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lundi 17 octobre 2022

Dominique Zinkpè ouvre l’exposition, ’’Transe’’

Dans le cadre des activités du ’’Lieu unik’’ d’Abomey


Le ’’Lieu unik’’ du quartier de Sèhoun, dans la ville d’Abomey, a abrité le vernissage de l’exposition intitulée ’’Transe’’, le jeudi 29 septembre 2022. L’événement s’est déroulé sous le leadership du fondateur et président de l’espace culturel indiqué, Dominique Zinkpè. Sika Da Silveira, Zanfanhouédé et Kaman Esso, les artistes contemporains à l’honneur, y ont aussi pris part à la manifestation. 


Dominique Zinkpè, expliquant les tenants et les aboutissants de l'exposition, ''Transe''

Des toiles de peinture, de photographie et d’expression picturale fondée sur l’art sculptural. Les trois dimensions de travail qu’a offert de découvrir au public le ’’Lieu unik’’ lors du vernissage de l’exposition d’art contemporain, ’’Transe’’, qui a eu lieu dans le milieu de la matinée du jeudi 29 septembre 2022 dans la ville historique d’Abomey, plus précisément, au quartier de Sèhoun, et qui, depuis ce moment, met en vue et en valeur les productions artistiques de Sika Da Silveira, de Zanfanhouédé et de Kaman Esso.


Un aperçu des toiles de Sika Da Silveira, ...

Dans son exploration de la transe, la première offre au regard une série de peintures et de photographies. A travers, précisément, la seconde catégorie d’œuvres, elle montre la relation entre l’homme et l’arbre, tout en faisant ressortir le mystique se manifestant dans ce rapport. A travers le premier groupe de ses travaux, elle explore l’être humain face au cosmos, une synergie qui s’établit dans les sphères de la métaphysique mais qui se réalise dans le vivant.   


... de Zanfanhouédé ...

De son côté, Zanfanhouédé, Franck Edgard Zannou, à l’état-civil, en tant que peintre et sculpteur, a réalisé ses œuvres à partir d’une résidence au ’’Lieu unik’’ d’Abomey. Ses sculptures présentent cette particularité d’avoir été réalisées sur des toiles opportunément montées de planches de bois, avec un message qu’il a conçu à partir de clous et de petites pointes d’acier. Une démarche dont l’originalité et le caractère inventif valent le déplacement.


... et de Kaman Esso

Quant à Lucien Dénagan Houessou, alias Kaman Esso, ses peintures, ayant la feuille comme fondement, traite de sujets variés de société ramenant à un dépassement spirituel du corps. Selon lui, le choix de la feuille comme fondement de son expression de la transe se justifie par le fait que l’élément végétal est la base de toute vie sur terre.


De gauche à droite, Dominique Zinkpè, Sika Da Silveira, Zanfanhouédé et Kaman Esso

Pour le Président du ’’Lieu unik’’, Dominique Zinkpè, le choix de la transe comme thème pour tenir la dernière exposition de l’année en cours est fondamental « parce qu’on s’inspire de notre tradition réellement », a-t-il commencé à exprimer, avant d’approfondir : « Que l’on soit animiste ou catholique, il y a des moments donnés où l’évolution du travail permet d’arriver à un degré où l’on se met en transe parce qu’on est dépassé par la dimension que ce travail a atteinte, ce qui pousse à se dire qu’on a été guidé par un esprit ou pas ; à cet instant précis, le corps physique n’a plus sa valeur et on pense plutôt à l’esprit ». Puis, il a conclu en justifiant : « Les artistes qui ont donc été choisis pour cette exposition répondent à ce questionnement ».


Le vernissage de ’’Transe’’ a permis de constater la participation d’une invitée de marque : Gervanne Colboc Leridon, présidente-fondatrice de la fondation, ’’African artists for Development’’ (Aad). Elle a manifesté sa joie d’avoir pris part à l’événement : « Cela fait plusieurs fois que je viens ici et, à chaque fois, je suis émerveillée de voir à quel point Dominique Zinkpè ouvre ses portes et les murs de son centre à des artistes très différents. Je pense que la création contemporaine ne peut que s’enrichir, en fait, de ces lieux d’ouverture et de résidence pour les artistes ».


