mardi 17 août 2010

Activités de l'Association Arts vagabonds rezo Afrik Bénin

Dans le cadre de ses activités

L'Associaiton socioculturelle Arts vagabonds fait former plus d'une quinzaine de comédiens et de musiciens

Du 11 au 13 août 2010, l'Association sociocutrelle Arts vagabonds rezo Afrik Bénin a procédé à la mise en place d'un stage de formation en faveur de plus d'une quinzaine de stagiaires. C'était au siège du Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb), à Cotonou.

Dans une salle de répétition du siège du Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb), des stagiaires évoluent en couples mixtes, se mettant en vue à tour de rôle et se lançant une balle en échangeant des répliques apparemment bien préparées. Quelques minutes de cet exercice après, c'est un tambour subtilement nostalgique qui soumet les apprenants de criconstance, pêle-mêle, à des mimiques d'un ordre onirique. Luc Rosello, l'encadreur, Directeur de la Compagnie réunionnaise Cyclones production, est le maître d'oeuvre de ce système dans le déroulement a commencé depuis le mercredi 11 août. Au dernier jour du stage, ce vendredi 13, sa voix forte et incisive en impose, par des consignes et des recommandations très courtoises, à ces seize comédiens et musicens, triés sur le volet par les soins de l'Association Arts vagabonds rezo Afrik Bénin, ceux-ci dont les observateurs de la scène dramatique béninoise connaissent bien le jeune parcours qui commence à faire mouche : Vivien Gédéon Ahéhéhinnou, Mariam Darra Troré, Mireille Gandébagni, Jean-Louis Lokossou, Segun Olabisi et Serge Zossou, notamment.


Luc Rosello, entouré de ses stagiaires l'écoutant (Photo de Christel Gbaguidi)

Pour un stage trop court pour déboucher sur une représentation théâtrale de synthèse, ces jeunes artistes n'ont désormais d'autre choix qu'un investissement des acquis de cette formation dans leur pratique artistique du court, du moyen et du long terme.

Mouvement d'ensemble des stagiaires (Photo de Christel Gbaguidi)



Le point de vue de Luc Rosello


En marge des enseignements donnés à ses stagiaires, Luc Rosello, formateur principal dans ce stage initié en partenariat avec les Arts vagabonds rezo Afrik Bénin, l'Ecole internationale de théâtre du Bénin (EITB), le Fitheb et la Compagnie Cyclones production, accepte de nous parler des connaissances partagées, de nous donner ses impressions et de nous présenter la structure qu'il dirige.


Luc Rosello, Directeur de la Compagnie Cyclones production



Luc Rosselo : Au niveau de ce qu’on aborde, en termes de travail, on travaille sur quelque chose qui est assez universel et qu’on retrouve dans des formes théâtrales, partout dans le monde, que ce soit dans l’hémisphère nord ou dans l’hémisphère sud, à savoir la notion de « chœur », de « chœur de théâtre », c’est-à-dire, à un moment donné, comment un groupe, un groupe de personnages devient une sorte de communauté, d’identité qui vit ensemble la même chose. Donc, ça, c’est ce qu’on appelle un « chœur » au théâtre. Par exemple, hier (Ndlr : le jeudi 12 août), j’ai assisté aux répétitions d’un spectacle qu’est en train de monter Alougbine Dine sur le cinquantenaire. En fait, c’était la même chose ; il y avait énormément de choses qui passaient et qui étaient des choses « chorales », où Dine mettait en scène des chœurs. Donc, c’est quelque chose d’assez universel.

Et, on a travaillé là-dessus pour que l’acteur apprenne à être dans une respiration commune, dans une sensibilité commune, ce qui leur demande beaucoup d’écoute.

Nous avons compris que vous les formiez à l’improvisation …

Non, ils savent improviser déjà, je ne les forme pas. Vous voyez, un acteur, c’est comme un musicien ; un musicien, il a besoin de faire ses gammes, il a besoin de s’entraîner avec son instrument, pour entretenir et sa technique et sa sensibilité artistique. Un acteur, c’est exactement pareil. Donc, en fait, avec les acteurs, on fait des gammes d’acteur et, parmi les gammes de l’acteur, il y a le travail physique, le travail vocal et l’improvisation. Donc, c’est pour ça qu’on fait de l’improvisation ; c’est une manière de faire des gammes ensemble.

Comment trouvez-vous vos stagiaires ?

Je les trouve formidables, d’une grande disponibilité, ils sont engagés ; certains viennent de très loin, pour cet instant de rencontre et de partage. Et, cet engagement-là, je trouve ça réellement formidable. Donc, en ce sens, tous les stagiaires qui sont présents là aujourd’hui sont formidables parce qu’ils s’engagent.

