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mardi 5 avril 2016

’’Madame la Présidente’’ de L. O. Delombaut, entre talent et amateurisme dramaturgiques

Pour une édition à expertise problématique


Avril 2016, la période d’édition du recueil de 2 pièces de théâtre, intitulé, ’’Madame la Présidente’’, sous-titré, « Mango a bè awè ». Sous la plume du jeune Centrafricain, Landry Ouoko Delombaut, ce livre campe une situation politique de l’Afrique d’aujourd’hui, mais dans une légèreté formelle qui étonne, avec le cachet d’une maison d’édition française : ’’Edilivre’’.


D’une part, Ham’salam, le jeune ministre du gouvernement d’un pays dirigé par une femme est en passe de se suicider par pendaison, après avoir constaté l’assassinat de son juge de père. Mais, c’est une grenade lancée par la fenêtre, dans la pièce où il se trouve, qui finit par lui ôter la vie. D’autre part, Malik, un jeune homme, désormais sans domicile, à cause de la guerre civile, se rend à la présidence de la république, où la lettre de démission du chef de l’Etat lui tombe entre les mains. Grâce à cet indécrottable piéton, elle arrive au chef des rebelles, qui décide de mettre fin à la guerre civile. L’histoire que raconte chacune des deux pièces, ’’Madame la Présidente’’ et ’’SDF sportif’’, contenue dans le recueil, justement intitulé, ’’Madame la Présidente’’.
En un livre, elles sont le regard du dramaturge en herbe, Landry Ouoko Delombaut, de nationalité centrafricaine mais vivant et travaillant au Bénin, sur les dérives et les maux de la politique africaine, avec ses marques indélébiles, entre autres, d’assassinat politique, de corruption, d’enrichissement illicite des dirigeants, de cynisme de ceux-ci, de guerre civile, de rébellion cyclique, d’intervention de la religion dans la politique, d’instrumentalisation de la seconde par la première, et vice-versa.
La force du premier texte, ’’Madame la Présidente’’ : la capacité de l’auteur à produire une ironie rentable par l’évocation d’ « une voix », comme second personnage de la pièce, alors que la succession des répliques avec le suicidaire, Ham’salam, montre plusieurs interlocuteurs dont la femme-chef d’Etat. De plus, ce prénom musulman incarne tout un symbole, celui de la guerre civile centrafricaine à relent de persécution des mahométans de ce pays. Par ailleurs, le contexte temporel de cette pièce ne fait aucun doute. Avec  « Bring back our girls », « Je suis Charlie », dans la didascalie d’ouverture de la 1ère pièce et, notamment, le thème d’une femme présidente de la république dans un pays d’Afrique sortant de la guerre civile, rien de plus pour orienter le lecteur de ’’Madame la Présidente’’, vers l’Afrique d’aujourd’hui, celle de l’amorce de la 2ème décennie des années 2000, telle qu’elle tourne à la catastrophe, vers la Centrafrique où, Catherine Samba-Panza, a passé le témoin présidentiel, le 31 mars dernier, à un homme du nom de Faustin-Archange Touadéra, vers le monde, confronté au terrorisme dont l’imagination de ses acteurs, dans les stratégies de perturbation sociale et de mort, n’égale en rien une certaine inventivité meurtrière perpétuellement renouvelée.
Avec ’’SDF sportif’’, Landry Ouoko Delombaut touche du doigt la dérision, la fragilité, la légèreté, la vacuité, la déliquescence du pouvoir présidentiel lorsqu’il s’inscrit dans un contexte de dictature, avec ce chef d’Etat qui, lassé de la rébellion, quitte son palais pour l’exil, à l’instar d’un Samuel Doe qui, étouffé par la pression claustralisante de Charles Taylor, a juste voulu sortir pour respirer l’air du dehors, seulement que lui, rejetant toute idée d’exil, s’est vu capturer et physiquement martyriser par les hommes de Prince Johnson. Dans ’’SDF sportif’’, le président quitte le pays après avoir rédigé une lettre de démission, qui ne réjouit pas tout le monde : le pasteur espérant être ’’dauphiné’’, ni Claire, l’institutrice ayant entrevu comme une source d’évolution sociale, l’homme de religion promu aux plus hautes charges.
Landry Ouoko Delombaut
A travers les 2 pièces, Landry Ouoko Delombaut développe le mérite d’un engagement à témoigner d’un temps qu’il a connu, celui dans lequel il vit et par rapport auquel la postérité identifiera les mœurs politiques de ce qu’elle appellera une certaine époque. En outre, le dramaturge en devenir marque par, deux textes, d’un coup, un ancrage dans l’écriture théâtral, ce qu’il faudra qu’il solidifie. Et, il fait dans la sécheresse des dialogues, pour une intrigue facilement comestible même si, l’art aidant, sa capacité à donner de l’épaisseur à celle-ci ira de pair avec sa maturité en constitution. Dans ’’SDF sportif, particulièrement, les onze personnages donnaient l’impression d’un étouffement qui n’a pas eu lieu, par la magie de cette sécheresse pragmatique du ton des personnages. Une vraie qualité.
Cependant, un nombre incalculable de pages, d’une pièce à l’autre, porte des coquilles laissant à désirer sur le professionnalisme de la maison d’édition ayant supporté la parution du recueil : ’’Edilivre’’. Pour ce qui est de la version pdf du livre, qui a pu nous être rendue disponible par l’auteur, il faut assister à un fourmillement de fautes de tous genres, celles liées à la ponctuation des deux livres s’arrogeant la palme d’or de présence. A titre indicatif, ’’Madame la Présidente’’ porte, en sa page 11, la 2ème réplique de la ’’voix’’ crée un scandale de conjugaison : « […] ne finit pas […] », au lieu de « […] ne finis pas […] », le verbe étant à l’impératif présent. Et, c’est ainsi parti pour une avalanche de coquilles de tous genres : « […] Tu la coules douce à l’étranger », pour : « Tu te la coules douce … » (Page 12, 2ème réplique d’Ham’salam, 2ème phrase), sans oublier les pages 13, 14, 15, 16, 20, 24, 25, 27 portant des fautes incompréhensibles. Aussi grave, à la Page 17 : « Après quelques années de rébellion, des rebelles pauvres et très endettés débarquent, dépouillent le peuple de ses biens, les renvoyant à leur tour à la rébellion », pour : « Après quelques années de rébellion, des rebelles pauvres et très endettés débarquent, dépouillent le peuple de ses biens, le renvoyant à son tour à la rébellion ». Ce registre est aussi lisible aux pages 18 et 19.
Quant au second livre, ’’SDF sportif’’, le prologue, dans ses lignes 2, 3, 6, 7 et 11, regorgent d’incorrections visibles aussi aux pages 39, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 51, 60 et 62, comme s’il n’avait pas fait l’objet d’une relecture pertinente.
Finalement, les coquilles font perdre aux 2 livres leur qualité, leur force de suggestion puisque, régulièrement, le lecteur doit voir sa progression arrêtée par des sursauts de manifestation d’horreur, face à des fautes impossibles, dans un livre édité en France ! Du vrai pain à traiter pour ’’Edilivre’’.


Marcel Kpogodo