Le vernissage indiqué a été aussi marqué par la distribution gratuite du magazine pour enfants, dénommé ’’Spiruline’’ à plusieurs élèves présents.


L’exposition se poursuit jusqu’au 30 décembre 2022.

Viviane Savi / Marcel Gangbè-Kpogodo

lundi 26 septembre 2022

3 artistes contemporains à savourer au ’’Lieu unik’’ d’Abomey

Dans le cadre des activités de l’espace culturel


Le ’’Lieu unik’’ d’Abomey qu’a créé l’acteur culturel, Dominique Zinkpè, accueille trois nouveaux artistes contemporains pour une exposition dont le vernissage est prévu pour avoir lieu le jeudi 29 septembre 2022. 


''Transe'' : l'affiche officielle

Zanfanhouédé, Kaman Esso et Sika Da Silveira. La brochette d’artistes contemporains dont le ’’Lieu unik’’ d’Abomey donne les œuvres à la dégustation du regard des visiteurs, dans le milieu de la matinée du jeudi 29 septembre 2022. A travers une résidence de création, le thème de la transe a unifié l’inspiration des artistes contemporains concernés qui ont produit, selon le cas, des dessins, des photographies et des tableaux de peinture, selon une diversité de traitement du sujet.


Franck Edgard Zannou, alias Zanfanhouédé, donnera à voir pas moins de 18 réalisations dont l’originalité et le labeur dans le choix des matériaux et du matériel de travail aiguisent la curiosité, une soif que devrait assouvir le déplacement que le grand public devrait faire vers Abomey. 


De son côté, Kaman Esso, à l’état-civil, Lucien Dénagan Houessou, réserve des surprises dans la singularité du traitement de la transe, dans une tonalité philosophico-écologique que seuls pourront vivre les connaisseurs et non de l’art contemporain, qui, alors, s’émerveilleront de 16 toiles traitées dans une démarche imprévisible. 


Quant à Adjélé Sika Da Silveira, avec, aussi, 16 tableaux à son actif, il n’est pas recommandé de ne pas se donner l’exclusivité de l’appréhension de sa technique de traitement photographique, qui, au résultat, présente la certitude que l’artiste aurait pétri sa main dans de la latérite pour matérialiser son inspiration. Il faudra absolument, alors, faire le déplacement d’Abomey pour se rendre compte de la manière dont, à travers ses toiles, la performeuse et installatrice Sika Da Silveira, contrairement au calme que l’on connaît à son tempérament, déploie une violence sans nom. Se serait-elle laissée apprivoiser par la transe ? Elle en dira sûrement long au ’’Lieu unik’’ d’Abomey …


L’exposition, ’’Transe’’, est la dernière de l’année 2022. Elle fait suite à ’’Emblèmes’’, l’ ’’Off’’ de celle tenue par le gouvernement béninois pour présenter aux Béninois et au monde les 26 trésors récupérés de la France. Confirmant le fonctionnement et la vitalité du ’’Lieu unik’’, sous la férule, de Dominique Zinkpè, ’’Transe’’ prendra fin le 30 décembre de l’année en cours.

Marcel Gangbè-Kpogodo

dimanche 17 décembre 2017

« […] la participation de la feuille, dans mes dessins, explique que rien n’est exempt de la feuille », dixit Kaman Esso

Dans une interview qu’il nous accordée sur sa nouvelle démarche artistique

L’artiste dessinateur, peintre et plasticien béninois, Kaman Esso, de son nom à l’état civil, Lucien Dénagan Houessou, se lance, depuis quelques temps, dans une nouvelle tendance artistique, ce qu’il appelle la ’’démarche de la feuille’’. Ainsi, il met un peu moins d’une vingtaine de toiles, réalisées dans ce style, à la découverte du public. Ce serait de ce 15 décembre 2017 au vendredi 16 février 2018 : deux mois donc pour s’approprier le nouveau Kaman Esso …

Kaman Esso
Le Mutateur : Kaman Esso, bonjour à vous. Vous êtes artiste plasticien. Depuis quelques mois, vous avez adopté une nouvelle démarche artistique qui est celle de la feuille. Pouvez-vous décrire un peu de quoi il s'agit ? 

