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mardi 15 avril 2014

Jérôme Tossavi présente "Il faut battre l'amour quand il est fou''

Pour le lancement de l'ouvrage le 5 avril 2014


Le samedi 5 avril dernier a donné lieu au lancement du livre "Il faut battre l'amour quand il est fou". C'était à l'auditorium de l'Institut français de Cotonou. A cette occasion, Jérôme Tossavi, poète et dramaturge béninoise a procédé à la présentation au public de sa lecture de ce recueil de cinq pièces de théâtre, écrit par Jean-Paul Tooh-Tooh, et publié aux ''Editions plurielles''.


''Il faut battre l’amour quand il est fou'' ou la prosopopée de l’amour-démence s’offre à nous, paisibles lecteurs d’Ici et d’Ailleurs, comme l’odyssée de la femme, objet politique. Et sexuel. Du compromis mis en scène où le politique amoureux du pouvoir et de la femme se voit très vite détrôné par ses propres déviances sexuelles ; ce recueil de cinq pièces de théâtre se décline comme une partition musicale.
La première pièce « Il faut battre l’amour quand il est fou », titre éponyme du recueil, est une quête charnelle entre deux sœurs à couteaux tirés sur le même homme- amant, pour l’une, et, mari, pour l’autre. Un conflit sentimental qui débouche sur le crime passionné où l’amour tord le cou à la raison. Cette pièce illustre, de fort belle manière, les deux grands thèmes de tout lyrisme à savoir, l’amour et la mort.
Amour ventripotent où le sexe se cuisine à chaud, la deuxième pièce  intitulée « La mort du passé » nous présente les chambres de passe comme un lieu catéchiste ou fétichiste d’où la repentance est bien possible. Scène obscure  d’une prostituée avec  un client débiteur insolvable qui deviendra plus tard ou, plus tôt, son mari, cette pièce est une réclame à la vie de débauche que mènent, à contrecœur, les femmes de nos trottoirs.
La troisième pièce « Broussailles et compagnie » relève du théâtre simulateur, une sorte de forum politique avec la femme toujours à la tête des situations outrageuses. Cette pièce insinue une rencontre fortuite entre un Chef d’Etat imaginaire et un fantôme de fils qui serait un amant de l’une de ses nombreuses maîtresses. Confiance teintée de méfiance. Une affaire familiale qui va tourner à la mayonnaise pour le fils trôné, après une crise cardiaque du père suffoquant à l’amour-désir de sa maîtresse, laquelle cuisine déjà fort longtemps les casseroles avec le fils méconnu du Chef d’Etat. Bel enjeu où le lyrisme trouve encore tous ses préceptes à la fois étincelants et foudroyants.
La quatrième pièce « Folie tertiaire » emprunte le boulevard d’une conversation de sourds entre un créateur-dramaturge-démiurge, un poète et d’autres muses du canton artistique. Véritable logorrhée entre le créateur et le créé, avide d’intrigues, cette pièce se présente à nous comme une boîte de Pandore où on note une folie presque textuelle. Plaisir/jouissance remarquable dans les discours des actants en transe dans cette pièce, le dramaturge Jean-Paul Tooh-Tooh fait du babélismeavec, en filigrane, un jeu de ping-pong dramatique où le verbe se raréfie dans la bouche des personnages qui peinent à s’affirmer, à s’afficher.
Jean-Paul Tooh-Tooh, entouré par Jérôme Tossavi, à gauche, et Koffi Attédé, Directeur des "Editions plurielles", à droite.
La cinquième pièce « Immigritude » est un ballet dérisoire  des jeunes qui prennent l’occident comme « terre promise ». Cette pièce est une farce qui vient clore la danse macabre des maux déclinés sur un chapelet de doléances pour qui rêve de l’eldorado. Immigration clandestine. Jeunesse en fuite. Nations en ruines. Tous les thèmes sont bons pour le dramaturge Jean-Paul Tooh-Toohqui, à travers cette dernière pièce de son recueil qui présente les plaintes d’une génération sacrifiée. Ce discours, qui n’est pas contradictoire avec les plaintes de l’écrivain, convoque le lecteur-spectateur à une profonde réflexion sur l’immigration clandestine.
Un tour d’horizon de ces cinq pièces confirme d’emblée le canevas assez détaillé du dramaturge Jean-Paul Tooh-Tooh, chez qui l’on note une opposition focalisée sur l’amour vrai/l’amour faux qui consume la femme, objet de dépotoirs et, en même temps, héroïne épisodique. Et, il convient, ici, de rappeler le style toototique - permettez-nous ce néologisme - qui s’apparente parfois à l’écriture pornographique - pas pour dégrader les mœurs - mais pour les affiner, dans le droit chemin du théâtre dans le théâtre, de l’école de la vie, de l’humour pour stigmatiser nos déboires et nos balivernes.
Comédie larmoyante, dirais-je, sinon théâtre lyrique où la poésie fait mince frontière avec le drame, « Il faut battre l’amour quand il est fou » emprunte au théâtre hugolien les traits caractéristiques des roublardises  sentimentales et/ou politiques.
De cette production littéraire de grande facture, il convient, sans trop exagérer, d’affirmer que la littérature béninoise a encore de beaux jours devant elle.