Vous savez, moi, je ne suis pas là pour évaluer, je ne suis pas là pour dire : « Les acteurs béninois sont bons », « Ils ne sont pas bons ». Les acteurs béninois, ils sont comme tous les acteurs partout dans le monde ; il y en a qui ont de l’expérience, qui sont confirmés, qui ont suivi des formations. D’ailleurs, il y a une école au Bénin qui s’appelle l’Eitb (Ndlr : Ecole internationale de théâtre du Bénin) et qui propose des parcours de formation. Il y a des acteurs qui ont appris un petit peu par eux-mêmes mais qui sont quand même des acteurs confirmés et il y en a qui sont plus débutants ; c’est comme partout dans le monde.

Par contre, ce que je constate ici et que je ne vois pas partout dans le monde il faut savoir que moi, je ne viens pas seulement de l’Europe, je travaille aussi depuis de nombreuses années dans l’hémisphère sud, à l’Ile de la Réunion et, donc, j’ai pas mal rencontré de pays et partagé dans d’autres pays que l’Europe ce qu’on retrouve un peu partout dans le monde - et, la particularité qu’on a parfois dans l’hémisphère sud, c’est que l’art n’est pas aidé, n’est pas subventionné ; l’art, il doit se débrouiller par lui-même, ce qui veut dire que, décider d’être un artiste dans certains pays, c’est un véritable choix. Et, moi, je suis admiratif de ce choix ; je viens d’un pays où on me donne des subventions pour diriger mon théâtre et embaucher la dizaine de personnes qui constituent mon équipe en permanence. Donc, je suis très très admiratif de cet engagement des artistes aussi.

Et si vous nous parliez très brièvement de votre structure, Cyclones production ?

Cyclones production, c’est une compagnie de théâtre qui est implantée sur l’Ile de la Réunion, dans le sud de l’Afrique, côté Océan indien ; c’est un Département français. Nous sommes aidés par le Ministère de la Culture de France et toutes les collectivités locales nous soutiennent ; je suis aussi directeur d’un lieu qui s’appelle La Fabrik qui est un lieu un peu particulier, parce qu’il accueille des équipes pour les aider à fabriquer leurs spectacles. C’est un lieu dans lequel il y a un studio de répétition, un atelier-costumes, un atelier-décor ; il y a des gros moyens qui permettent à des équipes qui n’ont pas de lieu de venir fabriquer leur spectacles et, ce lieu existe parce que notre démarche est beaucoup axée sur le développement culturel, sur l’action territoriale et sur l’envie de donner accès à une large partie de la population aux pratiques artistiques et culturelles.

Parlant de vous, quel est votre parcours ?

J’ai envie de vous dire que mon parcours n’intéresse personne ; mon parcours n’a de sens que parce que je travaille avec une équipe. Je suis acteur, je suis metteur en scène, je suis soutenu dans mon travail par les institutions françaises. Donc, c’est une réalité mais, une fois qu’on a dit ça, on n’a encore rien dit ; ce qu’il y a d’important, c’est que je travaille avec une équipe d’une dizaine de permanents et que, c’est surtout, ensemble avec cette équipe qu’on essaie de s’inscrire dans une dynamique de partage avec ceux qui nous entourent. Mon parcours n’est important que parce que je suis avec une équipe qui provoque des partenariats et qui met en œuvre des projets.

Réalisation : Marcel Kpogodo

lundi 16 août 2010

Manifestations culturelles au Bénin

Cérémonie de clôture des représentations de "Théâtre à l'école" : Christel Gbaguidi, en turban blanc, au centre, Rémi Secret, le Directeur du Ccf, à sa gauche, le metteur en scène, Patrice Toton, en tricot blanc, à l'extrême gauche (Photo de Jessica Vuillaume)


Projet ’’Théâtre à l’école’’





Christel Gbaguidi, le promoteur, déclare, en substance : […] je dois aider l’Etat à être, ce n’est pas à l’Etat de m’aider à être »





Pour un projet qui a duré quatre mois et mobilisé un nombre impressionnant de personnes, autant que des partenaires et des initiatives porteuses, ’’Théâtre à l’école’’, à sa clôture, nécessitait un bilan. Et, c’est à cela qu’a accepté de s’atteler Christel Gbaguidi, Président de l’Association Arts vagabonds rezo Afrik Bénin, tête pensante du Projet et exécutant chevronné de sa vision, dans cette interview où il se montre d’une vigueur de pensée, d’une sincérité et d’une ouverture inouïes.





Journal Le Mutateur : Bonjour Christel Gbaguidi. Tu es le promoteur du Projet ’’Théâtre à l’école’’, qui s’est étendu de mars à juin 2010 et qui se trouve actuellement à sa phase terminale. On a vu trois collèges qui ont effectué des représentations après avoir suivi plusieurs semaines de formation, sous la responsabilité de certains metteurs en scène, bien connus sur la place. Quel bilan peux-tu faire du déroulement du Projet ’’Théâtre à l’école’’ ? Est-ce que tu penses que tes attentes ont été comblées ?



