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mardi 28 novembre 2023

Éric Médéda, des questions vitales sur la tradition

Dans le cadre d'une exposition à Cotonou

Une exposition collective s'est ouverte le samedi 25 novembre 2023. L’événement se passait au Centre culturel chinois de Cotonou, au Bénin. Eric Médéda, artiste contemporain, appartient au groupe des créateurs chinois et béninois. Il y montre quatre œuvres. Elles concernent la tradition béninoise. Il l’explore par des questions sur les trois dimensions du temps.


Eric Médéda, au cours du vernissage au Centre culturel chinois

Qu'avais-je été avant aujourd'hui ? Qui suis-je ? Que suis-je devenu ? Les questions fondamentales que se pose l’artiste contemporain béninois, Eric Médéda, pour le compte d’une exposition collective bénino-chinoise dont le vernissage a eu lieu le samedi 25 novembre 2023, à la salle polyvalente du Centre culturel chinois de Cotonou.

Les trois questions indiquées sont au centre de l’œuvre, ’’Tombée des masques’’. Le visiteur peut en découvrir trois autres, produites par Eric Médéda. Elles l’ont été au cours de la résidence de création ayant débouché sur l’exposition.

’’Partir ou Rester’’ porte un message profond dont seul le contact visuel du visiteur lui permettra le décryptage. Selon Éric Médéda, la toile aborde la soif du citoyen béninois d'aller vers les traditions étrangères. « Pour nous, Béninois, la question se pose tous les jours : est-ce que je dois partir ou rester, avec la richesse de mes traditions spirituelles, sociales, etc. ? Où aller et par quel chemin ? », a clarifié l’artiste, lors d'une brève présentation, au vernissage de l'exposition en question.

Sur cette peinture abstraite, il s’aperçoit trois portes ouvertes sur une ombre indécise d'un début de voyage vers d'autres horizons. Cette œuvre nourrira certainement la réflexion des visiteurs sur la question de la rencontre avec les traditions de différents pays.

Quant à ’’La Rencontre’’, il s’agit d’un tableau à découvrir absolument. Avec ’’L'Oubli’’, l’artiste s’exprime à travers la conception de jeux de flèches. Il y dénonce une faille importante de la mémoire de l'humanité, donc, la tradition. Elle laisse disparaître des pans remarquables de l'histoire.

La plupart des œuvres de l'artiste sont réalisées à travers une technique mixte, avec de l'acrylique sur toile. Elles appartiennent à une exposition collective qui se clôt le 29 novembre 2023. Elle a pour thème, “Traditions - Transversées - Transmissions”. Elle est le fruit d’une résidence de création. Elle a débuté le 10 novembre 2023 pour s’achever le 23. Elle a engagé la synergie du travail entre cinq artistes contemporains béninois et six, chinois, tous, de la nouvelle génération. Premièrement, à part Eric Médéda, il y avait Pierre Mahoussi Ahodoto, Charles d’Almeida, Anne-Marie Akplogan et Sika da Silveira. Deuxièmement, Junxian Zhang, Kai Yan, Haimian Li, Waiwai, Yuan Huang et Bin Liu sont spécialement venus de la Chine pour s’impliquer dans la manifestation artistique.



Eric Médéda, une énergie profonde et abondante


L'artiste contemporain vient d’une précédente exposition. Elle s’intitulait ’’Anonymous’'. Elle s’est déroulée du 15 septembre au 16 novembre 2023. Elle avait pour site le restaurant, ’’La gallery’’, situé à Cotonou, au quartier de Ganhi. Eric Médéda y avait présenté non moins d’une quinzaine de toiles amenant à une profonde réflexion sur les êtres anonymes et les ombres. Elle avait connu un vernissage auquel a pris part Jean-Michel Abimbola, ministre béninois du Tourisme, de la culture et des arts.

A l’occasion, l’artiste s’était exprimé pour aider le public à la compréhension de ses productions du moment : « Ce que nous voyons dans cette salle nous invite à un spectacle orchestré par les ombres. Pour moi, les ombres, particulièrement, dans l'obscurité, incarnent la richesse de notre tradition initiatique au Bénin, en Afrique. En effet, huit initiations sur dix se déroulent dans la nuit, dans notre culture, symbolisant, ainsi, notre passage de l'obscurité à la lumière ».

A travers ses œuvres, l'artiste faisait percevoir la préservation du précieux héritage culturel immatériel du Bénin. Il expliquait sa démarche de travail, en ces termes : « J'ai choisi, au départ, la technique du tamis pour rétablir les liens avec notre histoire. Cependant, en le faisant, j'ai ressenti que nous laissions de côté les acteurs de cette histoire. C'est pourquoi, je représente, désormais, ces personnes dansantes, disparues, impossibles à identifier, sur mes toiles. Ce sont peut-être des individus issus d'histoires que j'ai entendues ou qui naissent de mon imagination quotidienne. Mon but est aussi de révéler le secret immatériel caché dans le couvent ».

Coffi Adjaï, curateur de l'exposition, avait donné son décryptage du choix du thème de l’exposition, ’’Anonymous’’. Selon lui, il est né d'une question fondamentale : « Pourquoi ne pouvons-nous pas voir les visages de ces êtres invisibles qui viennent et qui repartent sans que nous puissions identifier leur identité ? » Cette interrogation a naturellement conduit à l'utilisation du mot “Anonyme”, se traduisant, en anglais, par “Anonymous”, pour désigner l'exposition.

« L'exposition, ’’Anonymous’’, explore le mystère des visages que nous cherchons mais que nous avons perdus. Nous rencontrons des individus, au quotidien, sans aucune garantie de les revoir le lendemain, parfois, même, sans nous souvenir d'eux. Ces rencontres fugaces et ce message sont partie intégrante de cette exposition », avait ajouté Coffi Adjaï.


Des œuvres qui ont beaucoup questionné


Les œuvres exposées invitaient à la réflexion. Parmi elles, ’’Messagers Communs’’ se préoccupait de la communication et de l'harmonie entre les êtres humains. Éric Médéda avait, alors, partagé sa compréhension de cette œuvre. « À l'origine, j'avais baptisé cette œuvre, ’'Tolègba’’. Il s'agit de l'être commun à chacun de nous, qui communique intérieurement des messages d'union et de paix ».

L'œuvre éponyme de l'exposition, ’’Anonymous’’, encourageait, quant à elle, les visiteurs à plonger au plus profond d'eux-mêmes, là où ils restent souvent anonymes pour les autres, afin de construire et de définir leur véritable identité. « C'est une invitation à chacun de nous, confronté à sa propre profondeur anonyme, à se construire et à découvrir sa véritable essence ». Cette exposition pouvait, ainsi, être considérée comme un fondement pour conduire à un certain développement personnel chez les visiteurs.

