
Ne parlons pas des Fidèle Anato, planton de circonstance, qui, même s’il appuyait parfois un peu trop sur la chaîne des grimaces comiques, a mis en exergue, sous la férule d’Alougbine Dine, le caractère tout à la fois désinvolte, injuste et loufoque du personnage, des Gérard Hounnou, l’acteur aux yeux globuleux, connu de bon nombre de ses compatriotes, de par son sobriquet beaucoup trop grossier, qui a rendu, de ce réalisme simple, l’humilité de la condition du paysan béninois de cette époque des années 1960-1970, lui qui, aux prises avec une administration inefficace, n’a d’autre choix que de se rabattre sur une profonde résignation par rapport aux brimades dont il est rendu victime.
Il n’aurait pas fallu oublier des Delphine Aboh, projetant le sourire franc et la fermeté juridique de Denise, l’avocate qui, opportunément, prendra Chadas en défaut. Didier Sèdoha Nassègandé, quant à lui, dans sa tenue usée d’homme de l’armée coloniale, roulait le brutal charabia de circonstance, exécutant violemment la litanie d’identification professionnelle, à temps et à contre-temps, provoquant l’hilarité générale et la satisfaction du public, sans compter qu’au lieu d’aller se pourvoir de deux autres comédiens, Alougbine Dine
a préféré faire de cet ancien combattant chômeur, dans une deuxième vie, dans la même pièce, l’un des deux policiers qui viendront arrêter Chadas, le second n’étant personne d’autre que Gérard Hounnou qui, dans son premier rôle avait, semble-t-il, une revanche à prendre sur l’incurie du même Chadas.
Ce casting de haut niveau, pour un metteur en scène de haut vol comme Alougbine Dine, ancien Directeur du Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb), de son état, a pris toute sa valeur avec l’élan audacieux qu’il a insufflé à un Gérard Hounnou, rendu ’’fonnophone’’, pour les besoins de la cause du rendu de la réalité d’une mentalité à laquelle devraient s’identifier les Béninois, avec le ’’grimacier’’ Fidèle Anato qui tantôt imitait mal son patron, tantôt s’enfonçait dans des initiatives personnelles désastreuses qui faisaient tordre de rire le public, ce qui a contribué à montrer à plus d’un, en cette soirée du vendredi 28 février, qu’il en avait eu pour son argent. Et, la volonté proclamée d’Alougbine Dine de faire débarquer cette pièce et ces acteurs dans les collèges pour les apprenants qui ont ce livre au programme en 4ème, a suscité une clameur de grand enthousiasme.
Par ailleurs, si ce metteur en scène a émerveillé, c’est qu’il a donné, en sus, une sorte de défilé des acteurs, avant de lancer le jeu, ce qui a plongé cette pièce dans la modernité et l’universalité du problème des tares administratives qui, à travers les décennies et les systèmes politiques au Bénin, ont persisté, tout en changeant de forme, tout en s’adaptant aux modes de vie nouveaux. Pour la réussite générale, Alougbine Dine n’est pas allé trop loin, il a tout simplement investi dans la simplicité de ses idées, très créatives.  



 Marcel Kpogodo

samedi 1 mars 2014

« Fela Kuti est toujours vivant », selon Eric Dagbo

Il donne un concert ce soir à l'Institut français de Cotonou

Eric Boko, alias Eric Dagbo, se produit dans la soirée de ce samedi 1er mars 2014, sous la grande paillote. La virulence et l’explosion auxquelles il faudrait s’attendre seront particulièrement très orientées : l’artiste remettra au goût du jour les tubes de Fela Kuti, une manière pour lui de faire valoir le caractère immortel de cette icône de la musique nigériane.

Eric Dagbo, dans sa fulgurante prestatioin scénique, le 15 juin 2013.
« I remember Fela », tout un contexte bien tracé pour, inévitablement, montrer au public béninois des choses qu’il n’a jamais connues de Fela, de quoi créer en lui la surprise de constater que c’est cet artiste du grand voisin de l’est qui a réalisé cela. De sa voix rauque, de l’atmosphère chaude, joviale qu’il sait installer dès que vous l’abordez, c’est ce que nous explique Eric Boko, de son nom d’artiste, Eric Dagbo, lui a accepté de nous détailler les tenants et les aboutissants de son concert de cette soirée du samedi 1er mars, à la Paillote de l’Institut français de Cotonou. En réalité, il s’était déjà produit mais, au Théâtre de verdure, le 15 juin 2013.
Avec son orchestre, ’’International african jazz’’ (Iaj), il ressuscitera le mythique Fela, le sur-engagé politique, le plus que décalé, côté mœurs et, au plan musical, l’inspiration inépuisable, les morceaux à la longueur impossible à canaliser, un afro-beat qui secoue les entrailles en même temps qu’il chauffe le sang et ’’sérénise’’ les esprits.
Voilà le défi qu’il s’impose à Eric Dagbo de relever ce soir, lui qui reconnaît volontiers son affinité musicale avec le pape nigérian aux 52 albums, qui, selon lui, a dépassé les limites les plus insoupçonnées, mais dont il était proche de la musique sans avoir jamais connu le personnage. Une affaire de feeling spirituel, de communication des consciences musicales. Même si Eric Dagbo avoue qu’il ne peut se hisser à la hauteur de ce repère en matière de dénonciation politique, vu que la manière bien béninoise de la chose reste, selon lui, à trouver, lui, le promoteur du concept ’’Akiza’’ visant à nettoyer, à purifier la mentalité béninoise, il rassure les Béninois qu’il livrera fidèlement Fela Kuti dont il s’est imprégné de la rigueur reconnue dans la manifestation de l’interprétation.
Pour le concert de ce samedi 1er mars, Eric Dagbo ne demande qu’une chose à ses compatriotes et à tous les fans de Fela et de la musique africaine : venir l’écouter, lui en qui il faut avoir confiance pour une orientation vers la musique qu’il faut, la distraction étant partie prenante du processus d’épanouissement psychologique et spirituel de l’homme. A ce soir, donc, avec Eric Dagbo, à la grande paillote de l’Institut français de Cotonou, à partir de 20h 30 !


Marcel Kpogodo