Kaman Esso : Bonjour monsieur le journaliste. Merci beaucoup. Je suis artiste plasticien, dessinateur, en termes clairs. J'étais sur certaines technicités, au départ, comme tout autre dessinateur. Je me suis dit qu'il fallait quand même que je change, parce que j'ai pensé que notre culture est en régression, au jour le jour ; chaque jour que le bon Dieu fait, notre culture régresse parce que nous oublions d'où nous venons et nous aimons toujours copier l'extérieur, pour ne pas jeter la pierre à qui que ce soit !
Nous aimons toujours copier l'extérieur, en ceci que nous avons été colonisés par une puissance et nous croyons toujours que cette puissance est dominatrice sur nous. Cependant, en scrutant un peu les horizons, j'ai compris que les anciens colonisateurs sont des gens qui ne nous assujettissent plus ; s'ils avaient fait ça, c’était au départ.
C'est que, nous-mêmes, les Africains, nous nous sommes un peu oubliés parce que, le rapport de forces étant, nous pensons toujours qu'ils sont au-dessus de nous. Mais, ces colonisateurs ne l'ont jamais exprimé, à part peut-être par les actes, leurs idées, leurs pensées, leur philosophie, par lesquels nous nous laissons toujours influencer, en oubliant que nous avons, nous aussi, Africains, notre philosophie ou nos philosophies, j'allais dire, en comptant sur le fait que nos ancêtres avaient été conduits en esclavage.
Il aurait été temps que nous nous ressaisissons, mais il me semble, à mon humble avis, que nous nous sommes oubliés, ce pourquoi vous entendrez partout les gens dire que l'Afrique est mal partie. En même temps, ils se plaisent à dire que nous avons perdu l'histoire. Il y a beaucoup de gens qui le disent. Je n'apprends rien à quelqu'un. Mais, est-ce que ce n'est pas pour nous ramener à comprendre ce que nous sommes, parce que rien n'est dit par hasard ? Tout ceci était écrit ; nous ne comprenons pas toujours …


C'est ce concept qui vous a conduit à la démarche de la feuille ?

Oui, c'est ce concept qui m'a conduit à la démarche de la feuille.


Est-ce que vous pouvez un peu d'écrire cette démarche ? 