Lors du vernissage, le ministre, Jean Michel Abimbola, avait adressé ses félicitations à l'artiste, Éric Médéda. « Nous croyons en cet artiste qui a fait ses preuves et qui possède une signature artistique reconnaissable. En nous associant à l'exposition, ’’Anonymous’’, nous nous engageons à transmettre son message, un message qui puise au plus profond de notre patrimoine culturel immatériel au Bénin. Éric Médéda explore l'anonymat, les ombres, avec une délicatesse qui semble caresser la toile. Son approche légère résonne avec une quête philosophique transcendante, questionnant l'essence de l'anonymat, des fantômes, des revenants, et de l'esprit. Tout cela transparaît dans ses peintures et dans les thèmes qu'il aborde ».


En relation avec le retour au Bénin des 26 trésors royaux ...


Éric Médéda s'était illustré en participant à l'exposition contemporaine ayant accompagné le retour des 26 trésors royaux. Elle s’intitulait : « Art du Bénin d'hier à aujourd'hui : De la restitution à la révélation ». L'artiste, à travers l’exposition, ’’Anonymous’’, en avait exploré la dimension spirituelle par son œuvre, ’’Seules ou deux’’. Il y partageait une expérience personnelle, à en croire ses explications. « En peignant cette œuvre, j'ai rencontré spirituellement ma défunte mère, à plusieurs reprises, en me posant inlassablement la question : est-elle seule dans son univers éternel ou sommes-nous à deux dans mon atelier de travail ? ».

La démarche thématique d'Éric Médéda, lors de l’exposition, ’’Anonymous’’, mettait aussi en lumière le rôle essentiel des femmes dans la préservation de la richesse culturelle. Il faisait comprendre que l'anonymat imposé aux femmes avait une valeur culturelle significative : « On pourrait penser que, dans notre environnement, au Bénin, les femmes sont privées de liberté d'expression mais c'est une idée fausse. Les hommes, avec sagesse, préservent toute la richesse que détient la femme. Par exemple, lors de l'intronisation d'un roi, dans la culture béninoise, les femmes jouent un rôle prépondérant ».

Léandre Houan / Marcel Gangbè-Kpogodo



Des personnalités se sont prononcées sur l'exposition, ’’Anonymous’’, après l’avoir visitée


Ludovic Fadaïro, artiste plasticien : 

« Éric est un artiste que je suis depuis un certain temps, et mes impressions ne peuvent qu'être empreintes de fierté. La manière dont il franchit les étapes, sans difficulté, montre qu'il a le désir d'aller plus loin et de se révéler davantage au monde. Le Bénin est un grand pays de création, car nous avons eu la chance d'avoir un cousin qui est le ’’vaudou’’. Nous avons l'accoutrement, le geste, le son, la danse, etc., les couleurs et les formes, aussi. 

Et, j'ai l'habitude de dire que l'artiste issu de la culture ’’vaudou’’ a un potentiel d'âge, de possibilités, pour s'exprimer au monde entier. Donc, nous avons de quoi puiser pour nous exprimer et, qu'on le veuille ou non, on n'a pas forcément besoin d'être ’’vaudouisant’’ mais il faut savoir que cela existe, que c'est l'esprit qui nous guide. Aujourd'hui, les jeunes artistes font mieux, et je ne peux que les admirer, les accompagner, pour le bonheur de la création béninoise ».



Gildas Agonkan, Ambassadeur du Bénin au Niger :

« Un véritable travail est accompli. J'ai constaté l'abstraction de la peinture et de l'art mais d'un art qui parle, qui dit quelque chose. Il faut avoir de l'intelligence, du doigté pour pouvoir lire le message derrière chaque tableau de l'artiste. C'est là que réside la force des artistes. Lorsqu'on peut facilement détecter un artiste, à travers ses tableaux, cela signifie qu'il y a un problème. 

La valeur d'un artiste réside dans la complexité de son œuvre et dans la cohérence du message qu'elle porte. Ce soir, à mon arrivée, j'ai constaté que tout était en place. Aux jeunes qui s'identifient dans l'art plastique, aujourd'hui, je souhaite qu'ils prennent le temps de s'améliorer, qu'ils puissent approfondir leur art pour transmettre un message authentique, comme l'a montré l'artiste, ce soir ».



Agboka Sankara, artiste togolais, Promoteur du festival, ’’Emomé'art’’ :

« L'artiste a travaillé, et j'ai remarqué que son travail a beaucoup évolué. Il a une touche particulière. […] La thématique que l'artiste développe est celle de nombreux questionnements. Qui sommes-nous en tant qu'être ? Que voulons-nous faire ? Que voulons-nous devenir ? Quel est notre rapport à la société ? Quelle est notre dimension spirituelle, psychologique et physique ? Autant de questions que l'artiste a développées dans ses œuvres. Et, comme on le dit souvent, chaque lutte commence, d'abord, spirituellement, avant de se manifester physiquement. 

J'ai constaté, ce soir, que l'artiste est parti de cette étape spirituelle pour transcender le physique. Pour moi, c'est une création qui invite au respect de nos ancêtres, qui que vous soyez. Aujourd'hui, il existe des gens qui sont sortis de familles religieuses catholiques, mais qui possèdent tous une racine, une origine ’’vaudou’’. Ici, la relation entre le ’’vaudou’’ et Éric, qui n'est pas un initié mais le descendant de parents initiés, montre le regard de cet enfant non initié vers la tradition. 

En observant ses œuvres, on s'aperçoit qu'il n'a pas créé un conflit intergénérationnel, mais, plutôt, qu'il a puisé des éléments de la tradition pour concilier les deux générations. C'est ce que j'ai retrouvé ce soir, et, en tant qu'activiste des droits humains et artiste togolais, je me suis retrouvé pleinement dans ses œuvres. Il m'a donné, une fois de plus, la certitude de cultiver ma relation avec les ancêtres de ma tradition. 

J'ai vu, aussi, le public qui a apprécié ces toiles, avec la présence du ministre, qui a livré un message positif sur la création d'Éric. Je crois qu'avec cette progression, Éric s'imposera davantage dans l’art plastique, au Bénin, en Afrique et dans le monde entier ».