Christel Gbaguidi : Je tiens d’abord à vous dire merci pour cette occasion que vous me donnez de m’exprimer par rapport au Projet ’’Théâtre à l’école’’.

Au premier abord, je dirai que le bilan est positif. C’est un bilan positif qui réjouit non seulement, nous, les organisateurs, au niveau des Arts vagabonds rezo Afrik Bénin, mais aussi au niveau des trois écoles qui ont été sélectionnées pour cette première édition de ’’Théâtre à l’école’’ et, surtout, au niveau de tous les consultants qui ont contribué au développement réel de tout le Projet.

Donc, pour moi, au moment où on pensait réaliser le Projet ’’Théâtre à l’école’’, au moment où on le concevait sur papier, il était clair et net d’atteindre deux ou trois objectifs : établir un pont entre trois écoles de Cotonou et de Calavi, c’est-à-dire, le Ceg Godomey, le Collège catholique Père Aupiais et l’Efe Montaigne, inviter des professionnels de théâtre exerçant au Bénin à investir ces trois écoles et à célébrer le retour de leur travail professionnel dans ces écoles, partager des expériences avec les élèves et, le troisième objectif était de créer L’avare de Molière, Certifié sincère de Florent Couao-Zotti et La nuit de Valognes d’Eric-Emmanuel Schmitt. Voilà les trois points de départ qui nous ont amenés à mettre en œuvre le Projet ’’Théâtre à l’école’’.

Mais, au moment du déroulement, je vous assure qu’on ne savait pas que cela allait s’étendre vers d’autres visions, d’autres objectifs que sont : organiser des activités périphériques pour permettre aux soixante élèves en formation de comprendre toutes les facettes de l’art dramatique. Du coup, on a été obligés, au niveau du Bureau directeur national des Arts vagabonds, en collaboration avec les consultants en décoration, costumes, régie son et lumière, et en mise en scène, de développer, de repenser les objectifs que nous avions établis au départ. Ainsi, nous sommes arrivés à faire plusieurs étapes, notamment la participation au Fitheb en mars-avril derniers, la visite de l’Ecole internationale de théâtre du Bénin (Eitb) d’Alougbine Dine. Vous-mêmes vous étiez à nos côtés et vous avez vu combien Alougbine Dine, Directeur de cette Ecole, a réussi à amener les enfants à comprendre ce que c’est que la construction d’un personnage, à comprendre réellement sa propre vie privée, pour pouvoir les amener à avoir une vision globale de ce métier qu’est le théâtre.

Et, après, nous sommes allés vers un café littéraire qui nous a permis de discuter avec l’écrivain béninois Florent Couao-Zotti, qui est l’auteur de Certifié sincère. Donc, au cours de ce café littéraire, vous avez vu combien les élèves étaient tous sidérés de comprendre ce que c’est que l’écriture et comment on peut quitter le texte pour la scène. Et, entre autres, nous avons visité les expositions ’’Remous’’, ’’Remous’’ qui fait l’éloge des pêcheurs, qui fait l’éloge des activités de ces pêcheurs tout le long de la Route des pêches, et qui a été initié par des amis qui travaillaient sur le Projet ’’Théâtre à l’école’’, Jessica Vuillaume, Sophie Négrier et Marius Dansou, mais qui est soutenu par les Arts vagabonds rezo Afrik Bénin, parce que cela fait partie de nos objectifs de soutenir toute action de jeunes, qui peut les amener à s’épanouir dans le concept socioculturel béninois.

A part ça, nous sommes allés aussi visiter le Centre culturel français qui a permis à tous ces élèves de comprendre ce qu’est une bibliothèque, une médiathèque, notamment, et pourquoi il faut aller à la bibliothèque.

Vous voyez donc, autour de ces objectifs principaux, il y a eu ces objectifs spécifiques qui, je vous assure, nous ont aussi surpris, nous ont emballés et nous ont aussi enseigné pleins de choses sur notre vision professionnelle de notre métier qu’est le théâtre.

En gros, voilà les attentes de départ et les attentes qui ont suivi le déroulement de ce Projet qui s’est étendu de mars à juin 2010, mais qui continue, parce que, quand vous faites un projet, il faut arriver à rendre compte. Mais, vous allez rendre compte comment ? Il faut rendre compte avec des preuves. Ces preuves, ce sont les rapports de fin d’activités, un livret d’information que nous, nous avons le plaisir de confectionner à la fin de chaque projet et, l’invitation, à la dernière minute, de la structure ’’Gangan Productions’’ pour essayer de réaliser un documentaire sur le Projet, parce qu’il a pris une envergure plus grande, plus large qui a dépassé nos attentes.