Un jour, j'ai participé à un atelier à ’’La Médiathèque des diasporas’’ avec des collègues artistes. C'est là que l'idée m'en est venue, parce que j'avais perdu le fil de l'actualité. De ma pensée, ce jour-là, je ne savais quoi dessiner ; je me suis demandé : « Faut-il entrer dans le signal de l'abstraction ? », alors que l’abstrait, c'est quelque chose qui me semble un peu rêveur. Ce jour-là, je me suis dit : « Non, je ne vais pas faire l'abstraction parce que c'est quelque chose qui ne me sied pas ». Beaucoup de camarades, beaucoup d'amis m’ont dit : « Il faut faire l'abstraction, là, tu va pouvoir vendre rapidement ».
Moi, le côté qui me plaît toujours, c'est d'être dans le naturel, je préfère plus les choses de chez moi, parce que l'abstraction vient d'ailleurs : c'est des gens qui étaient déjà aisés chez eux, ils sont bien maintenant, ils peuvent rêver mais, nous, en Afrique, est-ce qu'il faut qu'on continue de rêver ? Ce jour-là, j'ai mis au moins 15 minutes avant de commencer à tracer ma toile. Alors, qu'est-ce j'ai peint ? Le dessin j'ai même fait, l'organisateur l'a vu, s'est approché de moi et a dit : « Cela, c'est une bonne idée que tu as flanquée là ! ». Il m'a juste dit ce qu'il fallait ajouter et je l'ai fait.
Or, j'ai dessiné juste quelque chose et j'ai donné deux ailes et, c'est à partir de ces deux ailes-là que je me suis demandé : « Est-ce que la feuille ne vole pas ? ». Et, j'ai réfléchi un instant, j’ai tout rangé. Lorsqu’on a fini l’activité, on a fait le vernissage et, je suis parti. C'est dès ce jour que j'ai commencé à réfléchir. La nuit, je suis parti au lit et, je me suis dit : « Comment ? La feuille, la feuille … ». Alors, l'idée  a commencé  à venir ; quelque chose m’a dit que la feuille est indispensable ; c'est un élément incontournable. Et, qui dit ’’feuille’’ dit ’’alimentation’’ et ’’médicaments’’, ’’soin’’, en quelque sorte. Je me suis alors demandé s’il y avait quelque chose qui était exempt de la feuille. Après y voir réfléchi, je n'ai rien eu, je n'ai rien vu ; rien ne s’est présenté dans ma pensée, comme un élément qu'on peut soustraire de la feuille. Quelque chose m'a dit : « Regarde un peu derrière, à commencer par ce que Dieu a créé … ». C'est alors que je me suis rappelé que Dieu a créé d'abord la verdure parce qu'il a pensé à l'alimentation de l'homme, celui-ci ayant été créé en dernier. Et, une nouvelle question m’est venue : « Est-ce que Dieu n'aurait pas pensé à ce dont l'homme doit se servir pour son existence ? Et, le primordial, c'est quoi ? ». J’'ai commencé à réfléchir, ce qui m’a permis de voir que le primordial, c'est l'alimentation : il faut manger d'abord. Alors, « La nourriture vient d'où ? ». J’ai répondu : « Effectivement, de la plante ! ». Et, qui dit ’’plante’’ dit ’’feuille’’.
Alors, j'ai commencé  à réfléchir ; je l’ai fait longuement et, quand j’ai vu qu’il faisait jour, je me suis levé. Ainsi, après d’autres réflexions et d’autres questions, j'ai pris le crayon et j'ai commencé à tracer ; j'ai comparé la feuille à certaines figures géométriques : la feuille ressemble à la forme de la pyramide, en quelque sorte, si je peux m'exprimer ainsi. Alors, j'ai tracé la pyramide et j'ai mis la feuille dedans ; j'ai compris que c'est à peu près la même chose, il suffit seulement de remodeler le contour et on a juste la pyramide, c'est-à-dire le triangle. J'ai ensuite donné la forme pyramidale au  triangle et, quelque chose m’a dit : « A partir de maintenant, ne fais plus des dessins d’hommes directement ; si tu vas faire des dessins d’hommes, c'est-à-dire d’êtres humains, il faut que tu les accompagnes de dessins de feuilles,  en leur donnant la forme d'un homme, pour pouvoir expliquer les proverbes.


En définitive, que retenons-nous la démarche de la feuille ? 

La démarche de la feuille, c'est comme la peinture ordinaire, c'est la même technique que j'utilise, je n'ai rien inventé, de ce côté. Tout ce que j'ai voulu corriger, à mon niveau, c'est l'expression. Et, je me suis dit que je ne pourrais pas être le seul là-dedans. C'est comme un atelier dans lequel il y a un personnel et où tout le monde travaille ; chacun a sa compétence Est-ce qu'il faut continuer à être polyvalent ? Non, il faut se spécifier.

''Le guide'', une toile de Kaman Esso sur la démarche de la feuille

Nous comprenons que la nécessité de spécification de votre pratique artistique fait que, désormais, sur vos toiles, la feuille verte domine …

Oui, c'est ce que j'ai commencé à faire depuis déjà deux ans, à peu près. Tout dépendra des dessins que je voudrais faire. Admettons que je veuille raconter une histoire biblique, par exemple, je ne peux pas mettre la feuille là-dedans, parce qu’il faut respecter les normes des choses. Mais, pour ce qui vient de moi-même, de ma propre création, étant donné que je suis dans la nature, je peux intégrer la feuille à ma toile.  
Désormais, je suis dans la nature, je peins le naturel et, la participation de la feuille, dans mes dessins, explique que rien n’est exempt de la feuille. Elle possède, non seulement des valeurs nutritionnelles, mais, aussi, elle est, en premier, très active dans la composition des médicaments, pour les soins, parce que la santé est avant toutes les choses ; tout se soumet à sa grande importance. J'ai commencé à peindre la feuille comme le tremplin du résultat escompté dans mes travaux. En effet, « un peuple sans histoire est un peuple qui se meurt », comme le disent les autres. Nous, Africains, nous avons une histoire et, dans notre histoire, nous avons aussi des expressions, des proverbes, j'allais dire, des maximes.