Imorou Boubacar, un visiteur de l'exposition, sur le tableau, ’’Dialogue’’ :

« […] j'aperçois un personnage, et, à travers sa tête, en croquis, je vois une coupe. Pour moi, c'est l'essence de la vie. Comme je le conçois toujours, les artistes sont spirituels. Ici, particulièrement, l'artiste ne parle pas, mais arrive à combiner la tradition et la modernité, dans son art. Pour moi, l'exposition, ’’Anonymous’’, a transformé un simple restaurant en un lieu d'expression artistique et de questionnement sur notre identité, notre tradition et sur notre recherche spirituelle. L'art d'Éric Médéda résonne au-delà des toiles, invitant chacun à plonger dans son propre anonymat pour mieux se découvrir ».

Propos recueillis par Léandre Houan 

lundi 29 août 2022

Grande productivité de Jérôme Tossavi inspiré par Eric Médéda

Dans le cadre d’une résidence de création


Le 12 août 2022 s’est ouverte, aux ’’Ateliers Médéd’art’’, sis quartier de Fidjrossè, à Cotonou, la résidence de création artistique dénommée ’’Au clair de lune’’. Elle était prévue pour mettre en symbiose l’observation de l’écrivain béninois, Jérôme Tossavi, avec la démarche de travail de l’artiste plasticien et performeur, Eric Médéda, afin de générer une production littéraire de la part du premier. Une semaine après, l’espace culturel indiqué pullule d’écrits du poète, romancier et dramaturge …


Jérôme Tossavi, ci-contre, en production instantanée à partir d'une inspiration directe ...

Des textes partout remarquables et des toiles de peinture. Le résultat de la résidence de création qu’ont effectuée les artistes Jérôme Tossavi et Eric Médéda, du 12 au 18 août 2022, aux ’’Ateliers Médéd’art’’ du quartier de Fidjrossè, à Cotonou, plus précisément, en venant du carrefour du quartier d’Adjaha, dans l’angle gauche de la deuxième ruelle avant la place du ’’Calvaire’’.


Tout calcul fait, des citations, des compositions dans l’ordre de la trentaine, se manifestant sous la forme de courts poèmes et de mots en association, ont envahi tous les recoins, même les plus inattendus du centre indiqué, que ce soit sur du papier, au sol, aux murs que sur des toiles de peinture. Celles-ci sont au nombre d’une douzaine. Les ayant entamées avant la résidence, Eric Médéda les a achevées aux ’’Ateliers Médéd’art’’, au fur et à mesure que Jérôme Tossavi le regardait travailler, appréhendait sa démarche et s’en inspirait, déversant instantanément le fruit de son analyse sur le support immédiat qu’il avait à portée de main. 


... concernant Eric Médéda, sur plusieurs jours de travail en symbiose

Bien que libre, l’écrivain avait pour mission de laisser canaliser son inspiration par le fondement d’un sujet bien précis : le patrimoine culturel.



Justification d’une sélection


Il existe un grand nombre d’hommes de plume actifs. Eric Médéda, à en croire ses explications, entretenait en lui la flamme d’une vision si précise qu’il a identifié, pour le soutenir à concrétiser le projet de résidence de création, le lauréat du prix international 2015 de la poésie, dénommé ’’Léopold Sédar Senghor’’, et, en même temps, le Grand prix littéraire 2020 du Bénin, dans la catégorie du théâtre : « J’ai opéré le choix de Jérôme Tossavi parce qu’il a écrit ’’Incinérés’’, une pièce de théâtre sur la restitution à notre pays des 26 trésors royaux. Il s’agit d’une commande de l’Ambassade de la France près le Bénin et d’une œuvre qui a été mise en scène par Alougbine Dine. C’est après que j’ai vu cette pièce que le projet est né. Donc, [j’ai directement associé Jérôme Tossavi] parce qu’il a abordé cette question de la restitution. Ainsi, pour moi, il est plus facile d’évoluer, de retracer l’histoire parce qu’il l’a déjà écrite et que cette restitution a été ma source d’inspiration concernant le projet, ’’Au clair de lune’’. Cela me permet de faire de cette pièce représentée une source et de ne pas mettre de côté la source d’inspiration du projet ».


L'affiche officielle de la résidence de création, ''Au clair de lune''

Ancré dans ce fondement d’honnêteté intellectuelle, Eric Médéda se montre, par ailleurs, attaché à l’une des anciennes pratiques culturelles africaines, aujourd’hui complètement ensevelie dans le mouvement de la modernité et de la mondialisation. « Le titre du projet, c’est ’’Au clair de lune’’ ; c’est comme l’ ’’adjrou’’ » (’’Conte’’, en langue béninoise du fon, Ndlr), a-t-il précisé, « qui se faisait au clair de lune dans l’Afrique traditionnelle pour que les sages racontent des histoires. Voilà pourquoi le projet porte le titre, ’’Au clair de lune’’ ».


Quant aux productions de l’écrivain, il en a prévu l’évolution : « Les textes de Jérôme Tossavi finiront sur des toiles comme sur des supports encadrés ». Elle se trouve bien ciblée dans le temps : « Ce sera à la fin du projet, lors de la grande exposition, celle qui va rassembler les créations liées aux ateliers avec tous les corps artistiques prévus ».



Un projet de longue haleine


Dans son esprit, l’artiste contemporain et performeur engagé, Eric Médéda, ne limitera pas sa collaboration artistique à l’univers de l’écriture, surtout qu’il prévoit que son projet du moment tienne d’août 2022 à octobre 2023. « C’est un projet qui s’étend sur un an », s’ouvre-t-il, avant de déterminer : « Après la littérature, ce sera une rencontre successive avec la danse et avec la musique ». De même, il éclaire : « A chaque nouvelle édition, le thème va changer mais sera axé sur le patrimoine culturel à cause de l’actualité liée à la restitution des trésors royaux au Bénin par la France ». Puis, il s’introduit dans la perspective d’une ambition aux contours incommensurables : « Ces trésors constituent le socle pour réécrire notre histoire, pour écrire la vraie histoire de l’ex-Dahomey, la vraie histoire de l’Afrique ».


Se rapportant aux manifestations auxquelles il faudra que le public s’habitue pour l’expression du vaste projet en cours, Eric Médéda décline des expositions, des journées de portes ouvertes, des échanges et des séances de performance.


« En matière de performances », a-t-il ajouté, « elles donneront lieu à des rencontres avec d’autres performeurs de la place au Bénin et à l’international. Dans ces conditions, le projet prend en compte mon déplacement sur le Cameroun, pour participer à un autre festival ».


Pour l’instant, « l’exposition reste ouverte jusqu’au 30 août et donne l’occasion d’échanges de divers ordres avec les visiteurs sur le projet, ’’Au clair de lune’’ », a-t-il terminé.

