samedi 9 septembre 2017

« [Le Bim], c’est d’attirer le monde entier vers le Bénin, vers les musiques du Bénin », dixit Aristide Agondanou

Dans une interview accordée à notre Rédaction

Depuis le 5 septembre 2017, la quatrième session du ’’Bénin international musical’’, une instance hautement technique de préparation de l’explosion de la musique béninoise à l’Extérieur, se tient d’une manière très artistiquement active, à l’Institut français de Cotonou, ce dont Aristide Agondanou, large et confiant sourire aux lèvres, ancien membre des ’’Gangbé brass band’’ et Directeur artistique du Projet, nous entretient des tenants et des aboutissants, lui qui n’a pu s’empêcher de dénoncer un comportement désormais très ordinaire, le désintérêt du Ministère de tutelle, face à ce genre d’initiative.

Aristide Agondanou
Le Mutateur : Bonjour Aristide Agondanou. Vous êtes l’un des directeurs artistiques du ’’Bénin international musical’’ (Bim) qui, actuellement, tient sa quatrième session, à l’auditorium de l’Institut français de Cotonou. En quoi consiste cette quatrième session du Bim ?

Aristide Agondanou : La quatrième session du Bim consiste à la formation et au travail sur la musique béninoise. A cet effet, on a transformé l’Auditorium en studio, où l’on fait travailler des musiciens, afin de produire une musique du Bénin, pas comme les autres, une musique dans laquelle le Béninois se sent, et dans laquelle l’Occident aussi se retrouvera. On ne veut pas faire une musique purement béninoise, rien que pour le Bénin. Mais, l’idée, c’est d’attirer le monde entier vers le Bénin, vers les musiques du Bénin, surtout que nos musiques sont hyper complexes, de même que nos rythmes, dont même les Africains ont peu de s’approcher. Quand on ne vous visite pas, c’est comme si vous n’existez pas.
Certes, il y a vingt ans que j’exporte, avec ma structure, ’’Awo négoce’’, la musique vers l’Occident, vers l’Europe, vers les Etats-Unis, le Canada, notamment, mais c’est comme si l’on jetait quelques gouttes d’eau dans la me. Et, il faut voir comment cela évolue : le Bénin n’est pas connu, à part dans quelques coins. On dit que l’art ouvre toutes les portes et, l’avantage, c’est que les musiques du Bénin peuvent se fusionner avec d’autres musiques, dans le monde entier. Sous cet angle, avec mes collègues, on a décidé de faire quelque chose de nouveau, pou que les gens s’intéressent à notre musique, comme ce qui se passe au Mali, depuis les années 1990. Voilà la première partie de la quatrième session du Bim. Depuis le 5 septembre jusqu’à ce 8, nous avons fait trois morceaux, enregistrés, mais qui ne sont pas encore finis, vu qu’il y a des instruments que nous devons ajouter.
Quant à la seconde étape, il y a eu la formation des ingénieurs de son. On ne peut pas faire le Bim sans ceux-ci, sans les journalistes culturels, sans les managers, sans les musiciens ; il y a plusieurs cordes qui tournent autour de la musique. Pour que celle-ci émerge, il y a du travail.
Donc, il y a un monsieur, très connu en Europe, que je connais depuis 1997, au Mali, qui a l’expérience de l’Afrique et qui a beaucoup fait dans la musique malienne, du nom de Jean-Paul Romann ; il accompagne beaucoup de musiques, de musiciens européens, surtout français. Dans les tournées, il fait le son, il est très expérimenté, c’est un monsieur qui est en train de boucler ses soixante-huit ans d’âge. C’est lui qui a réalisé le premier album du Groupe ’’Gangbé bass band’’ ; c’était au Mali, dans l’auditorium du Centre culturel français de l’époque. Il forme aussi, il a l’art d’enseigner. Donc, il forme des techniciens, il assume aussi la direction artistique du Bim ; c’est une personne-ressource dont le Bénin a besoin.
En connivence avec l’Institut français du Bénin, on a pu le déplacer. Et, l’idée, c’est, après cette formation, de choisir des techniciens de son, de les former comme des formateurs qui pourront, à la longue, travailler avec des jeunes qui aspirent à travailler le son live, parce qu’il faut cela ; c’est un véritable problème que nous avons au Bénin : le son live, le son spectacle. Donc, voilà, globalement, la quatrième session du Bim. La cinquième se déroulera en octobre prochain.


Qu’en est-il des première, deuxième et troisième sessions du Bim ?