Jérôme-Michel Tossavi
Ecrivain. Poète. Dramaturge. Bibliothécaire.

jeudi 21 novembre 2013

Délibération du Concours national ’’Plumes dorées’’


Martial Kognon se distingue pour ’’Temps additionnel’’

Martial Kognon recevant son trophée

La journée du samedi 9 novembre 2013 s’est révélée bien remplie dans le domaine de la promotion littéraire au Bénin. Meublée par deux phases d’une importance capitale, elle a permis aux Editions Plurielles, aussi bien, de révéler le lauréat de la sixième édition du Concours ’’Plumes dorées’’ que de faire découvrir le contenu de l’ouvrage sélectionné.

Un aperçu des participants
Martial Kognon pour ’’Temps additionnel’’. Voici le nom d’un jeune auteur distingué et le titre de l’ouvrage qui lui a servi à monter sur un piédestal littéraire. Ce verdict a été prononcé, le samedi 9 novembre 2013, en milieu de matinée, à la salle polyvalente du Palais des Congrès de Cotonou, dans le cadre de la cérémonie de délibération organisée par ’’Les éditions plurielles’’, pour le compte du Concours national ’’Plumes dorées’’, de l’année 2013. Anirelle Ahouantchessou, Modeste Gansou-Wéwé, Pelphide Tokpo et Myrtille Akofa-Haho sont les quatre autres jeunes postulants au Prix sur les cinq que le Jury, présidé par le romancier béninois, Florent Couao-Zotti, a choisi d’élire parmi les trente ayant participé, plusieurs mois auparavant, au processus mis en place par le Concours national ’’Plumes dorées’’ : appel à candidatures, sélection, résidence d’écriture, production des stagiaires et détection des cinq meilleurs devant postuler au Prix ’’Plumes dorées’’ 2013. Avec leur position des cinq meilleurs, Martial Kognon et ses quatre autres amis s’en tirent avec un ordinateur portatif, des livres et des dictionnaires mais, particulièrement, le tout premier a reçu un trophée et un compte bancaire. Vivement donc, l’édition 2014 !

Un après-midi instructif
Dans l’après-midi de ce même samedi 9 novembre, ’’Les éditions plurielles’’ ont convié le public à l’auditorium de l’Institut français du Bénin. C’était pour lui faire découvrir le contenu de l’ouvrage primé à l’issue du Concours national ’’Plumes dorées’’ 2013, ’’Temps additionnel’’. Thanguy Agoï, journaliste à la chaîne de télévision, Canal 3, s’est vu échoir la lourde responsabilité littéraire d’analyser l’ouvrage. Son propos a donné lieu à des riches échanges dont Martial Kognon, l’auteur de l’ouvrage primé, par des éclaircissements sur son procédé et son processus d’écriture, a été la clé de voûte. 