Marcel Gangbè-Kpogodo

samedi 28 novembre 2020

Opération réussie pour Eric Médéda, Marius Dansou et François Aziangué

Dans le cadre du projet d’ouverture des portes de leurs ateliers


De plus en plus, les artistes plasticiens ouvrent au public leur atelier de travail, leur espace de création, considéré comme mythique. Ainsi, les 7 et 8 novembre 2020, au quartier de Fidjrossè, à Cotonou, une opération de découverte de ce genre de site s’est opérée, embarquant dans un processus d’expression d’une qualité essentielle, la générosité, de la part d’Eric Médéda, de Marius Dansou et de François Aziangué …


Marius Dansou, dans ses explications ...    


Un véritable sens de professionnalisme. La tendance commune qui s’est dégagée de l’ouverture de leurs ateliers respectifs au public par les artistes plasticiens Eric Médéda, Marius Dansou et François Aziangué, les samedi 7 et dimanche 8 novembre 2020, tous, dans le quartier de Fidjrossè à Cotonou, de  10 à 18 heures.


D’abord, le samedi 7 novembre 2020, dans les environs de dix heures du matin, en venant du quartier de Houéyiho de Cotonou comme pour se rendre à un point reconnu de Fidjrossè : le ’’Calvaire’’. A l’entrée de la dernière rue à gauche avant cette étape, le prolongement de la première maison à droite s’ouvre sur un portail ordinaire qui, lorsqu’on l’ouvre, débouche sur une grande cour limitée par un mur, de part et d’autre, illuminé de tableaux d’art. Le temps de la contemplation des œuvres, Eric Médéda, armé de sa longue barbe soignée, fait son apparition, un grand rire accueillant à la bouche, orientant vers les trois compartiments successifs des ’’Ateliers Médéda’’, à commencer par la grande cour indiquée, une sorte de séjour qui fait office d’une salle d’exposition dans laquelle des toiles font clignoter leurs messages et attirent, frappent l’œil : des fonds noirs pour des tableaux blancs et des fonds blancs pour des toiles blanches. La substance du système ’’Médéda’’.

Eric Médéda

Selon l’artiste, l’espace concerné est capable d’abriter des causeries, des résidences de création et toutes les sortes d’activités dont les artistes et, notamment, les acteurs culturels sont à l’origine de l’initiative. Et, le cadre aménagé par Eric Médéda comporte une petite zone sableuse qui intrigue. « A certains moments, j’éprouve la nécessité d’être en contact avec la terre quand je travaille », s’en justifie le performeur qui, dans une allure qui rendent intraçables les influences de l’artiste, lui permettant de créer, a profité de l’opportunité de l’ouverture de son atelier au public pour donner des précisions sur sa démarche de travail.


A l’en croire, cette démarche se focalise sur l’humain et, dans le cas d’espèce, le confinement lié à la lutte contre la propagation du coronavirus lui a inspiré le fond noir des tableaux présentés au public au cours de la visite, ce fond noir dont il justifie la motivation. « Je décris les hommes face à eux-mêmes », explique-t-il, tout en précisant : « Le confinement total s’est présenté comme une occasion pour les artistes de révéler le nouveau monde ».


Quant au fond blanc, il se trouve assigner une fonction toute différente : « Il symbolise la conscience de l’humain face à la pandémie ; il s’agit pour moi de manifester ce qui n’est pas clarifié, l’inconscient face à cette pandémie. Pour moi, le fond blanc indique le neutre ». Cette clarification faite, le jaune, une autre couleur forte de ses toiles, se justifie aisément : « Puisque les vies dépendent les unes des autres, j’indique par ce choix de couleur cette dépendance que les êtres humains entretiennent les uns par rapport aux autres ». Dans de telles conditions, l’artiste valorise toute initiative prenant ses marques dans la mondialisation plutôt que dans l’individualisme. « Il faut une véritable complémentarité pour vaincre le coronavirus, le mal que nous avons en face ». Pour lui, cet objectif lui est inspiré de celui qui est lié au développement mondial, ce qui ne le fait pas dormir sur ses lauriers, ordonnant un questionnement : « Que ferons-nous après la pandémie ? Quel positif pouvons-nous en tirer pour améliorer notre vécu de tous les jours ? ».


En outre, les visiteurs désireux de satisfaire leur curiosité de l’identité de l’espace culturel qu’il est désormais convenu d’appeler ’’Les Ateliers Médéda’’, ont se repaître de toiles de l’artiste produites en 2017 et en 2018, notamment, elles qui ont été exposées dans un environnement particulièrement aménagé, propre et spacieux. « Cet espace favorise la liberté de circuler autour de l’œuvre », en commente l’un de ces visiteurs, prestigieux et reconnu, célèbre, fin connaisseur des réalités techniques d’une exposition, Ludovic Fadaïro, qui n’a pas manqué de proposer sa lecture du fond noir qu’a adopté Eric Médéda pour certains de ses tableaux : « La lumière se trouve dans le noir ; il faut la percer pour sortir de l’ignorance ».


Désormais, les ’’Ateliers Médéda’’ existent et il ne reste que les initiatives d’animation de la part d’Eric Médéda de même que les demandes d’exploitation des lieux par ses collègues pour donner vie, fonctionnement, animation et rayonnement à ces ’’Ateliers’’.


Univers diamétralement différent. Un changement de décor. De Fidjrossè ’’Calvaire’’ à Fidjrossè Akogbato, dans les environs de la ’’Nouvelle pharmacie Akogbato’’, non loin aussi du terrain de sport, clôturé de la zone.


« On est plus le fils de son époque que le fils de son père ». Le propos percutant, irrésistible d’origine sud-africaine, le proverbe identificatif qui accroche par la droite dès l’entrée dans l’atelier bien que ce soit la gauche qui, par sa présentation extérieure, fait savoir qu’il s’agit d’un atelier. Dans le milieu de la matinée ensoleillée du samedi 8 novembre 2020, il accueille, accueille, accueille …


 

Marius Dansou, la générosité artistique incommensurable


Partout, cela respire le travail de l’art qui l’identifie, qu’il exerce, celui sur le fer, ce qui fait qu’à gauche, avec l’entrée principale, tout le long, le visiteur se trouve comme chez un forgeron ou chez un mécanicien ou chez un menuisier ou chez 1es trois à la fois. L’espace est couvert et bien ordonné, des outils de travail s’alignent, répartis dans des cadres au mur, selon leur catégorie. Un établi impose sa longueur, Alors, l’atelier s’allonge jusqu’à un mur de fin.