En avril 2016, c’était le début du Bim, où l’on a fait l’état des lieux, ce qui a permis de rencontrer des artistes, des promoteurs, d’échanger avec eux, de rencontrer des musiciens, d’échanger aussi avec eux, de savoir ce dont ils ont besoin, ce qui leur manque, de voir comment on peut travailler pour amener les musiques béninoises sur le plan international. On est allés à l’Ecole secondaire des métiers d’art du Village Sos d’Abomey-Calavi, une pépinière, l’avenir de demain, dans la musique. Donc, on a vu les difficultés qu’ils ont, on a échangé avec les apprenants, avec les enseignants, les dirigeants, sur leurs difficultés, leurs besoins, sur comment on peut travailler ensemble.
Ensuite, on est allés sur le marché des percussions, pour voir ce qui existe en la matière, et comment en faire la promotion. Et, on a fait  un genre de casting, pour sélectionner des musiciens qui vont porter le Bim. Cela s’est passé en avril 2016, du 16 au 22.
La deuxième session, on l’a faite, en janvier 2017, du 17 au 21, où l’on a enregistré des musiques rituelles dans des villages ; on est allé à Zinvié, à Yèviè, un village qui est à côté du précédent. On est allés y rencontrer des vieilles dames du village qui ont des groupes folkloriques, qui chantent, qui travaillent de la musique. Et, on a continué le casting au niveau des chanteurs et des chanteuses, puis du côté des instrumentistes. Pour la télévision, on a filmé, parce qu’il faut réaliser aussi des documentaires. On se déplace toujours avec deux équipes : l’une du son et, l’autre, de la captation vidéo.  
Avec la troisième session, qui s’est déroulée du 10 au 16 mai 2017, c’est là où le travail a commencé, parce qu’on avait déjà défini l’équipe avec laquelle on devait travailler ; on a continué les enregistrements en deux volets : l’enregistrement des musiques, dans leur composition et dans leur arrangement, puis la formation des journalistes culturels, qui s’était effectuée à l’auditorium de l’Institut français de Cotonou. Cette formation était ciblée sur comment écrire un article sur un concert ou sur une sortie d’album. Cela a été piloté par deux patrons de ’’Radio France’’ : Hervé Riesen, journaliste et Directeur adjoint des Programmes et des antennes de cette institution qui, à elle seule, a sept branches. Le deuxième formateur était Olivier Zegna Rata, le Directeur chargé des Affaires internationales et institutionnelles de ’’Radio France’’. Et, c’est en mai 2017 qu’on nous a informés que le Bénin était retenu, grâce au Bim, dans le Programme intitulé ’’Radio France et l’Afrique’’. C’est un programme où ’’Radio France’’, avec le consentement du Gouvernement français, accompagnera tois pays, pendant deux ans, su le plan artistique et culturel ; il s’agira de couvrir les grands événements culturels internationaux, dans chacun de ces pays élus.
Donc, le Bénin a été retenu, devant plusieurs pays francophones tels que le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, parce qu’eux tous ont postulé. Notre pays a été choisi, surtout avec le Projet Bim, parce qu’il est innovant, les deux autres pays lauréats étant le Congo démocratique et le Gabon.
En résumé, voilà un peu ce que nous sommes en tain de faire. Déjà, nous disposons de deux dates pou le Bim, en avril 2018 ; et le collectif des musiciens du Bim ira représenter le Bénin sur plusieurs festivals, en France.


En réalité, c’est quoi le Bim et, quels en sont les objectifs ?

Le ’’Bénin international musical’’ (Bim), c’est un Projet qui est vraiment pluridisciplinaire ; son objectif est de développer la scène musicale béninoise, à l’international. Et, pour le faire, il y a des corps de métier sur lesquels on doit travailler. Il s’agit, d’abord, d’avoir de bons managers, de bons journalistes culturels, spécialisés en musique, qui peuvent écrire des articles de critique d’art, c’est, ensuite, avoir de bons techniciens de lumière, de son, pour faire ce travail. Et, au finish, c’est de montrer, à la face du monde, que Cotonou est le berceau, la capitale mondiale de la musique. On peut le faire parce qu’on en a la capacité, les potentialités et le patrimoine ; même les étrangers le disent, les Américains, notamment, reconnaissent que le Bénin est un pays dont le patrimoine musical est immensément riche et auquel on n’a même pas encore touché. Voilà l’idée, c’est de pousser l’Unesco à reconnaître Cotonou, le Bénin, comme la capitale mondiale de la musique. On peut le faire si l’on a de bons journalistes culturels, de bons techniciens de son et de lumière, de bons musiciens. Je travaille dans ce sens.


Quels sont les rythmes que le Bim exploite, pour le travail, dans le cadre de cette quatrième session ?

Pou la quatrième session, on a choisi de ces rythmes qui sont proches du style funk, comme le ’’tchinkounmè’’, le ’’zinli’’ de PotoNovo, qui n’est pas loin du blues ou du jazz. Il y a aussi des rythmes yoruba comme le ’’tchango’’, l’ ’’ogbon’’, le ’’caca’’, le ’’massè’’. Voilà ces rythmes avec lesquels nous avons commencé. Nous sommes en train de faire un plat qui représente l’échantillon des rythmes, histoire de le présenter au monde entier.


N’y a-t-il pas des rythmes du Nord-Bénin?