Du coup, il fallait mémoriser, il fallait laisser une preuve à la mémoire nationale et internationale pour dire que, quelque part au Bénin, à un moment donné de 2010, il y a eu un ’’Théâtre à l’école’’ avec 60 élèves, 16 professionnels, des journalistes qui ont accompagnés, plein de gens qui ont suivi et 4 représentations successives au Ccf ; ’’Gangan Productions’’ a monté un documentaire qui servira de preuve.

Et, grâce à la production photographique de Jessica Vuillaume et de Sophie Négrier et à l’équipe de rédaction technique que nous avons montée, il y a le livret qui est en voie de finition et, très bientôt, nous allons mettre tout ça au service du public béninois, pour que les gens prennent conscience de ce que nous avons essayé de faire.

Pour moi, c’est un essai, ce n’est pas encore l’essentiel du travail professionnel dans les écoles, il reste encore plein de choses à faire, plein d’émotions à véhiculer, plein de choses à vivre avec les élèves.







Est-ce que tu penses qu’il y a des insuffisances que ton équipe et toi aimeriez corriger pour les prochaines éditions ?

Comme vous le savez, aucune œuvre humaine n’est parfaite ; il y a toujours de petites choses qui viennent tacher un tant soit peu le déroulement normal de toute activité. Moi, je ne les appelle pas des insuffisances, je les appelle seulement des expériences qui nous ouvrent les portes vers d’autres expériences, c’est comme cela que je les appelle.

Oui, ’’Théâtre à l’école’’ n’a pas été facile : c’est 4 mois d’activités, mais c’est 8 mois de préparation avant les 4 mois d’activités.

Vous savez, c’est des professionnels qui ont travaillé avec des élèves. Donc, les premières difficultés étaient d’abord de convaincre les parents à laisser leurs enfants aller au théâtre tous les mercredis, vendredis et samedis soirs, pour répéter et se faire former. Cela n’a pas été facile ; il y a des élèves qui nous ont abandonnés au cours du processus mais, à la fin, les parents ont compris qu’ils ont perdu du temps, qu’ils ont gâché l’épanouissement de leurs enfants dans ce processus.

Il y a eu aussi, au niveau des consultants qui travaillaient avec les élèves, un manque de concentration, à un moment donné. N’eût-été la vigilance du Bureau directeur national, on aurait pu échouer au beau milieu du Projet. Mais, Dieu merci, les coups de fil étant, on a su rapidement couper court à cela.

L’autre chose aussi, c’est qu’on a pris beaucoup de temps pour la recherche du financement ; ce Projet a été possible grâce à la Coopération française au Bénin, au Service de coopération et d’action culturelle de l’Ambassade de France. C’est vrai qu’ils nous ont soutenus, mais cela n’a pas été facile de décrocher le soutien de ces structures, puisque, nous, de notre côté, au niveau béninois, on n’avait aucun soutien, donc, tout reposait sur les épaules des Arts vagabonds. Quand on a su que le Service de coopération et d’action culturelle de l’Ambassade de France voulait nous accompagner, on a pris plus de temps à courir derrière eux, ce qui fait qu’au lieu de commencer en janvier, on a été obligés de le faire en mars ; ce n’est qu’en ce moment qu’ils étaient prêts à nous accompagner. Donc, on a attendu qu’ils nous tiennent la main avant de commencer. Voilà, entre autres, les difficultés, mais qui ne sont pas des difficultés, - je l’ai dit tantôt – ce sont des expériences ; pour moi, c’est la première qu’on fait le Projet ’’Théâtre à l’école’’, c’est la première fois qu’on a vu se soulever plein de ces surprises qui étaient, entre autres, des surprises qui nous ont galvanisés, qui nous ont rapidement encouragés à atteindre d’autres objectifs.

L’autre chose, c’était aussi comment amener des transporteurs à accompagner un projet ; on a eu, à un moment donné, des chauffeurs qui nous ont abandonnés, or, il y avait un contrat qui nous liait. Malgré les coups de fil et les menaces, ils ont tenu mordicus à nous abandonner. N’eût-été notre vigilance, par exemple, lors de la visite de l’Eitb, on aurait pu capoter, on aurait pu faire échouer cette mission. Dieu merci, il y a toujours des plans A et des plans B qu’il faut toujours avoir à son actif, sinon, le projet ne marche pas.

Pour moi, ce sont des expériences qui nous ont beaucoup galvanisés et qui nous ont amenés à atteindre notre objectif ; vous-même, vous savez très bien que nous avons rencontré le Ministre de la Culture le 14 juin passé, cela a été très difficile d’avoir cet accord mais, par finir, c’était une expérience aussi pour nous d’appeler le Cabinet, d’appeler le Ministre, de le rencontrer n’importe où, de l’accoster et de lui dire : « Monsieur le Ministre, vous avez promis de nous rencontrer ». Pour moi, c’était une expérience qu’il faille renouveler, qu’il faille continuer, parce qu’il ne faut jamais se décourager ; il reste toujours quelque chose à faire, toujours !