Au niveau du compartiment droit, la pensée évoquée précédemment trône : « On est plus le fils de son époque que le fils de son père ». Un couloir longe la maison et mène à l’arrière où se trouvent des œuvres achevées. Découvert et visite comme à une exposition !

Marius Dansou, dans le décryptage de son inspiration sur les cranes 

Et, l’exploration se poursuit. Entrée dans une salle de séjour. Le décor ordinaire propre à un tel endroit mais la profession artistique du propriétaire des lieux fait la différence : une toile de petite dimension orne le haut d’un mur de fin d’angle. Il y est représenté un crâne de celui, explique Marius Dansou, d’un président africain crucifiant les populations de son pays par une certaine longévité au pouvoir, qui est improductive de développement. Comme s’il s’agit d’un  autel, la toile se prolonge vers le bas du mur avec une installation scripturale indicative : « Naissance – Existence – Prolongation ». Un « work in progress », à en croire l’artiste sculpteur sur fer exerçant parallèlement comme performeur vidéaste. L’annonce de la troisième saison de l’exposition de Marius Dansou sur les chefs d’Etat africains. Le mur longeant le couloir menant aux chambres laisse voir quatre autres toiles du même genre. 


Et, à l’intérieur de la pièce à laquelle donne accès une porte à gauche s’exprime tout un dispositif audiovisuel de dénonciation de la longévité délétère des présidents africains au pouvoir. La patience devient alors une qualité essentielle aux fins de toute lecture efficace : il s’agit de suivre la calcination progressive du crane jusqu’à ce qu’il devienne cendre. D’un autre côté, selon une autre image, un crane de glace fond goutte à goutte. Les deux processus sont l’expression de la vanité humaine essentielle qui devrait amener l’être humain de chef d’Etat africain à prendre conscience de ses limites physiques que le temps lui-même a prévues.


Par ailleurs, au plafond, du couloir au séjour, de petites photos d’identité sont collées, dans une présentation de la performance, ’’Identité’’. Elles sont celles, selon l’artiste, de ses relations depuis un certain nombre d’années.


Finalement, l’art accapare Marius Dansou, son corps, son esprit, son âme, son espace, son plafond, son habitat, ce que son atelier ouvert a permis de découvrir, un atelier qui se démultiplie dans un espace extérieur ouvert, dans son séjour, dans ses compartiments intérieurs, dans toute son intimité, d’où une générosité sans limites face à l’art : des traces de grands qu’il suit inexorablement.


Cet état d’esprit s’exprime différemment ailleurs selon un tout autre type de personnalité, toujours au quartier d’Akogbato, mais à sa sortie, à l’ouest de Cotonou, à Fidjrossè Kpota …


 

François Aziangué


Des sculptures effilées et scintillantes de femmes meublent ce nouvel univers d’atelier, qui appartient à ce soudeur à la base, qui se construit en un sculpteur sur fer, une pratique qu’il fonde sur la récupération de voitures abandonnées, des réservoirs de véhicules et de vieilles bassines, celles d’un certaine époque ! Contrairement à Eric Médéda dont l’espace de conception de l’atelier se définit peu, chez François Aziangué, il est nettement séparé d’un autre compartiment qui lui sert à exposer le résultat de sa pratique du feu, un show-room mais non ouvert sur l’extérieur. Oui, il peint avec le feu ! Ceci explique le scintillement de ses pièces dont l’éclat se répand sur plusieurs parties de chaque œuvre.

François Aziangué

François Aziangué s’est organisé de façon à rendre excitante chacune des deux parties de son espace de travail. A part le petit bar sympathique qu’il a aménagé dans sa mini-galerie afin d’accueillir et d’honorer ses visiteurs, il détient, à l’atelier, un matériel qui défie toute efficacité dans le modèlement des objets devant entrer dans la fabrication de ses sculptures : un moule multi-service et même multi-forme !  


De la force qu’il constitue pour la salubrité de l’environnement qu’il débarrasse de sa ferraille de véhicules hors de service, François Aziangué se révèle d’une simplicité, d’une humilité, d’une lisibilité, d’une efficacité technique, à l’image de son atelier qui prend les marques de sa personnalité. Une vraie chaleur de travail et d’humanité y invite à la visite.

Marcel Kpogodo Gangbè  

vendredi 3 août 2018

Les indépendances en Afrique, un vrai chemin de croix de Jésus-Christ


Dans le cadre d’une impressionnante performance de l’artiste Eric Médéda

Le mercredi 1er août 2018, le tronçon Carrefour du Calvaire de Fidjrossè-Espace culturel ’’Le parking’’, à Cotonou, a été secoué par une performance atypique intitulée ’’Mots de l’esclave’’ et liée à la commémoration du cinquante-huitième anniversaire des indépendances africaines. L’artiste peintre Eric Médéda, appuyé par le performeur stylé Prince Toffa, a laissé voir une mise en scène assez remuante.

La férocité des indépendances octroyées à l'Afrique par l'Occident
Un homme, jeune, rudement enchaîné, le corps luisant d’une sueur collante, d’une vigueur certaine, remarquable par une abondante barbe dont la noirceur forte s’harmonise avec celle de sa peau cuisant sous le soleil en déclin, et avec celle du slip, son seul vêtement, étroitement à la peau collée, est violemment tiré d’un bout de la chaîne par un autre personnage, plus élancé, complètement et élégamment vêtu, qui, à chaque coup dont il arrachait des pas au premier, s’écriait furieusement, « C’est ça l’indépendance ! », cueillant, périodiquement, à une chaîne de bonbon local communément appelé ’’Toffi’’, l’amuse-gueule pour s’en délecter de manière visible. La performance-spectacle dénommée ’’Mots de l’esclave’’, donnant froid dans le dos, qui a mis en émoi, pendant, plusieurs minutes, le tronçon Carrefour du Calvaire de Fidjrossè-Espace culturel ’’Le parking’’, à Cotonou, drainant un beau monde hétéroclite, vers la fin de l’après-midi du mercredi 1er août 2018, du fait du cinquante-huitième anniversaire des indépendances dont le Bénin ouvrait le bal de la célébration de celle des pays d’Afrique occidentale francophone, anciennement colonisés par la France.
« Haaa !!!! » était le cri que lançait douloureusement celui qu’on tirait et, qui, visiblement, était un esclave. Le point de départ de sa souffrance s’est révélé le carrefour de la Place du Calvaire du quartier de Fidjrossè de Cotonou où, maintenu immobile par la chaîne ayant été enroulée à son cou et dont l’un des bouts était attaché à un pieu métallique. Le personnage faisait dos au monument blanc surmonté de la sculpture de Jésus crucifié, isolé du public par une clôture.