Marcel Kpogodo


 ’’Temps additionnel’’ : L’analyse de Thanguy Agoï


Thanguy Agoi, expliquant sa lecture de l'ouvrage primé


Résumé
Une femme attend en prison depuis six mois maintenant. Elle est inculpée pour le meurtre de Basile, et condamnée à la peine capitale, lors d’un procès expéditif : des juges qui la méprisaient, une population surexcitée qui voulaient un coupable pour la longue série de tueries qui a cours depuis lors, et des hommes politiques à la recherche d’un lampiste pour remonter dans l’estime du peuple. Tous avaient d’avance condamné Mariam avant l’audience. Face à tout ceci et, curieusement, l’accusée a choisi de ne pas se défendre, alors même que des indices relevés sur la scène du crime semaient encore le doute quant à sa culpabilité. Mais, elle ne voulait pas se battre. Son avocat, effaré, abandonne aussi. Et, Mariam attend dans sa cellule….décidée…entêtée… Elle attend cette mort qui n’est pas la sienne…Elle attend cette mort que la justice des hommes veut lui donner…Elle attend…jusqu’au jour où elle choisit de se confier au Père Honoré, venu écouter les confessions des pensionnaires de cette maison d’arrêt. On retourne sur les faits et sur la scène du crime. On remonte à l’histoire. C’est le début de la traque d’une nébuleuse. L’homme de Dieu devient le mince fil d’espoir de la condamnée, dans ce monde où tout ce qui devrait protéger l’homme, œuvre plutôt pour sa destruction et sa déchéance : une justice à double vitesse, une police incapable et corrompue, une humanité assoiffée de justice et intolérante ;
C’est l’homme de foi qui sera sa fenêtre sur le monde extérieur, sur l’horizon de l’espérance. C’est le père Honoré qui mènera ses propres enquêtes, se transformant en détective privé, en criminologue, mais, surtout, en sauveur inespéré, tout ceci, au péril de sa vie. Mariam a frôlé la potence.
Vous l’avez certainement remarqué. Nous sommes dans un roman policier. Moi, je parlerai de film policier. Nous avons des scènes d’échanges de tirs et d’acrobatie, des séquences de braquage en direct. Il ne nous manquait qu’un écran.

Mes impressions de lecture : une trame bien ficelée
Pour entretenir la confusion, et, surtout, permettre aux coupables, tapis dans l’ombre, d’y rester jusqu’à la fin de l’histoire afin de la nourrir, l’auteur a créé ce que je pourrais appeler une double trame.
D’abord, le vrai crime qui a lieu, commis par le truand Edem, dit La pieuvre, et qui reste en filigrane. Nous avons ensuite le ‘’faux crime’’, commis par Mariam qui se fait passer pour la coupable. Entre ces deux pôles, il y a des raccords qui font passer la réalité pour de la fiction et vice-versa. Au nombre de ces points de raccords, on peut citer :
  • l’homonymie des personnages d’Edem, qui organise la confusion et sème le doute. La victime a réussi à écrire de son sang que son bourreau était Edem. C’est le point de départ de la confusion.
  • l’arme du crime, qui est en double aussi. Les deux Edem, par un curieux hasard, ont un poignard identique, qui contribue aussi à semer la confusion.
  • on peut aussi citer le passé d’Edem, qui a été toxicomane, avant de rejoindre le droit chemin, par amour. Ses antécédents (coups et blessures et séjour en garde-à-vue) sont autant de choses qui rapprochent la réalité de la fiction, dans cette affaire.
Ne me demandez surtout pas si on peut avoir autant de coïncidences sur une situation. Je sais juste qu’il y a un contrat de confiance qui lie le lecteur et le narrateur.
Au demeurant, on pourrait dire que le suspens est resté jusqu’à la fin, en tout cas, plus longtemps dans l’esprit du lecteur qui ne découvre le vrai coupable qu’à un moment où l’histoire est bien avancée. Le travail de création, du point de vue trame, est bien mûri, pour ne pas servir du déjà vu. Je ne prétends pas ici avoir lu tous les romans policiers qui existent au monde.

