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samedi 4 octobre 2014

Lettre à François Mensah

« Nous t’avons laissé t’enliser … et mourir … Nous sommes des criminels ! »




Cher François,

Si, désormais, nous appelons ton numéro, ce n’est pas ta voix qui nous répondra. C’est fini … C’est définitivement fini … C’est cruel, mais, c’est comme ça !

Ce qui me fait pleurer, ce qu’à quelque niveau que l’on se trouve, nous sommes responsables de ton départ tragique et définitif …

Nous t’avons vu t’enliser et nous n’avons rien fait … Nous t’avons laissé t’enliser et … mourir … Nous sommes des criminels et je n’en dirai pas plus.
Tous ceux qui me lisent savent de quoi je parle, ce qui fait que je n’ai aucunement besoin d’entrer dans les détails.
Nous sommes responsables de ta mort, parce que, dans toute cette grande corporation journalistique, que ce soit de la presse écrite, de la radio, de la télévision ou de la presse en ligne, aucun d’entre nous n’a su trouver la méthode pour toucher ton cœur et pour contribuer, par ce fait, à ce que tu ne t’enlises pas.

Hé, hé !

Du côté des puissants, de ceux qui ont le pouvoir, quel qu’il soit,
Du côté de ceux qui ont d’énormes moyens financiers,
Du côté de ceux qui peuvent produire un impact, un résultat direct, positif et efficace sur toute situation, d’un simple claquement de doigts,
Du côté des grands,

Vu ce que tu étais – Pourquoi je dis « étais », tu es ce que tu es éternellement ! Donc, je me reprends –
Vu ce que tu es,
Vu ta carrure intellectuelle et professionnelle,
Vu ta mémoire à nulle autre pareille sur les faits sportifs d’archives, une mémoire aussi éléphantesque et fondamentale que celle de ce BAOBAB béninois de la presse sportive, ce MONUMENT, cette ICÔNE – Tu comprends bien que je parle de l’inoubliable et inclassable, Félix Sohoundé Pépéripé,
Vu ta manière exceptionnelle de développer, de traiter l’information sportive, aux côtés de l’autre excellent de Canal 3, en la matière, Sulpice Oscar Gbaguidi,
Vu tes chroniques sociales des vendredis, toujours attendues, émouvantes et ’’interpellatives’’, comme celles, pointues et remuantes, toujours de cet autre Sulpice Oscar Gbaguidi, que tu as dignement remplacé lorsqu’il est parti en voyage,
Vu ta langue parfois acerbe et impartiale, intelligente et gênante,  
Vu tout ce que tu es de bon et qui faisait que tout le monde se scotchait sur Canal 3, très tôt, tous les matins,
Vu l’excellence que tu es – Et, je ne te flatte pas, pour me complaire dans les basses et hypocrites exigences de l’oraison funèbre,
Vu ce que tu es, en tant que François Mensah et que personne ne sera jamais,

Penses-tu que tu serais décédé, laissé à toi-même, au Centre National Hospitalier et Universitaire Hubert Koutoukou Maga, ce mouroir dont la célébrité est faite en la matière pour les causes de coma profond, si tu étais né sous un autre nom ?
Penses-tu que tu serais décédé, laissé à toi-même, si tu avais été le fils de l’un de ces puissants qui viennent, un à un, signer le livre des condoléances, qui passent te rendre hommage, à titre posthume, quand l’irréparable est fait, certains poussant l’ignominie jusqu’à laisser des enveloppes financières pour ta fille, Maéva, maintenant, comme pour se racheter de leur crime de non-assistance à personne en danger ?
Penses-tu que tu serais décédé, laissé à toi-même, si tu étais l’un des thuriféraires ’’ventrocrates’’, du régime en place du Docteur Boni Yayi ?

