Affichage des articles dont le libellé est Amour Yémandjro. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Amour Yémandjro. Afficher tous les articles

lundi 30 mars 2015

Mahoussi Ahodoto, un jeune artiste atypique dans la résidence de Charly d’Almeida

Découverte d’un esprit qui s’est imposé son destin


Pierre Mahoussi Ahodoto est l’un des neuf artistes de la génération montante des arts plastiques béninois, qui entre en résidence de création, ''Cénacle expérimental'' de Charly d'Almeida, dès le 1er avril 2015, à Togbin. Aperçu sur une jeune poigne qui n’a pas voulu se laisser faire par la vie.

Mahoussi Ahodoto, le sourire de la victoire sur les adversités de la vie ...
28 ans bientôt, taille modeste et, tout en courts dreadlocks, le voilà une jeune poigne dont l’atypisme réside dans sa capacité à échapper, de manière décisive, à une mauvaise vie, défavorisé qu’il s’est révélé être, par la nature : orphelin de père, à trois ans, laissé à la pauvreté et à sa mère démunie, en même temps que ses quatre autres frères restés vivants et son unique sœur, contraint à un abandon de l’école, au Cours moyen 1ère année (Cm1), à cause d’une absence impitoyable de moyens financiers pour lui assurer ses études.
La seule issue qui s’impose alors, le ferraillage, héritage professionnel du père dans lequel s’engagent aussi ses autres frères. Il accompagnait l’aîné d’ente eux sur les chantiers de prestation de services ; Glazoué, Bohicon, Porto-Novo, Abomey sont donc des villes qu’il a l’occasion de connaître. Mais, ces opportunités d’exercer techniquement, déjà, tout jeune, ne l’empêchent pas de devenir un enfant de la rue ; à 14 ans, il se voue à assumer la rupture avec sa famille et, il réussit à ne pas atterrir là où l’on devrait l’attendre : dans l’univers de la délinquance, dans les dédales de l’alcoolisme, dans les broussailles de l’éclatement de soi au joint, … Rien n’y fit ; il leur échappe majestueusement, fabriquant, de ses mains, des maisons et d’autres objets en miniature, pour les vendre sur la plage, de quoi assurer ses jours de vie, ses jours de solitaire révolté.
Ce qu’il fabriquait en s’amusant s’est révélé d’un sérieux exploitable et, en 2008, le voilà résolument parachuté dans l’univers réellement artistique par sa participation au Festival ’’Prom’art jeunes’’, de Mozart Fandohan, en 2008 ; il avait réalisé des tableaux, ce qui l’a amené à être sélectionné, à participer à un atelier de formation, à finir, enrichi et armé d’une salvatrice attestation. Il commence alors à peindre. « Je ne me suis pas intéressé à l’art, parce que c’était en moi », confie-t-il, mais d’autres déboires n’avaient pas manqué de tenter en lui le découragement : le peu d’intérêt extérieur pour son travail, la mévente, notamment. Ceci le conduit à se délester de sa vocation, pour y revenir plus que jamais, puisque, « chasser le naturel, il revient au galop ». Accroché à l’art, arc-bouté plus que jamais, le voilà alignant les participations aux événements de son univers professionnel : Bénin golden awards (Bga), ’’Arts 7/7’’, ’’Rayons d’Afric’’, sans compter qu’entre temps, il est passé par un atelier de formation en peinture chinoise. En outre, du lointain de ses souvenirs, d’autres noms, significatifs de la réalisation de l’artiste qu’il se bat pour devenir, lui viennent à l’esprit, pourvus d’un certain sens de reconnaissance : Gratien Adowanou, alias Adogra, Amour Yémandjro, …
Se considérant comme un artiste autodidacte, il se voit aujourd’hui outillé pour se créer un autre monde, « mon monde personnel à moi », commente-t-il. C’est ainsi qu’il se lance dans la récupération qui assainit l’environnement, se saisissant du plastique, des sachets de la même matière et des bidons. But ultime : réaliser des œuvres d’art sous forme de masques, de sculptures sur socle, d’armes ! Oui, il fabrique des armes et, cela n’a rien d’un hasard. Ce n’est pas pour encourager à la guerre, mais pour la dénoncer en Afrique, de même que les Occidentaux qu’il considère comme en étant à l’origine pour s’accaparer les richesses de la ’’Maman Africa’’. Mais, une situation qui, selon lui, est prémonitoire de ce que ce continent flirte en permanence avec le crépitement des armes : la carte retournée est bel et bien un pistolet ! Donc, à en croire sa réflexion, la guerre est écrite sur l’Afrique, mais « on peut l’éviter », conclut-il, d’un sourire optimiste. Restituant cet élan de coïncidence, les socles qu’il fabriquera, à l’atelier du 1er avril prochain, à Togbin, avec Charly d'Almeida, comme observateur critique de ses productions, auront la forme d’une arme ; « je ne peindrai pas de tableaux », continue-t-il de confier, « il n’y aura rien que de la création en sculpture ».  


Marcel Kpogodo