Donc, voilà, entre autres, ce que je peux dire par rapport aux insuffisances qui n’en sont pas, parce que, pour moi, c’est une expérience ; on dit qu’on grandit toujours après une expérience. Je pense que, nous, les 76 personnes qui avons travaillé autour de ce Projet, tous, nous avons grandi, chacun a eu quelque chose : les parents, les professeurs, les directeurs d’écoles, les élèves, nous les professionnels, vous les journalistes, tout le monde a gagné quelque chose. Donc, voilà.




Le Projet ’’Théâtre à l’école’’, dans les prochaines années, devient quoi ? Sera-t-il annuel ? Y aura-t-il un nombre plus élargi d’écoles ? Beaucoup plus de partenaires ?

Concernant la périodicité, vous savez, je l’ai dit tantôt, c’est une surprise aussi pour nous de voir que ’’Théâtre à l’école’’ qui en est à sa première édition, a tenu tout le monde en haleine. Donc, nous-mêmes étant surpris, on s’est demandé si cette expérience allait être une expérience éphémère ou s’il fallait continuer ; quand vous rencontrez n’importe quel parent, tout le monde a envie de revoir ces enfants sur scène, surtout que, pour la majorité des enfants, c’était la première fois qu’ils montaient sur scène devant leurs parents ; c’est le même questionnement au niveau des professionnels.

Du coup, au niveau du Bureau directeur national des Arts vagabonds rezo Afrik Bénin, on s’est dit qu’il faudrait que ce soit chaque année, parce que, si ce n’est pas le cas, on va connaître ce que nous, nous avons connu lorsqu’on était à l’Ecole internationale de théâtre du Bénin, où l’idée de ’’Allons au théâtre’’ a commencé avec Alougbine Dine ; en tant que stagiaires, il nous a envoyés dans des écoles où on a travaillé avec des élèves et qu’on a présenté un spectacle où trois écoles se sont partagé des séquences. Donc, comme il n’y a plus eu de répétitions pendant cinq ans, c’est mort.

Et, moi, comme j’ai continué à travailler avec les écoles depuis, l’idée m’est venue de créer un ’’Théâtre à l’école’’ qui va permettre aux enfants de se faire former et de comprendre les rouages de l’art dramatique mais, en même temps, permettre au public béninois d’aller vers d’autres visions, d’autres facettes du théâtre, surtout au niveau des scolaires. Il est important donc que cette expérience puisse continuer, et cela va être annuel ; pour permettre à une action de durer dans le temps, il faut la répéter, c’est comme créer un spectacle sans répétitions : sans répétitions, il n’y aura jamais de spectacle. Du coup, il faut répéter cette action, s’il le faut, chaque année, s’il le faut, tous les deux ans, s’il le faut, tous les jours, parce que c’est une belle expérience. Même si elle demande beaucoup d’énergie, c’est une expérience qu’il faut renouveler chaque année.

D’ores et déjà, on essaye de voir avec quels partenaires on pourra coopérer. Et, maintenant que nous pensons élargir le nombre de collèges, nous pensons nous limiter à cinq, pour essayer d’aller petit à petit ; on ne va pas voir grand et échouer à la deuxième édition. Nous allons aussi essayer d’aller vers d’autres partenaires, surtout que le Ministère de la Culture est aussi entré dans le jeu ; je peux ainsi le dire parce que le Ministre a promis des choses. Nous allons essayer aussi d’aller vers d’autres partenaires financiers comme les banques du Bénin, le Fonds d’aide à la culture ; il s’agit de diversifier les partenaires au Projet, pour éviter d’attendre longtemps avant de le démarrer. Je pense qu’on va toujours compter sur le Scac ; s’ils sont prêts, nous aussi nous sommes prêts.

C’est une expérience ; si quelqu’un a des idées à nous donner, qu’il vienne, nous sommes prêts à aller de l’avant.





A présent, nous nous proposons d’entrer dans ton intimité. Et si tu étais une pièce de théâtre ?

Si j’étais une pièce de théâtre, je dirais que je jouerais ma vie tous les jours, comme je la joue actuellement, parce que, vous savez, la vie, c’est du théâtre ; on se voit le matin, on se salue, il y a des émotions que nous véhiculons, il y a des actes que nous écrivons tous les jours et, c’est comme ça. Christel Gbaguidi, c’est juste un jeune qui, très tôt, a connu des injustices sociales, mais ce ne sont pas des injustices qui m’ont amené à me suicider, mais des injustices qui m’ont amené à prendre conscience de ce que je suis dans cet Etat béninois. De questionnement en questionnement, je suis arrivé à comprendre que je dois aider l’Etat à être, ce n’est pas à l’Etat de m’aider à être. Du coup, tous les jours, je me pose la question de savoir ce que je peux faire pour que l’Etat béninois soit, si je peux balayer ma rue, si je peux aider tel enfant à lire, si je peux agir et quels sont les moyens dont je dispose pour le faire.