Finalement, avec la démarche de la feuille quels sont les thèmes que vous abordez ? Quel est le message que voulez faire passer ? 

Au moment où j'avais commencé à émettre ces idées-là, le régime actuel (Le Gouvernement Talon, Ndlr) n'était pas encore là. A son arrivée, il a commencé à parler de la culture. Et, qui dit ’’culture’’ ne peut passer outre mesure que par la nature. Si le régime parle de culture, il ne le fait pas pour la forme, c’est sûrement parce que la culture, c'est quelque chose que nous sommes en train de perdre ; c'est par notre culture que nous pouvons évoluer.

Propos recueillis par Marcel Kpogodo, transcrits par Frumence Djohounmè et corrigés par la Rédaction.  

dimanche 15 août 2010

Initiatives culturelles innovantes au Bénin

Rafiy Okéfolahan, Président de l'Association Elowa et initiateur de Waba





Waba, en sa première édition



Quatre figures, un parcours hors de l’anonymat




S'il y a un événement qui a marqué l'année 2010, c'est Waba. La première édition de ce Festival s’est tenue du 05 au 10 juin 2010, dans le contexte de la vaste initiative culturelle concrétisée par le Ministère béninois de la Culture, en collaboration avec Cultures France et l’Ambassade de France près le Bénin, pour commémorer le cinquantenaire des indépendances africaines. Il s’agit d’une grandiose manifestation multidimensionnelle dénommée Regard Bénin 1.0, qui a mobilisé, dans une synergie néanmoins spécifiante, plusieurs opérateurs culturels privés et publics, béninois et étrangers. En ce qui concerne Waba, il a permis aux artistes plasticiens de Cotonou et de Porto-Novo d’ouvrir leurs ateliers au public, afin que celui-ci s’imprègne de l’intimité de leur création, qu’il découvre leurs conditions de travail et qu’il se renseigne sur la manière dont l’inspiration se métamorphose progressivement, par leurs soins techniques, intellectuelles et esthétiques, en une œuvre devant laquelle le monde entier viendra s’extasier, si elle se révèle d’une qualité hors du commun. Waba est donc un événement ayant mobilisé un nombre impressionnant d’artistes peintres, sculpteurs, plasticiens, vidéastes, des plus connus à ceux qui le sont moins, ce qui a fait participer à une même philosophie d’ouverture et de partage d’expériences de réussite, d’inusable espérance et de faits de précarité, notamment, Dominique Zinkpè, Philippe Abayi, Charly d’Almeida, Ludovic, Fadaïro, Kajero, Grek, Tchif, Totché, Eric Ahouansou, Midy, Kaman Esso, du Côté de Cotonou, et Youchaou Kiffouly, Virgil Nassara, Simplice Ahouansou, Ange, entre autres, à Porto-Novo. Ce sont, en tout et pour tout, 46 artistes dont deux femmes qui ont libéré, dans l’intimité de leur atelier, ce qu’ils ont jugé bon que les visiteurs connaissent d’eux, par le biais des cinq parcours prévus par bus pour la capitale économique, et des deux, pour la ville aux trois noms. Cette démarche unique de développement d’une humilité et d’une générosité inattendues chez ces créateurs a débouché sur la mise en vue de ceux d’entre eux auquel le public des connaisseurs et des simples observateurs n’est pas habitué : Romi, Amouros, Kaman Esso, d’une part, frappent par leur détermination à se faire un nom dans un univers d’une exigence imparable, et Théodore Dakpogan, d’autre part, impressionne du fait de sa recherche d’une rigueur technique d’une qualité renouvelée et plus porteuse.