Une organisation spatio-temporelle variée
Nous avons un déplacement du cadre des actions et des actions elles-mêmes dans un ordre qui évite la monotonie et la constance. S’il est vrai qu’il est impossible de conserver une telle histoire dans un seul espace, étant donné qu’il faut dénouer le problème posé, il s’agit de reconnaître quand même que le récit voyage dans le temps et l’espace.
On égrène, sans s’en rendre-compte, les six mois qui séparaient Mariam et Hélène de la mort. On passe de l’enfance du prêtre, par exemple, à sa vie sacerdotale. Le passé des personnages est revisité dans un procédé de flash-back constant, même si on est en droit de se plaindre de sa répétition à tout bout de champ.
Par ailleurs, l’action se déplace et change de cadre tout aussi constamment : on est tantôt en prison avec Mariam, à l’hôpital avec Hélène, à l’église et dans les ghettos avec le prêtre, on est dans les couloirs des commissariats de police avec l’inspecteur Kponon et le commissaire Gogonon. On est même au cimetière à un moment donné ….
Ce changement donne une certaine liberté de description au narrateur, mais avec ce même risques d’une éventuelle répétition, à cause d’une pauvreté d’images, de rudiments appropriés.
Cela peut se noter, par endroits, dans la description des paysages et l’attitude des personnages.