Si tu étais dans l’un ou l’autre de ces trois cas de figure, on t’aurait évacué, en un tourne-main, mon Frère et, d’un de ces pays où les soins de santé inspirent respect, confiance et salvation de la vie humaine, on aurait eu, peut-être, en direct, de tes nouvelles d’une santé en reconstruction,

On ne se serait pas contenté de demander qu’on prie pour toi …

François, je te le dis, du fond du cœur, nous sommes tous des criminels, tout ce peuple qui t’adulait tant pour ton courage de langue et d’intellect, tout ce peuple qui ne t’aimait pas pour tes qualités d’ ’’aiguillonneur’’, d’objecteur de conscience, tout ce peuple est criminel ! On devrait, autant les dix millions de Béninois que nous sommes, nous arrêter un à un et, comme les policiers savent si bien le faire, nous déférer devant un juge et nous faire mettre en garde-à-vue, en attendant que notre culpabilité soit effectivement établie, que nous soyons, chacun, jugés et condamnés à une peine bien réfléchie de prison !

Nous sommes un peuple si méchant qui ne sait parfaitement gérer les situations que lorsque l’irréparable est fait …

Le peuple béninois !

Nous sommes un peuple qui excelle dans un métier formidable, celui du MEDECIN APRES LA MORT …

De mon côté, je te voyais, quelques fois, dans mon quartier ; tu venais y rendre visite à un ami qui est un peu devenu mon ami, parce qu’il était ton ami – Qui aurait laissé passer la grâce, la chance d’être l’un de tes amis, toi qui nous aidais beaucoup, professionnellement, en lisant, expressivement, la une de nos journaux, sur l’incontournable ’’Actu- Matin’’ – Que Dieu bénisse à jamais celui qui a inventé cette émission !

Que des messes soient organisées à l’intention de la protection et de la longévité de ce génial qui a inventé cette émission !        
Que des prières soient organisées dans tous les lieux de culte du pays pour ce créateur, pour le père de cette émission qui, désormais, appartient au quotidien ces Béninois, ingrats que nous sommes !
Que des messes de remerciements et des prières de protection soient organisées à l’intention d’Issa Salifou, de Malick Larry Gomina, des autres Berthe Cakpossa, André Dossa, Hermann Aniambossou, Barnabé Salanon, de tous les autres journalistes, de tous les techniciens, de tous les hommes de l’ombre comme de la lumière, pour la joie de vivre qu’ils nous donnent, par l’existence qu’ils font, au quotidien, de Canal 3-Bénin et de Canal 3-Monde !

Ce n’est pas seulement le Docteur Boni Yayi qui mérite les messes et les prières …

De mon côté, donc, je te voyais, quelques fois, dans mon quartier ; tu venais y rendre visite à un ami qui est un peu devenu mon ami, parce qu’il était ton ami … Ai-je jamais eu le courage de te parler ? Pour contribuer à ce que tu ne t’enlises pas et que tu vives 33, 45, 65, et même 120, 132 ans ?

Je ne crois pas … Ma pensée n’a jamais pu se matérialiser à travers des paroles bien mûries, pour me faire entendre de toi.

Je peux dire que je suis responsable de ta mort …
Et, je te le dirai, très vulgairement : « Nous sommes tous dedans … Nous sommes tous dans ta mort … »
Et, c’est regrettable. Peut-être que ton départ pour la vie nous édifiera, édifiera beaucoup de gens …

Tu n’es plus là, mais, contrairement à ce que tous croient, contrairement à ce que tes détracteurs de tous ordres qui jubilent croient, tu es plus vivant que jamais !
Du lieu de lumière où tu nous vois, du lieu de gloire où tu liras cette lettre, vois-tu tous les hommages à ta personne de 32 ans ?
Vois-tu déjà ton nom inscrit au fronton du Studio de la chaîne de télévision où tu officiais courageusement, d’où toute ton équipe et tes collègues de travail continueront à émerveiller le peuple béninois ?

C’est cela, la vie, la vie éternelle …

Je crois que tu vis plus que jamais, même si, à regret, je ne te verrai plus venir voir ton ami, dans ma rue …

A toi, François, qui me faisais le plaisir de lire sur ’’Actu-Matin’’, la une de mon journal, le Quotidien ’’Le Mutateur’’ … Nous, tes confrères de la presse écrite, te rendons un hommage particulier, pour ce service publicitaire que tu as continué à nous rendre, jusqu’à une date plus que récente …

Merci, François …


Marcel Kpogodo