Eric Médéda, les chaînes difficilement surmontables de l'Afrique
Visiblement, l’esclave, qui n’était personne d’autre que l’artiste peintre et performeur Eric Médéda, tentait de se défaire des chaînes qui entravaient son cou. En vain. Son expression faciale libérait une souffrance apparemment insupportable. Brusquement surgit un autre personnage à l’habillement assorti, dont les actes allaient l’imposer comme le bourreau du premier ; il jeta aux pieds de sa victime une pancarte blanche sur laquelle était écrit, en rouge : « Plus besoin de liberté ». A la vue du nouveau venu, l’agitation de l’esclave augmenta ; il s’accrochait aux chaînes qui lui servaient de collier comme pour s’en libérer. Dans ses va-et-vient, il tomba, dos au sol, face à son bourreau qui en profita pour manifester sa domination en lui posant lourdement chaussé sur la poitrine et martela : « Plus besoin de liberté ! », ce que l’esclave répétait chaque fois que l’autre scandait la phrase du déni de liberté. 
Ainsi, le maltraité donnait l’impression de se comporter de cette manière dans le but de voir ses souffrances s’amoindrir, ce qui ne se réalisait pas. 

Le périple douloureux de l'esclave, l'Afrique, vers une destination de jouissance par et pour l'Oocident
Le contremaître, alors, contraignit sa victime à se mettre sur ses pieds, d’où le début de son golgotha, lui qu’il tirait par la chaîne, comme un chien en laisse, le provoquant par des mots cruels : « C’est ça, l’indépendance ! ». Comme si la souffrance était le prix de la situation d’autonomie tant convoitée. L’esclave était si secoué qu’à l’’entrée de la place du Place du Calvaire d’où il sortait, il tomba, un peu comme Jésus-Christ. Et, l’artiste, performeur aussi, Prince Toffa, dans son rôle noir de l’impitoyable contremaître, arrachait régulièrement à celui-ci un douloureux et pathétique « Haaa ! ». 

''Le parking'', le Golgotha artistique, lieu de synthèse et non de crucifixion
De façon, il emmena son esclave, cahin-caha, dans une perturbation circonstancielle de la circulation, chemin, dans un espace culturel qui, depuis plusieurs mois, au cœur du quartier de Fidjrossè, développe une émulation artistique : ’’Le parking’’. S’imposa alors un débriefing de la performance-spectacle.


Décryptage d’un film de calvaire


Les artistes Médéda et Toffa, à l'heure de l'analyse de la performance avec le public
En fond sonore, une séquence de flûte d’un morceau de John Arcadius. Et, Eric Médéda, assis, à ses aises, malgré une lassitude bien perceptible dans ses crache : « Si tu ne sais pas où tu vas, tu dois savoir d’où tu viens », introduit-il avant de questionner le public qui s’est spontanément suivi dans son parcours golgothique typiquement de Fidjrossè : « L’histoire de notre pays est-elle l’histoire de l’esclavage ou est-ce l’histoire connue ou celle que nous a racontée le colon ? ». Sans attendre  de réponse, il dénonce : « Dans nos administrations, nous sommes un bon nombre de Noirs bien payés qui empêchent un bon nombre de Noirs d’évoluer dans leurs activités ; l’hôpital de référence n’en est plus un, tu y vas pour souffrir, de même que dans la maison ’’Justice’’, à cause de l’argent ». Puis, partiellement, il conclut : « Nous avons 58  ans d’indépendance, mais ce ne sont pas  58 ans de liberté ; nous n’avons plus besoin d’indépendance, nous avons plus besoin de liberté ». En outre, il livre une sorte de verdict : « Que l’esclave, dans sa chaîne, se batte pour le bien-être de son pays ! ».


1 appelle toujours 2

Le 1er août 2018, l’artiste béninois Eric Médéda, plus connu comme peintre, a effectué une performance déambulatoire aux contours d’un pathétisme aigu, étant donné le réalisme avec lequel, devenu, pour la circonstance, un bon acteur, il a incarné le rôle de l’esclave. Et, de son côté, l’autre artiste, Prince Toffa, en prenant au sérieux sa posture de contremaître cynique, a donné au parcours d’Eric Médéda une allure de la marche du Christ vers le Golgotha, le lieu de sa crucifixion. Contrairement au fils de Dieu, le jeune performeur a abouti à un discours amenant la population à réfléchir sur le sens et sur la portée des indépendances africaines : « La situation d’esclavage profite à tout le monde pour effectuer tous les types de dépenses, alors nous dépendons tous de l’esclavage ; l’Occident est esclave de l’Afrique et l’Afrique est esclave de l’Occident : […] l’escroquerie aussi a pour base l’esclavage ».
Devant un propos aussi politique, Eric Médéda donne l’impression de ne pas se cantonner à des performances de moindre impact, lui qui, en matière de démonstration publique, n’en est pas à sa première expérience, s’étant illustré, aussi, couvert de chaînes, dans une performance esclavagiste qui avait fait sensation, dans la soirée du samedi 3 octobre 2015, lors de la troisième édition de la ’’Nuit blanche’’, initiée par l’Institut français de Cotonou, avec une déambulation intitulée ’’A qui la liberté ?’’, ce qui lui avait permis de dénoncer l’oppression de la liberté par les lois, la famille, le mariage et la religion.
De son côté, Prince Toffa a apporté une contribution essentielle à l’expressivité de la performance, jouant le rôle de l’esclavagiste à qui le rudoiement, la maltraitance de sa victime ne faisaient pas froid aux yeux, incarnant, sûrement, l’Occident, l’ancienne puissance colonisatrice, selon le pays africain concerné, une entité politique qui, tout en chargeant de souffrances celui-ci, ne s’embarrasse pas de jouir de ses richesses de tous ordres, d’où la scène du ’’toffi’’, mis en chaîne, mélangé aux chaînes de l’esclave, et qu’il détachait allègrement comme si celui qu’il faisait souffrir n’était pas un être humain. D’ailleurs, il poussait le cynisme jusqu’à inviter le public à venir cueillir, comme lui, le ’’toffi’’, au cou de l’esclave. En outre, apparemment, c'est volontairement qu'Eric Médéda n'est pas recouru à un homme de peau blanche pour incarner le rôle du dominateur, surtout que, depuis que les indépendances sont intervenues, l'Occident passe par le Noir pour garantir ses intérêts en Afrique, pour appauvrir, chaque jour, davantage, ce continent.
Avec ce courage de création et de jeu, Eric Médéda semble vouloir marcher dans les pas de déambulateurs artistiques béninois de poids et d’influence, tels que Meschac Gaba, Dominique Zinkpè et, notamment, le metteur en scène Alougbine Dine. La verve, qu’il développe actuellement, davantage structurée et aboutie, l’y aidera et le déploiera plus loin et plus haut.

