dimanche 14 septembre 2014

Claude Balogoun, la poigne du monde culturel béninois

Selon l'homme, « On est en Afrique et, la manière de parler importe, la manière d’aborder le sujet avec les gens importe ... »


Avec sa réélection spectaculaire, tout dernièrement, au Conseil économique et social (Ces)  et sa présence, subtilement remarquable, forte, dans la désignation des différents représentants des acteurs culturels dans le Conseil d'administration (Ca) du Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb), Claude Balogoun s'impose comme l'incontournable stratégie gagnante du système culturel, au Bénin. Nous l'avons rencontré, aux alentours de la Salle Vip du Ministère de la Culture, le vendredi 12 septembre dernier, positionnant, avec quelques lieutenants, ses pions, en préparation de la fatidique élection des derniers membres du Ca/Fitheb. Sa réponse à nos questions montre que l'homme est bel et bien conscient d'une force de frappe qu'il détient et qu'il ne doit en rien au hasard ...


Kokou Claude Balogoun
Stars du Bénin : Bonjour M. Claude Balogoun, vous êtes Conseil au Conseil économique et social (Ces). Nous vous avions vu, le mardi 9 septembre dernier, à la Salle de conférence de la Direction de la Promotion artistique et culturelle (D/Pac), dans le cadre de l’élection du représentant des promoteurs culturels au prochain Conseil d’administration (Ca) du Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb). Ce vendredi 12 septembre, nous vous voyons encore, non loin de la Salle Vip du Ministère de la Culture, de l’alphabétisation de l’artisanat et du tourisme (Mcaat), en train de calmer les ardeurs et de suivre de près l’élection des représentants respectifs des metteurs en scène, des comédiennes, des comédiens et des dramaturges au même Ca du Fitheb. Quelle est la signification de votre présence à ces différents lieux ?

Claude Balogoun : Merci, cher ami. Je vais répondre en commençant par vous donner l’exception qui confirme la règle. L’exception, c’est la désignation des journalistes culturels au Ca/Fitheb ; vous ne m’avez pas vu à cet événement, même si je suis journaliste, par ailleurs, je ne suis pas reconnu comme tel, c’est pour cela que vous ne m’avez pas vu là-bas. Alors, si vous m’aviez vu avec les promoteurs culturels, c’est parce que j’en suis un, ayant la structure qu’on appelle ’’Gangan production’’, qui est complètement en règle vis-à-vis des textes qui régissent le secteur. Donc, j’ai été convoqué dans le corps électoral pour voter dans le cadre de la désignation du représentant des promoteurs culturels.
Aujourd’hui (Le 12 septembre, Ndlr), je suis là. Vous n’êtes pas sans savoir que je suis comédien, metteur en scène, cinéaste et producteur. Aujourd’hui, on est venu pour élire le représentant des comédiens, des metteurs en scène, des dramaturges ; toutes ces corporations, j’y évolue ; je n’ai pas demandé à Dieu de me faire pluridisciplinaire. Donc, je suis là, tout simplement.
Par contre, je ne suis pas dans la salle. Je ne suis pas dans la salle, tout simplement parce que, d’abord, ce matin, j’avais une production audiovisuelle à aller assurer. Deuxièmement, je me dis que les associations dans lesquelles on évolue, il y a des gens valables qui peuvent être dans la salle pour désigner convenablement et valablement toutes ces différentes personnalités qui vont siéger au Ca/Fitheb. C’est simplement pour ça.
Je suis venu juste en supervision pour regarder si les choses se passent bien ou pas : ça chauffe un peu dans la salle, j’essaie de calmer les gens comme je peux, tout simplement parce qu’un Conseiller de la République, représentant les artistes au Conseil économique et social est, en réalité, la personne, outre le Ministre de la Culture, qui est à l’Exécutif, la personne à même de semer la paix dans toutes les disciplines qui représentent tous les artistes au Bénin. Je suis comme le Président de la République des Artistes ; je suis obligé de les calmer.