Une thématique diversifiée
  • L’amour : c’est un sentiment qui peut être à la fois source de malheur mais aussi de bonheur. C’est au nom de l’amour que Mariam se compromet et accepte de mourir consciemment à la place de son mari. C’est aussi au nom de l’amour qu’Edem accepte de quitter son monde de toxicomanie pour intégrer une vie sociale normale et reconstruire sa vie avec Mariam. On peut donc noter qu’au sein d’un couple, ce sentiment peut avoir des conséquences totalement différentes sur chacun des membres.
  • Une justice à double vitesse : les magistrats qui lorgnaient la présumée coupable, l’avaient déjà condamnée avant même le début du procès, puisqu’ils affichaient un mépris vis-à-vis d’elle. La foule et la presse aussi. Tout avait été fait et décidé dans le sens des désirs de la foule. On n’est pas loin d’une vindicte populaire. Et c’est ici qu’il faut se poser beaucoup de questions par rapport à la sincérité et à l’impartialité de la justice des hommes. Je ne veux pas ouvrir ici un autre débat mais juste vous inviter à regarder un peu autour de vous.
  • Une police corrompue et incapable : Nous constatons une connivence entre les forces de l’ordre et la pègre qu’elle est appelée à réprimer. Hélas, dans la vie active, l’appât du gain facile pousse certains policiers à se dérober à leurs obligations professionnelles et à se compromettre avec les malfrats, comme c’est le cas chez le commissaire Gogonon. Mais, le plus important, c’est d’espérer qu’au sein de chacun de nos commissariats de police, qu’il subsiste un inspecteur Kponon qui, malheureusement, en a payé le prix fort.
  • Le monde d’hypocrisie et d’apparence : la pieuvre était à la tête d’une organisation caritative. Cela rappelle ce phénomène d’escroquerie à l’échelle nationale, qui a emporté les économies de milliers de concitoyens floués. Des gens de moralité douteuse, qui portent la veste d’hommes ou de milieux relativement acceptés comme étant l’exemple (Les églises, par exemple, les actions humanitaires, …), pour mieux escroquer leurs compatriotes.
  • Le bien, l’apanage d’une religion : c’est souvent le mobile qui pousse à l’extrémisme religieux. Chaque religion se réclame et se proclame source unique pour le salut éternel des âmes, vouant aux gémonies les autres religions, notamment celles dites endogènes.
L’attitude du père du fils qui voulait devenir médecin (un dignitaire du culte traditionnel) prouve à merveille que toutes les religions s’équivalent et, surtout, qu’on n’a pas besoin d’être forcément adepte d’une religion. J’ai bien dit adepte.
  • La vie carcérale, notamment en ce qui concerne le traitement des femmes : Aucune violence masculine. Les femmes se maltraitent entre elles comme cela se fait d’ailleurs entre les hommes de ces lieux, ce qui veut dire qu’on est dans une jungle qui ne connaît pas de sexe. C’est vrai qu’on nous évite ici le visage déjà connu de nos prisons où l’on forme plutôt au mal, qu’à une réinsertion sociale.
  • La place du prêtre dans la cité : c’est un sujet qui n’est pas récurrent.
Un prêtre doit-il limiter son travail à écouter les confessions, à en prononcer l’absolution, à prier ou à célébrer la messe ? Ne doit-il pas engager des actions concrètes ? Quel est le rôle que doit jouer, au-delà du prêtre, tout homme de foi, dans une société en perte de vitesse ? Le fond de ces questions pourrait être mieux cerné quand on repose la situation qui s’est présenté au prêtre Honoré : à l’hôpital, devaiit-il prier pour que quelqu’un vienne donner son cœur et sauver Hélène ? Cela signifiait en même temps qu’il priait pour que quelqu’un meure.
Dans cet embarras, la formule qui paraît une échappatoire : Dieu, que ta volonté soit faite. C’est une formule pour ne rien faire et se déresponsabiliser. C’est pourquoi, on verra l’homme de Dieu aller au contact des choses, convaincre le père, mener des enquêtes et sauver Mariam.
C’est seulement au bout de ceci que sa foi, si éprouvée entre temps, retrouve sa plénitude. Il faut aussi souligner que le but est aussi de montrer qu’il ne faut pas attendre d’être prêtre pour servir les autres et se mettre à leur disposition.
  • L’échec des intuitions des hommes et le nécessaire recours à Dieu : Si la police a échoué, le narrateur nous propose de faire confiance aux hommes de foi, pour sauver ce monde. D’abord, c’est le dignitaire de culte endogène qui accepte de céder le cœur de son fils pour sauver une fille qu’il ne connaît même pas, et puis c’est le père Honoré qui arrive à sauver Mariam de cette affaire où elle avait perdu d’avance parce que même la police censée la protéger y était mêlée. On peut aussi prendre cela comme une invite à la foi. Il faut être un homme de foi.
  • Ce regard pesant de la société : La société met au ban des gens, et les isole parce qu’ils se sont égarés un moment. Aucune possibilité ne leur est offerte pour une réinsertion. Cela ressemble un peu à un bannissement. Une faute ou un écart est donc punie pour l’éternité.
  • Cette presse qui dicte ce qu’il faut faire : C’est curieux comme la presse peut façonner l’opinion et guider son attitude, parfois sur des dossiers sur lesquels elle dispose de peu d’informations. Cela donne lieu à cette manipulation de l’opinion, très fréquente dans le monde des médias, utilisés par les hommes de pouvoir pour asseoir, conquérir ou garder leur influence.