Voilà : je suis comédien de formation professionnelle, j’ai fait deux écoles de théâtre, l’Ecole internationale de théâtre du Bénin et le Centre de formation et de recherche en arts vivants de Ouagadougou au Burkina Faso. Après ces études, je suis devenu comédien professionnel depuis sept ans. En même temps, je me suis dit que, pour être au service du social que j’aime beaucoup, il faut avoir une entité, une association socioculturelle qui s’appelle aujourd’hui les Arts vagabonds rezo Afrik Bénin, qui nous permet de nous exprimer, parce que, c’est un cadre reconnu par l’Etat béninois. Donc, dans ce cadre, on s’exprime, on utilise nos talents au service du développement socioculturel et, aujourd’hui, Christel Gbaguidi est heureux de savoir que, au Bénin, on peut faire des choses ensemble, comme ’’Théâtre à l’école’’. Et, bien avant ce Projet, on avait déjà initié bon nombre de projets tels ’’La migration et moi’’ qui a consisté à travailler en Nord-Sud avec la République fédérale d’Allemagne, où des jeunes du Bénin et d’Allemagne se sont retrouvés dans un creuset de travail et ont échangé autour de ce thème sur la migration, pour comprendre pourquoi aujourd’hui on parle de frontières, de clandestins et, à la fin, se retrouver à produire des spectacles, à faire des expositions.



Et si tu étais un fruit ?

Si j’étais un fruit, je serais une orange, parce que, quand tu prends beaucoup d’oranges, tu as une énergie intense comme CaC1000.





Et si tu étais un repas ?

Si j’étais un repas, je dirais l’igname pilée ; vous savez que je suis originaire de Savalou, et l’igname pilée, pour moi, c’est la nourriture quotidienne ; j’adore l’igname pilée, surtout avec le fromage.




Et si tu étais un Président de la République ?

Si j’étais un Président de la République, je serais l’être qui peut permettre aux socioculturels d’exister. Pour l’instant, je ne l’ai pas encore trouvé ; on a vu des exemples de présidents, on a vu des gens qui se soucient un peu, c’est-à-dire les deux ou cinq premières années, du social mais, après, ils ne pensent qu’à eux, qu’à leur famille. Pour moi, le président est celui qui va penser à ce que la jeunesse peut faire dans sa société pour être, à ce pourquoi le Chnu n’a pas le matériel nécessaire pour sauver des vies et qui fait que lorsqu’un président est malade on l’envoie en France, en Occident ; il faut que le président qui va venir puisse sauver le Cnhu, il faut que le président qui va venir puisse penser que dans nos rues, il y a plus de malades, il y a plus de mendiants, il faut un président qui soit actuel, qui pense réellement que nous pouvons être au lieu de tout le temps tendre la main, un président qui considère le peuple béninois comme réellement des gens de ce pays qui peuvent aller plus loin, un président qui se dit que tous les métiers, toutes les facettes du Bénin peuvent contribuer au développement politique, socio-économique et culturel du pays et un président qui se dit que la culture, c’est réellement le développement du pays. Pour moi, si je dois choisir un président, c’est un président qui a une vision globale de travailler ensemble, un président qui n’a pas de parti politique, qui n’a pas de parti pris, qui se dit : « Je suis élu pour le peuple et je mourrai par le peuple. »




Et si tu étais un parfum ?

Si j’étais un parfum ? Malheureusement, je n’en mets pas. Donc, je ne sais pas quel parfum je serai, mais je pourrais avoir l’odeur du jasmin, parce que, le jasmin, quand vous le mettez, ici, tout de suite, cela embaume tout le monde. Donc, pour moi, c’est un parfum qui peut amener tout le monde à être dans le même monde, à travailler ensemble.




Et si tu étais un auteur ?

Si j’étais un auteur, je serais Aimé Césaire.



Un dernier mot ? Un appel ?

Je dirai tout simplement merci à tous les jeunes du pays, à tous les vieux du pays, à toutes les femmes du pays, à tous ceux qui croient qu’ensemble on peut aller plus loin ; je dirai merci à ceux qui ne se disent pas « Moi », mais qui se disent « Nous ». Je dis cela juste pour lancer un appel à tous les professionnels du théâtre béninois, à se donner la main ; vous-même vous savez ce qui se passe dans le pays, au plan culturel, où les gens n’ont pas la chance de travailler ensemble, ils ne se donnent pas les meilleurs moyens d’être ensemble, mais chacun veut être, chacun crée son parti, son association, pour dire : « C’est moi, c’est moi, c’est moi. » Non.