J’ai l’impression que votre présence sur les lieux de cette élection manifeste une grande influence de votre part sur le secteur culturel au Bénin …


Oui, si vous avez été élu, au niveau des artistes, sur la base de 538 personnes qui vous ont accordé leurs suffrages, contre 10 abstentions, je pense qu’en réalité, cela va sans dire que j’ai montré une certaine influence dans le milieu ; 538 personnes, c’est quand même beaucoup, dans le milieu artistique, pour dire : « Celui-là qui a pu mobiliser des gens, du Sud jusqu’au Nord, c’est quelqu’un à qui on doit vouer le respect, parce qu’il a son mot à dire … »
Les électeurs qui sont dans la salle, actuellement, il y en a qui sont partis du Nord, hier, il y en a qui sont venus de Parakou, de Natitingou ; ils sont tous venus me voir, en tant que leur représentant, pour me dire : « M. le Conseiller, nous sommes là déjà, pour participer au scrutin ». Voilà, c’est normal …


Quel est le secret de cette influence ?


Mon secret est simple : j’essaie de travailler positivement, j’essaie d’être avec tout le monde, de répondre à la sollicitation de tout le monde ; cela me fait dépenser beaucoup d’argent, me fait dépenser beaucoup d’énergie mais, je suis bien obligé d’être à l’écoute de tout le monde. Je n’ai pas de camp, je n’ai pas de clan. Dans la salle, il y a différents candidats ; je peux vous assurer que tous les candidats sont passés me voir et j’ai pu les aider tous, comme je le peux. Je ne peux pas dire comment je les ai aidés … Mais, tous les candidats, de quelque bord que ce soit, sont passés me voir.
Alors, je n’ai pas de secret ; si secret il y a, c’est que ma porte est ouverte à tout le monde, ma poche aussi est ouverte à tout le monde et, moi-même, je suis ouvert à tout le monde. Ce n’est que ça, mon secret ; je souhaite que beaucoup de Claude Balogoun, ouverts comme ça, existent dans le secteur, pour que les choses puissent changer vraiment.


Dans les coulisses, on dit que vous avez la mainmise sur beaucoup d’associations, ce qui vous permet d’avoir vraiment cette influence-là. Est-ce que vous confirmez cela ?


La mainmise, je ne sais pas de quoi vous parlez. Je maîtrise véritablement les hommes, ce ne sont pas les associations que je maîtrise ; ce sont les hommes qui animent les associations. La dernière fois, si on a eu cinq cents et quelque personnes, cela veut dire qu’il a eu ce nombre d’associations, divisé par trois ; toutes ces associations ont été négociées, une à une, du Nord jusqu’au Sud. Je ne peux pas refuser aux autres entrepreneurs culturels de faire pareil ; nous, on va vers les gens pour leur parler.
La preuve : votre Association, ’’Le Noyau critique’’, était venue me voir, la veille du vote, n’est-ce pas ? Alors que je n’avais pas appelé ’’Le Noyau critique’’, parce que cette organisation avait estimé que j’avais des principes qui rencontraient les siens, que j’avais une manière qui rencontrait les siennes, que j’avais un plan, un programme qui pouvait l’arranger. Donc, ’’Le Noyau critique’’ s’était rapprochée de moi pour me demander : « Est-ce qu’on peut te soutenir ? Est-ce qu’on peut faire quelque chose ? » Le débat s’est bien passé, le jour-là ; la preuve en a été que mon vote a été éclatant et, je suppose que parmi les 538 personnes, ’’Le Noyau critique’’ a voté pour moi …
Est-ce qu’on ne peut pas dire que je maîtrise ’’Le Noyau critique’’ ? Je pense que c’est oui ! Encore que ’’Le Noyau critique’’ a son indépendance.
Lorsqu’il y a une échéance, je sais comment approcher cette association pour qu’elle aille dans le sens que je souhaite. La preuve, pour le vote des journalistes culturels, j’ai dû appeler les gens du ’’Noyau critique’’ pour savoir si on pouvait encore se voir pour que vous puissiez nous aider ; le candidat que j’ai souhaité a été élu, même si celui-ci a fait son travail à son niveau, unilatéralement.
Ce n’est pas que je maîtrise les associations, il n’y a pas une autre manière de maîtriser … On est en Afrique et, la manière de parler importe, la manière d’aborder le sujet avec les gens importe. Donc, moi, j’ai une manière que les gens qualifient de bonne, de les approcher, de les solliciter, de leur demander des services, et les gens me les rendent facilement.
La preuve aussi en est que lorsque les gens ont leur festival, leur manifestation, je n’hésite pas à imprimer des affiches pour eux, à leur envoyer des caméras, par mes maigres moyens, 50 mille, 100 mille, pour les aider à organiser leur manifestation. De toute façon, il ne peut en être autrement, parce que si vous regardez les affiches que les gens mettent partout pour les manifestations, il y a toujours le logo de ma structure ’’Gangan production’’ là-dessus. Je crois que ce n’est pas gratuit ; on ne met pas le logo des autres promoteurs comme ça, c’est parce que je suis ouvert, d’une certaine manière, et que je contribue, d’une certaine manière.