Bien sûr qu’il y en aura ! On a encore du travail, parce qu’on ne peut pas tout faire ; il faut commencer quelque part. On a encore du boulot, parce qu’en octobre prochain, il y aura la cinquième session, de même que nous travaillerons aussi en novembre. En décembre, nous allons travailler le plan scénique et, en janvier 2018, nous donnerons un concert, nous ferons des débats sur le Bim.


Quels sont les artistes qui ont été sélectionnés pour travailler dans le Bim ?

Certes, on ne peut pas évoluer avec quinze artistes. Mais, il y a des artistes sur lesquels on va se baser pour développer le concept du Bim : à la batterie, Jimmy Brice Tchégnon, à la percussion, nous avons un artiste polyvalent qui joue presque toutes les percussions du Bénin, lui qui est un jeune avec qui je travaille depuis trois à quatre ans : Emile Totin. Il y a Lionel qui est à la basse et, les voix, c’est Naël, la fille d’Adolphe Yélouassi, Bigitte Tiki qui appartenait au Groupe ’’Alafia music’’, qui avait joué aux côtés du guitariste Gilles Louèkè, Joséphine Vodounou Omonlara, qui est une handicapée moteur bénino-nigériane, qui évolue en chaise roulante. Il y a Sergent Markus qui est plus rap slam. En outre, il y a les Diflex. Avec la section des cuivres, moi-même je suis au saxe alto, et Bernard Vodounou est saxe ténor. Voilà les artistes avec qui nous travaillons, en attendant.


Quels sont les critères ayant permis le choix de ces artistes ?

Les critères, ce n’est pas d’abord d’être un bon musicien. Cela veut dire qu’en plus de la musique, il faut avoir le cœur, la volonté de travailler dans ce projet-là, qui est de développer la scène béninoise sur le plan international. En effet, ces artistes-là, on les utilise comme des cobayes et, là, cela va permettre aux arrangeurs de s’inspirer de notre style d’arrangement, surtout ceux-là qui veulent travailler sur le plan international. Il y en a qui souhaitent jouer uniquement de la musique béninoise au Bénin. Il y en a d’autres qui veulent sortir du Bénin. Pou sortir du Bénin, si l’on doit jouer une musique uniquement béninoise, les gens n’y comprendront rien. Le travail que nous sommes en train de faire, c’est aussi de montrer à ceux qui souhaitent travailler et sortir du Bénin, pour montrer à la face du monde leur travail, qu’ils doivent beaucoup travailler cet angle-là, parce que quand j’écoute une musique et que je me sens là-dedans, je m’y intéresse. Voilà donc l’idée.


A combien de morceaux sommes-nous, aujourd’hui, qui sont déjà finalisés ?

Nous sommes à six morceaux, au total, qu’on peut faire écouter.


Qu’en est-il des institutions qui accompagnent le Projet ?

C’est là où moi, personnellement, j’ai honte ; j’ai honte parce que ce Projet, j’en ai parlé à ceux-là qui sont responsables de la chose culturelle du Bénin. Vu que le Gouvernement du Président Talon a l’idée de développer le tourisme, il peut se baser là-dessus pour développer la culture, parce que le Bim, c’est aussi la coopération culturelle internationale, c’est le travail avec des villes de partout dans le monde, c’est le travail avec des communautés, les Caraïbéens, notamment ; il y aura des musiciens d’autres pays qui viendront jouer avec nous, dans notre musique, ce qui les trouvera intégrés dans le Bim. Comme l’on le dit, quand deux cultures fusionnent, dans l’art, c’est de l’étincelle au ciel. C’est de cette manière qu’on va développer la coopération interculturelle.
Malheureusement, cela fait deux fois que je suis allé au Ministère de la Culture, dans ses directions centrales ; les cadres ont le dossier, mais ils n’ont pas réagi. Ceux qui viennent, les techniciens, les personnes-ressource qui viennent de l’Europe, de la France, précisément, pour travailler avec moi, il faut les déplacer, les loger. La seule personne que j’ai eue comme mécène et qui fait beaucoup, qui a l’amour de son pays et de la musique, qui est un fonctionnaire d’Etat, qui aide beaucoup les artistes, c’est Richard Vodounou, de la Direction des Impôts. Grâce à lui, au lieu que j’aille faire héberger mes invités à l’hôtel, j’ai eu sa maison et, sa voiture, pour les déplacer. Il fait beaucoup, il fait beaucoup. Si l’on pouvait avoir au moins trois ou quatre personnes comme cela, de même que des structures et le Ministère de la Culture, je pense que nous n’allions pas traîner, parce que le Bim, même si c’est la musique sur la scène, c’est aussi la formation et de l’investissement. Et, depuis l’Ambassade de France, on nous a soutenus, surtout par des billets d’avion, et l’Institut français, qui nous a aussi fourni des billets, son auditorium dans lequel nous sommes à l’aise pour travailler. Ils nous accompagnent ; je les en remercie.

Propos recueillis par Marcel Kpogodo

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