Il faut qu’on arrive à dire que, lorsqu’une personne crée une idée, il faut que tout le monde soit derrière ou que tout le monde aille avec cette personne pour mieux comprendre l’idée, au lieu de la tuer ; il faut plutôt l’aider à grandir et, ensemble, on va dire qu’on a réussi à semer une graine qui a grandi et qui a donné cet arbre, parce que l’arbre vieillit : il y a des arbres qui ont 400 ans, 500 ans. Pourquoi ne pas aider ’’Théâtre à l’école’’ à devenir un instrument de l’enseignement national, ou qui a autour de lui le Ministère de la Culture et le Ministère de l’Enseignement secondaire ou primaire, ou tous les ministères qu’il faut pour qu’on puisse dire, comme les mathématiques, que le théâtre aussi soit enseigné ? Cela va bénéficier à tous les professionnels, que ce soit en mise en scène, en décoration, en costumes, en régie son et lumière, et à toutes les autres facettes de l’art. C’est un appel à tous les Béninois, à tous les fils de ce pays et à tous les hommes du monde qui croient que la non-violence peut nous amener à être plus heureux en ce monde.

Pour finir, je dirai que ’’Théâtre à l’école’’ n’a été possible que grâce à des partenaires que sont le Centre culturel français, l’Ambassade de France, le Service culturel de l’Ambassade de France et, j’en profite pour dire merci à M. Rémi Secret, à Armelle Akplogan, à Alain Richard, et au Conseiller culturel. Je dirai merci aux consultants de tous ordres : Nathalie Hounvo-Yèkpè, Patrice Toton, Marius Dansou, Christian gbègnon, Benjamin Déguénon, Thierry Oussou, Totché, Grek, Pamela Houénoudé, Patrice Tomédé, Jean-Claude Ouangbey, Jessica Vuillaume et Sophie Négrier. Je dirai merci aux professeurs pédagogues qui nous ont permis de comprendre la quintessence des différentes œuvres que nous avons étudiées et créées, merci à Yvon Le Vagueresse qui s’est investi à mes côtés depuis le début, qui a couru aussi auprès d’un certain nombre de partenaires avec moi, et merci à Dieudonné Adingbossou qui est au niveau du Collège catholique Père Aupiais, qui aussi a permis l’éclosion de ’’Théâtre à l’école’’ dans son établissement.

Je dirai merci à tous les journalistes, à tous ceux qui nous ont permis d’avoir une communication intense autour du Projet. Je dirai merci à Molière, à Eric-Emmanuel Schmitt qui nous a envoyé son accord par écrit, pour dire d’utiliser et de jouer La nuit de Valognes dont il est l’auteur. Je n’oublierai pas Florent Couao-Zotti qui, aussi, était présent tout au long de ’’Théâtre à l’école’’, je dirai merci à Alougbine Dine qui, non seulement nous a accueillis chez lui, mais, aussi, était avec nous au Café littéraire et aussi nous appelait régulièrement pour savoir à quel niveau nous en sommes. Merci à Tola Koukoui qui, de loin, était avec nous ; il a passé tout son temps à nous appeler et nous a même soutenus un peu par rapport au Café littéraire. Je dirai merci à Luc Aimé Dansou qui nous a permis de communiquer sur LC2 national et international. Je dirai merci au Ministère de la Culture, à tout le monde, à tous ceux qui ont cru en nous, merci à Gangan Productions, merci à tous ceux qui croient que ’’Théâtre à l’école’’ est possible, à tous les parents d’élèves, à tous ces 60 jeunes élèves qui ont contribué au développement de ’’Théâtre à l’école’’, à toutes nos familles qui nous soutiennent et nous accueillent chez elles pour nous donner des conseils, merci à tout le monde.



Propos recueillis par Marcel Kpogodo


Littérature au Bénin

Daté Atavito Barnabé-Akayi, l'auteur du recueil









Parution à Cotonou d'un recueil de pièces de théâtre








L'auteur Daté Barnabé-Akayi, expliquant l'ouvrage : "[...] c'est vrai que l'Afrique est de la tradition orale, mais il faudrait parfois qu'on laisse de côté cette tradition orale pour rester dans la tradition de la pratique"





Chaque jour au Bénin, l’univers littéraire s’enrichit. C’est ainsi que sous le sceau des Plumes Soleil vient de paraître un recueil de deux pièces de théâtre, Amour en infraction et Les confessions du PR, écrites par Daté Atavito Barnabé-Akayi. Grâce à la générosité de ce jeune professeur de Lettres, nous entrons exclusivement dans l’intimité de ce livre, par l’entretien qu’il a bien voulu nous accorder. Sans qu'il en laisse rien paraître, Barnabé-Akayi est un boulimique de l'écriture.