Marcel Kpogodo                

vendredi 24 novembre 2017

Montrer aux Béninois la place incontournable des arts plastiques dans le développement, l’engagement de Mazoclet Toninfo, Président de la Raplam

Dans le cadre de ses activités professionnelles


Peu de Béninois comprennent l’intérêt que cela recèle d’exercer dans les arts plastiques. Cet état d’esprit est si répandu que les professionnels de ce secteur peinent à promouvoir et à rentabiliser leurs productions au Bénin. Mais, propulsé par le sens des défis, propre à la jeunesse, Mazoclet Toninfo n’entend pas laisser les choses dans un état aussi lamentable et catastrophique. Ne croyant qu’en l’action, il s’est très vite donné d’une véritable arme pour enfourcher le cheval de la sensibilisation du public, par des actions bien ciblées, au rôle cardinal que peuvent jouer les arts plastiques dans l’atteinte par le Bénin du développement ; il s’agit de la Raplam qui, bien née très récemment, porte à son actif des initiatives inouïes dont certaines restent en cours.

Mazoclet Toninfo, le regard visionnaire de la foi en l'explosion des arts plastiques au Bénin
« Envoyer le regard du dernier des Béninois sur la culture, sur les arts plastiques ». Le défi qui crée la détermination, enrichit la persévérance et développe le labeur de cette jeune âme de vingt-six ans, qui n’est personne d’autre qu’Olusegun Mazoclet Toninfo. Des qualités qui ont contribué à lui forger une énergie personnelle sur laquelle il s’est fondé pour mettre sur les fonts baptismaux, en 2014, la Rencontre des artistes plasticiens du monde (Raplam). Un instrument qu’il fait valoir aux fins de donner corps à sa vision, très précoce pour son âge, mais profondément visionnaire, vu que les analystes des conditions du développement futur du Bénin indexent comme le porte-flambeau de cette situation de réussite ; il veut faire rayonner les arts plastiques dans son pays, notamment.
Très tôt, ce titulaire d’une Licence en Transports et logistique s’est frayé un chemin dans les environs immédiats de tout ce qui pouvait le mettre en relations fructueuses avec son domaine de prédilection, de passion : les arts plastiques. Première figure importante, à cet effet, le plasticien français, Joël Pascal, que les hasards de quartier lui donnent de rencontrer, d’aider et de côtoyer plus fortement. A partir de lui, deux autres jeunes personnalités des arts plastiques béninois le remarquent : Marius Dansou et Benjamin Déguénon, initiateurs du ’’Parking bar’’, au quartier de Fidjrossè, à Cotonou, ces deux aînés avec qui il fait beaucoup de choses depuis et désormais. En outre, les circonstances favorables continuant à sourire au fortuné Mazoclet, le jeune photographe bien connu dans les médias culturels, Emmanuel Tométin, lui ouvrent les bras pour une intense et très fructueuse collaboration à travers sa galerie en ligne : « Il m’a donné le privilège de faire la promotion des artistes en me confiant la galerie ’’Déka Germaine’’ », révèle Mazoclet, les yeux pétillants des faits de ce bon souvenir. Et, ainsi, des artistes photographe, peintres, plasticiens, sculpteurs se succèdent, forcent sa mentalité à se fourbir de la science des expositions, …

Le logo de la Raplam
Ainsi, il se dote, d’une manière urgemment pratique du cahier de charges qu’il impulse à la Raplam : entre autres, identifier des espaces d’exposition d’œuvres d’art, sensibiliser, conscientiser la population béninoise sur la valeur de la culture, créer, au Bénin, un marché des œuvres d’art, organiser des expositions virtuelles et visuelles, tenir des ateliers de formation pour les artistes, des résidences de création, promouvoir les arts plastiques, faciliter les échanges entre les plasticiens du monde.


Une sérénité hors du commun

Pendant que nous discutons en toute quiétude, il est difficile de se douter que Mazoclet Toninfo est sur la braise. De temps à autre, des coups de téléphone, qu’il reçoit, interrompent notre conversation, pour des instructions qu’il donne, des orientations qu’il apporte. Cette maîtrise de soi, cette démonstration de sang-froid deviennent impressionnantes lorsqu’il se révèle que le jeune homme est, en fait, la cheville de mise en place de deux événements, dans la même semaine, à quelques petits jours d’écart : le Festival ’’Zâ’’, prévu pour se dérouler du 22 au 26 novembre, et l’exposition, par les soins de la Raplam, des œuvres du plasticien français Joël Pascal, à la Galerie ’’Guèlèdè’’, à Jéricho, dès la soirée du vendredi 24 novembre où en est prévu le vernissage.
Une prouesse, peut-on dire, pour un jeune de son âge, dans la gestion et la maîtrise de son temps. Se rendre à chacune de ses manifestations permettrait de se rendre compte s’il détient un savoir-faire en logistique, et s’il s’est approprié l’art d’organiser une exposition. Public, à toi de  juger …

Marcel Kpogodo

mercredi 7 octobre 2015

Des installations décalées à l’Institut français de Cotonou

Dans le cadre de la 3ème édition de la ’’Nuit blanche’’


Tous les compartiments de l’Institut français de Cotonou grouillaient d’un monde réellement abondant, dans la soirée du samedi 3 octobre 2015. La ’’Nuit blanche’’, dans son effervescence, a permis d’assister à de nombreuses performances d’artistes plasticiens, certaines d’entre elles s’étant révélé plus que frappantes.
Youchaou Kiffouly, dans sa performance osée
Youchaou Kiffouly baignant dans un lit puant d’ordures, Rémy Samuz porté par une petite équipe, tous le visage grillagé, prestant, Sika, armée d’une longue canne, déambulant, imposante, Eric Médéda, alias Doudou, le corps tout en chaînes, posant, le visage apitoyé, sur le sort du monde, Sébastien Boko, sculptant sur bois, en direct, sans oublier beaucoup d’autres performances en sons et en dessins avec, en prime, à l’animation, l’inusable Sergent Markus et, surtout, Anicet Adanzounon ! Des présentations qui ont réussi à provoquer des sensations fortes, au niveau du public ayant fait le grand déplacement et n’oubliant pas de se nourrir et de se désaltérer intensément. Le menu de la ’’Nuit blanche’’, qui s’est déroulée à l’Institut français de Cotonou, de 20 h à des moments plus que tardifs de la nuit, le samedi 3 octobre 2015. 