Des outils narratologiques exploités
  • Chaque chapitre commence toujours par installer le lecteur dans une sorte d’imprécision dont l’unique but est, apparemment, de garder le suspens. Et la révélation se fait de façon brutale. Le narrateur dit le nom de celui dont il parle à brûle-pourpoint. C’est une façon de surprendre le lecteur, au-delà du fait qu’on le pousse à aller au bout de l’histoire, en cherchant à savoir de qui ou de quoi le narrateur lui parle. Normal : nous sommes dans un roman policier.
  • Vous avez un foisonnement de flash-back dans le roman. Le narrateur affectionne particulièrement ce procédé. On peut en compter quatre ou cinq fois plus que le nombre de chapitres qui composent le récit. D’ailleurs, il ouvre son récit par là, ce que je peux appeler fausse ouverture, comme on le dit dans le jargon de mon métier.
  • Le narrateur a l’amour et le goût du détail, de la précision et de la description, comme, par exemple, au début quand il présentait la scène du crime. A d’autres endroits, le phénomène se répète.
  • C’est une peinture de la psychologie des personnages qui attendent la mort, impuissants, mais, aussi de l’attitude des parents proches de condamnés à une mort imminente.
  • Les rêves prémonitoires permettent de préparer probablement le lecteur aux éventualités.
  • Ce sont des histoires racontées de façon éparses et reliées par un lien : le père Honoré. C’est donc une longue histoire, un labyrinthe sans fond, qui imbriquent faits sociaux et politiques, dans une sorte de saga policière.
Et, comme si le narrateur craignait que le lecteur se perde, il a éclaté son histoire en micro-récits presqu’indépendants, à la Tchitchélé Tchivéla, et au milieu desquels, un lien subsiste : le père Honoré.

Les personnages
C’est une histoire dans laquelle de nombreux personnages agissent. Je ne vais pas parler de tous mais de quelques-uns qui me semblent importants, non pas que les autres n’ont pas leur place dans le récit, mais parce qu’ils n’ont pas la même importance pour l’histoire.
De manière globale, on peut les classer en deux catégories : ceux qui portent un nom qui définit leur personnalité, leur position sociale, leur provenance et même leur physique (l’inspecteur Kponon, le commissaire Gogonon, je ne vous ferai pas son portrait et bien d’autres). Et il y a ceux qui portent des noms comme on rencontre tous les jours.
  • Mariam : c’est autour d’elle que l’histoire principale tient. Elle est courageuse, déterminée et surtout fidèle à l’amour qu’elle tente de sauver en acceptant d’aller à la mort. C’est tout le paradoxe qu’elle porte. C’est le symbole même de la bonne femme, dont tout homme de bon sens doit rêver : bon caractère et beauté sublime.
  • Le père Honoré est le lien entre les histoires qui n’ont forcément pas des rapports à proprement parler entre elles. C’est un religieux endurant, curieux et consciencieux. On en a connu pire. Il est modeste, en tout cas, a tous les qualités nécessaires pour porter le titre de prêtre. Sans lui, l’histoire ne vit pas, et ne bouge pas. Il porte le message d’un vœu : les hommes de Dieu doivent faire autrement leur job dans la cité. J’en ai parlé un peu plus.
  • Basile, la victime : On ne sait pas grand-chose sur lui, juste son passé de bricoleur et d’apprenant curieux et brillant, et son retour au pays avec des soucis pécuniaires.
  • La veuve noire : personnage fictif, elle est la tueuse en série non identifiée. Elle joue un rôle très important puisque ce sont ses actes qui conditionnent les réactions des populations, des juges et de la presse, vis-à-vis de Miriam.
J’ai l’impression qu’il n’y a que des hommes (pour ne pas dire des femmes) bons qui sont condamnés à mort : Mariam l’est par amour et Hélène, qui est une fille bien, est gravement malade et ne vivra pas longtemps. On doit saluer l’écrivain et le remercier de nous proposer son côté religieux, en épargnant la mort à ces femmes qui sont très bonnes. Mais, la nature n’est pas toujours avec les justes dans ce récit puisque Kponon est mort. Le fils qui voulait devenir médecin est mort également. Ce sont des hommes bons, pourtant. Est-ce que je dois conclure que c’est parce que ce sont des hommes ?
  • On nous montre aussi qu’il y a différentes attitudes face à la mort : certains l’attendent courageusement, impassiblement (Hélène, qui donne du courage à sa mère), d’autres y vont par décision, avec un sentiment de devoir à accomplir (Mariam). D’autres, par contre, ce sont certainement les plus nombreux, n’ont même pas le temps de choisir une attitude. Ils sont arrachés, fauchés et tombent d’un coup (le fils qui voulait devenir médecin).


Thanguy Agoï