Romi, un cachet d’authenticité


Dimanche 06 juin, deuxième jour de Waba, à Togbin, sur la route des pêches, un terrain de pique-nique en effervescence : l’aboutissement du Parcours ’’Océan’’, le troisième parmi les cinq prévus à Cotonou par Waba. Les visiteurs descendent du bus et Rafiy Okéfolahan, principal organisateur du Festival, nous dirige vers un atelier circonstanciellement installé, celui de Romi, une des rares femmes participantes. Teint clair, alerte, elle ne tarde pas à nous présenter quelques tableaux de son œuvre. Au fil des discussions qu’elle anime, surprise : l’artiste plasticien béninois très connu, Simon Soha, qui n’a pas participé à Waba, y a laissé une représentante, elle que ce maître a formée en deux ans et qui estime que c’est plutôt la peinture qui est venue à elle. Par conséquent, son investissement dans le domaine des arts plastiques a consisté à s’imprégner de techniques, afin de se spécialiser. Comme résultat, les pièces qu’elle montre, l’une après l’autre, nous font découvrir un investissement particulier de cette jeune femme dans la technique des pointillés aborigènes et des silhouettes de femmes ; elle récupère aussi des pagnes et utilise la terre comme matériau. Cette artiste, qui comptabilise environ quatre années dans cet univers, qui, après n’avoir pas réussi à obtenir le Baccalauréat, s’est investie dans l’informatique avant de se tracer un chemin plus convaincu vers l’art, n’exerce désormais que lui et en vit. Romi, dans une voix claire, précise que les thèmes qui l’inspirent, c’est tout ce qui bouge, plus spécifiquement la femme dont la cause pour la libération sociale fait le fondement de ses toiles et, aussi, tout ce qui se trouve lié à elle, notamment, les enfants, les enfants délaissés, les enfants rejetés dont elle veut donner de son énergie artistique à améliorer le devenir. Romi n’a pas froid aux yeux ; sûre d’elle, Waba lui donne des raisons d’exulter, ayant été une véritable opportunité pour elle de sortir de l’anonymat.






Amouros, le porte-flambeau des personnes handicapées


Jumelé à l’atelier de Romi, celui d’Amouros, de son vrai nom, Amour Yémadjro. D’une complicité certaine avec elle, son parcours n’en est pas moins spécifique. S’il exerce dans les arts plastiques depuis six années, il a beaucoup exposé dans le Nord-Bénin et travaille à Cotonou, à Togbin, au bord de la mer. Handicapé moteur, il n’est pas allé chercher bien loin les thèmes de son œuvre dont les toiles se distinguent toutes par des dessins de personnes handicapées : les enfants placés, encore appelés ’’vidomègons’’, les enfants travailleurs en bas âge et, naturellement, les êtres humains handicapés dont il veut intéresser et sensibiliser le public au sort peu enviable. S’il avoue vivre un peu difficilement de ses toiles, ses yeux brillent instantanément lorsqu’un visiteur évoque avec lui le 1er août prochain. Selon lui, la commémoration du cinquantième anniversaire de l’accession du Bénin à la souveraineté internationale, constitue une véritable opportunité pour les jeunes artistes béninois qui devront se pointer à Porto-Novo, centre névralgique des festivités, pour exposer des toiles, faire partager leurs idées et, face aux touristes, aux connaisseurs et aux curieux, sortir davantage de l’anonymat.