Anicet Adanzounon, homme de théâtre, à la programmation musicale de la ''Nuit blanche''
En dehors de ces installations se profilaient d’autres, silencieuses, à l’instar de ’’Rendez-vous climat’’, ayant entièrement occupé l’Espace Joseph Kpobly, animée par une dizaine d’artistes : Hector Sonon, Charles, Moufouli Bello, Totché, Sitou, Psycoffi, Prince Toffa et, notamment, Sébastien Boko dont l’installation monopolisait le regard.
D’abord, l’artiste plasticien, Youchaou Kiffouly, vivant et travaillant à Porto-Novo, a frappé par son incursion dans un réalisme hyperbolique, noyé qu’il était dans un tas d’ordures et poussant le comble jusqu’à lécher, avec une apparente satisfaction, le contenu de ce qui était supposé être le contenu rougeâtre d’une couche de femme en menstruations. Très élégamment habillé d’un costume et d’une cravate, il s’enroulait le corps de ce qu’il appelait ’’le drapeau du monde’’. Et, le personnage qu’il jouait se dénommait ’’l’élu rêveur’’, qu’il a décrit comme un homme politique prêt à toutes les bassesses pour conquérir l’électorat, d’où le léchage de l’intérieur de cette couche. « Après son élection, il n’y a plus rien … », conclut le performeur, critiquant l’abandon de l’environnement à lui-même, alors qu’il avait focalisé les débats, avant des consultations électorales. Selon lui, sa démarche est un appel au recyclage des ordures, relatant l’exemple de l’Allemagne où chaque type d’ordure a sa poubelle ; il considère, alors, l’ordure comme de ’’l’or dur’’ dont l’homme, s’il s’organisait bien, pourrait tirer largement des bénéfices de tous ordres. « Je vais me laver rapidement », souffle-t-il, lui-même, à part lui, exaspéré et excédé par la saleté ambiante dans laquelle il a dû se vautrer, pour réussir son jeu.

Rémy Samuz et consorts
Avec Rémy Samuz et son équipe, visiblement mis en scène par l’artiste plasticien, Marius Dansou, il fallait assister à ’’Contradictions’’. « Les gens s’en foutent complètement des changements climatiques parce que leur production leur apporte de gros moyens, les enrichissent, ils sont aveuglés par leurs désirs … », lance violemment Rémy, quelques minutes après s’être débarrassé du masque de grillage qui fermait le visage des membres de son équipe et de lui, lui qu’on portait sur une planche et avec qui le groupe opérait des arrêts bien calculés, impressionnant le public par cet accoutrement facial peu ordinaire et suggestif.
Sika
En outre, dans ’’Moi’’, Sika, artiste multidimensionnelle, a aussi ému par la prestance d’une démarche qu’elle a menée, venue de nulle part, une sorte de long sceptre enfermé dans son poing gauche ou droit, selon les besoins de l'équilibre, le visage altier, des yeux brillants et un sourire vivant, semblant défier l’adversité. L’absurdité du jeu : cette allure de reine s’effritait, au fur et à mesure qu’elle avançait, de la cafétéria de l’Institut français, vers son couloir gauche faisant l’allée de bureaux. En effet, elle tombait et se relevait fièrement, se plongeait dans une boue rouge, opportunément étalée … Le corps recouvert d’un tissu rouge scintillant laissant néanmoins percevoir des jambes sexy dont la curiosité vers les parties intimes s’écourtait par une culotte noire, Sika continuait à rire et à défier, affrontait les railleries de deux personnages doutant de sa capacité à surmonter des obstacles qui donnaient l’impression d’être ceux de la vie courante. Cette modestie dans le vêtement exprimait, selon son analyse, un appel au naturel, au rejet de l'artificiel. A la fin du parcours initiatique de la souffrance et de la victoire sur elle, le public pouvait l’approcher et lui peindre ce qu’il voulait sur le corps, l’occasion d’attouchements défoulants du désir suscité par la beauté d’un corps ferme. Beaucoup de courageux se sont alors fait plaisir. « ’’Moi’’ est une exhortation à vivre notre vraie personnalité, à oser vivre sa nature, à oser être soi-même, au-delà de toutes les critiques », définit Sika. « Cette performance exprime qui je suis, et montre qu’il est possible de vivre sa nature », continue-t-elle. Et, ce ’’qui je suis’’ dépend de ce que chaque membre du public a pu lire d’elle à partir du spectacle qu’elle a livré, si généreusement. Par ailleurs, la phase où tous devaient barioler son corps a trouvé sa justification : « Quand vous êtes vous-mêmes, Vous aurez toujours besoin des autres, ils laisseront leurs empreintes dans votre vie … », débute-t-elle, avant de s’arrêter définitivement, cette fois-ci, vêtue d’une élégante et moulante robe blanche : « Tout dépend de ce que vous en faites, vous … »
Eric Médéda, alias Doudou
De plus, chez Doudou, toute une question déblaie le thème de sa performance : « A qui la liberté ? ». Elle lui sert de tremplin pour fustiger le trop plein de lois et d’institutions comme la famille, le mariage et la religion, qui privent l’être humain de sa liberté originelle. Prouvant cela, c’est enchaîné dans l’essentiel de son corps qu’il a déchaîné la curiosité de la foule qui le suivait, pas pour pas. Eric Médéda, très touché par ce qu’il stigmatisait, portait un visage d’un pathétisme un peu trop tiré par les cheveux, mais qui a réussi à rendre compte de la désolation de son esprit.
Sébastien Boko, à l'oeuvre ...
Se rapportant particulièrement à lui, comme s’il avait décidé de révéler le secret de la fabrication de ses sculptures alimentant la performance silencieuse de l’Espace Kpobly, Sébastien Boko, à l’entame de la ’’Nuit blanche’’, s’est lancé dans un travail musculaire sans pareil, durant toute la soirée. Armé d’une pioche, il taillait ardemment dans un tronc d’arbre long et intact et, plus de deux heures d’acharnement après, une forme humaine debout, à la tête surmontée d’une crête, démontrait que la vigueur du sculpteur aux nombreux galons de consécrations, avait été payante. Plus tard, ayant complètement repris ses esprit et, déambulant vers l’Espace Kpobly, il n’avait qu’une plainte, faiblement exprimée, du bout des lèvres : il se sentait faible. Donc, cette vigueur était bien celle d’un homme …

Marcel Kpogodo