On a l’impression qu’il faut aussi dépenser beaucoup d’argent pour avoir cette influence-là …


Non, je ne dépense pas … Je vous ai dit, tout de suite, que je donne une caméra ; si on doit calculer cela, effectivement, c’est de l’argent … Quand on fait le budget d’une manifestation, la captation est quelque chose qu’on facture. Si vous la facturez à 500 mille, et que vous venez voir Claude Balogoun, et qu’il vous dit de donner 100 mille, cela veut dire qu’il a participé de 400 mille, et ce n’est pas qu’il a sorti cette somme d’argent de sa poche ; ce n’est pas que j’ai l’argent, je n’ai rien, j’ai de la difficulté à payer les salaires de mon personnel, ce mois-ci, je n’ai rien … Mais, j’ai une manière de répondre aux gens, en temps et en heure, c’est cela qui les aide, ce n’est pas une question d’argent, je n’en donne pas ; ’’Le Noyau critique’’, est-ce que vous avez eu un rond, pour venir voter pour moi ? En quoi on dépense de l’argent ? Ce n’est pas une question d’argent …


Avez-vous un appel à lancer aux futurs représentants du monde culturel, en général, au Ca/Fitheb ?


Deux choses importantes : d’abord, vis-à-vis des réformes, moi, je suis un légaliste ; dès lors que l’institution qui gère la culture a décidé de mettre en place des réformes, si nous voulons exercer dans ce secteur, et travailler avec cette institution, nous sommes obligés de répondre à ces réformes. Je demanderais à tous les acteurs culturels de fournir les documents pour aller prendre leur carte professionnelle, aux associations de fournir les documents pour aller prendre leur agrément, et d’être à l’écoute des autorités, pour participer à l’éclosion de la Culture.
Deuxièmement, je demanderais aux autorités de diffuser, le plus largement possible, les informations essentielles dont les gens ont besoin pour que cela ne crée pas, à chaque fois, des frustrations.
Dernièrement, les nouveaux membres du Ca/Fitheb, qui vont siéger, je demanderais que, très tôt, ils s’approprient les nouveaux textes du Fitheb, qu’ils comprennent comment cela doit fonctionner et qu’ils aident le nouveau Directeur qui va venir à réussir véritablement sa mission, pour que le Fitheb redore effectivement son blason. Je souhaiterais qu’il n’y ait pas de division là-dedans, je souhaiterais que, même si les membres sont de différents camps, qu’ils s’entendent pour travailler ensemble, je souhaiterais également, enfin, qu’il n’y ait pas d’antagonisme avec l’autorité : avec tout Conseil d’administration, s’il y a brouille avec l’autorité, les choses ne marchent pas ; nous, on ne souhaite pas ça, je ne souhaite pas que cela arrive.
Je souhaite que ces nouveaux membres élus du Ca/Fitheb brisent complètement les liens avec les ailes de l’équipe de tous les anciens Directeurs du Fitheb, et qu’ils réinventent une autonomie créative qui pourrait nous permettre de réussir véritablement la mission qui est de faire remonter le Fitheb dans ses lettres de noblesse.          



Propos recueillis par Marcel Kpogodo

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