Théodore Dakpogan, le patron chercheur

Porto-Novo, jeudi 10 juin, le dernier jour du Festival Waba. Présent à la Maison du Patrimoine, pour suivre de près la clôture de l’événement, il avait au préalable accompli la formalité de nous parler un peu de lui au Centre culturel Ouadada, son point d’exposition. Né dans les mêmes années que l’accession du Bénin à l’indépendance, son regard n’est pas celui d’un naïf qui se cherche dans le domaine des arts plastiques. Au contraire, armé d’une assurance d’airain, il déroule son parcours d’artiste sculpteur, parti du métier de forgeron. Sa voix, quelque peu critique envers Waba dont il espère que les prochaines éditions travailleront mieux à drainer des visiteurs plus nombreux vers les exposants de la ville-capitale politique, nous révèle ses débuts en 1990 avec la Coopération française qui lui donna l’opportunité d’une grande exposition très réussie et fructueuse au Palais de Honmè. En dix ans d’exercice, ses yeux brillent d’une joie nostalgique lorsqu’il laisse lire en eux ses nombreux voyages d’exposition au Bénin, en Afrique, en Europe et à travers le monde. A l’heure actuelle, il expérimente un grand isolement pour découvrir de nouvelles voies d’un art sculpteur plus novateur. Théodore Dakpogan, marié, quatre fois père, vit exclusivement de l’art qu’il fait par le biais des tôles, des bouts de verre, des vis, des boulons, des chaînes et des dents d’engins qu’il récupère et reconvertit en pièces de modelage de ses personnages. Quelques fois, il se rapproche de la forge à laquelle certains travaux ponctuels le ramènent. Les personnages qu’il a matérialisés récemment portent la marque d’un regard profondément dénonciateur du comportement des jeunes filles béninoises d’aujourd’hui qui, habillées en pantalon, laissent déborder leurs perles. S’il se laisse aller à la sensibilisation, c’est pour les appeler à changer de comportement et, dans un autre registre, pensant à la commémoration des 50 ans de son indépendance par le Bénin, il exhorte les pouvoirs publics à penser au développement du pays et, surtout, à doter les artistes d’un vrai statut, comme cela est le cas dans bien de pays de la sous-région.




Kaman Esso, le Doyen aux messages percutants

« A tout seigneur, tout honneur ». La visite de son atelier sis quartier Aïbatin, au détour d’une ruelle, fait découvrir, à l’entrée, à gauche et à droite, un projecteur, ce qui rappelle son métier de photographe et qui lui permet de préciser au petit monde visiteur qu’il a aussi exercé en tant qu’imprimeur. Ce sexagénaire qui, apparemment, se prépare un destin de la Capverdienne Césaria Evora, ne cache pas, d’entrée de jeu, son enthousiasme pour Waba, lui qui a la chance de recevoir une grande visite, dès le premier jour de la manifestation. Confessant très tôt que son nom ’’Kaman Esso’’ signifie, en nago, ’’Connaissons nos limites’’, il se présente comme un homme qui n’aime nullement exagérer en ce qu’il fait. Dessinateur depuis son âge d’enfant, ayant exercé à l’étranger les deux métiers évoqués précédemment, il ne s’est remis aux arts plastiques que trois années auparavant ; ses tableaux, de format légèrement en dessous de la moyenne, côtoient très peu l’abstraction et font découvrir une peinture réaliste dont le message trouve sa compréhension dans une exploration philosophique du monde. Au bas de quelques-unes de ses toiles, la signature n’est pas ’’Kaman Esso’’, mais tient en une phrase : « Les mains prolongent la pensée », ce qu’il explique en rendant hommage au Créateur qui a pourvu l’homme des mains lui permettant de « marquer ses sentiments, de démontrer ce qu’il est et ce qu’il fait ». Evoquant sa démarche, il se déclare imprégné de tout système artistique et peint de préférence à l’huile pour parler au public de tout ce qui se passe autour de lui. Kaman Esso, originaire de Pobè, né à Abomey d’une mère originaire de cette ville et d’un père natif d’Agonli, impressionne par la force et la profondeur avec laquelle il convertit des phénomènes simples de la vie en des leçons que les hommes devraient se donner l’humilité de suivre, afin de mener une existence davantage heureuse et épanouissante. Néanmoins, il lui tient fortement à cœur de faire passer que les autorités de notre pays devraient travailler ardemment à amener les féticheurs, les marabouts et toutes les formes de pratiquants de l’occulte à tourner leurs activités vers le bien, à faire en sorte que le gris-gris travaille plutôt au bonheur des Béninois. Le contraire aujourd’hui, selon lui, est le résultat du refus de ses compatriotes de fréquenter leur village et de bon nombre de Béninois de la diaspora de rentrer au pays, pour contribuer à son développement. Cet artiste qui s’exprime ainsi, qui se rend intarissable quand il s’agit d’évoquer de précieuses leçons de vie et qui est décidé à rompre avec l’anonymat artistique porte comme vrai nom Lucien Houéssou.

Réalisation : Marcel Kpogodo