Journal Le Mutateur : M. Daté Atavito Barnabé-Akayi, bonjour. Professeur de Français, vous vous illustrez par la pratique de l’écriture et, c’est en ce sens que vous venez de faire paraître un recueil de deux pièces de théâtre, Amour en infraction et Les confessions du PR. De quoi s’agit-il, respectivement, dans chacune d'elles ?





Daté Atavito Barnabé-Akayi : Merci. Dans ces deux pièces de théâtre, il s’agit dans Amour en infraction, de l’histoire de Saïd, un élève qui ne travaille pas trop en mathématiques et qui, régulièrement, à la fin de chaque cours, est prié d’attendre mais, à la fin, le professeur de maths, qui lui faisait cette demande, ne lui disait rien de précis. Alors, c’est ce qui s’est passé dans le premier tableau. Dans le second, nous avons Saïd en compagnie d’une élève avec qui il a rompu mais, celle-ci n’est pas trop d’accord pour cette rupture et est venue le menacer de lui créer des soucis, si jamais ils ne reprenaient pas ensemble. En réalité, Saïd a rompu parce qu’il a découvert qu’elle était sa belle-tante, c’est-à-dire la femme de son oncle ; il a estimé que c’était de l’inceste et qu’il ne pouvait pas cautionner cela. Finalement, la jeune fille a mis sa menace à exécution. Donc, nous sommes dans un troisième tableau où on présente Saïd qui remerciait le professeur de mathématiques qui lui demandait souvent d’attendre à la fin du cours, pour l’avoir sauvé, parce que la jeune fille qui était sa belle-tante et en même temps l’élève de madame Wali a accusé Saïd devant la police d’être un ’’Gayman’’, qui veut dire, chez nous, au Bénin, ’’Arnaqueur’’, ’’Cybercriminel’’, ce qui fait qu’on l’a emprisonné. Mais, grâce aux relations de Mme Wali, il a été libéré. Donc, c’est chez cette femme finalement que Saïd a compris que celle-ci était amoureuse de lui. Entre temps, Raïna, qui est la jeune fille, est venue, a essayé de tuer ces deux personnages et s’est aussi suicidée. Enfin, nous avons un quatrième tableau dans lequel Saïd se réveille et réalise que tout ce qui vient de se passer est simplement un rêve.



Dans la deuxième pièce, Les confessions du PR, il s’agit d’un président qui est venu se confesser à un prêtre qui lui posait des questions, parce que le président lui a demandé qu’il l’aide à répondre à des questions. Dans ce processus, le prêtre a abordé sa gestion du pouvoir, ses relations avec ses collaborateurs, sa vie privée, sa vie avec sa femme. Finalement, le vrai motif de ces confessions, c’est que le président voulait informer le prêtre qu’il avait mis une petite fille de douze ans en état de grossesse. Et, il se fait que, justement, dans son plan, il devait tuer l’homme d’église après que celui-ci aura reçu ses confessions, ce qui constituait pour lui une garantie que personne ne sache rien de ce genre de bassesse. Or, il se fait que le prêtre, en réalité, n’en est pas un vrai mais, le père de la fille avec qui le président a eu des problèmes de caleçon. Lorsque le chef d’Etat s’est rendu compte de la vraie identité du prêtre et aussi de sa qualité de chef de l’opposition avec qui il a de sérieux problèmes politiques, il décide de le tuer. Mais, l’opposant lui démontre qu’ils sont en direct sur des chaînes de radio et de télévision. Et, le président a compris qu’il ne pouvait pas commettre un meurtre en direct sur les grandes chaînes.







Au niveau des Confessions du PR, on constate beaucoup de situations qui se rapprochent un peu de ce que nous vivons au Bénin en politique, la tension politique, la prise d’ordonnances, par exemple. Est-ce qu’on peut dire que le président de la pièce incarne l’actuel chef d’Etat du Bénin ?

Il n’y a pas d’écrivain qui écrive en l’air ; ce sont forcément des faits réels qui l’amènent à écrire, mais l’autre problème aussi, c’est que, moi, je fais partie de ceux qui pensent qu’il ne faut pas tout écrire quand on écrit et qu’il faut respecter le lecteur, lui laisser la possibilité de deviner des choses, de penser à des choses, de dire que tel acte s’attache à telle personne ou à telle autre, de telle sorte que si vous, après la lecture, vous considérez que le président qui est décrit ressemble à un président que vous auriez reconnu, je crois que je dois respecter cette position.





En ce qui concerne la structure des deux textes, elle est complètement dépouillée, il n’y a pas d’actes ni de scènes, pas de tableaux, pas de titre au niveau des fragmentations. On a donc l’impression d’avoir affaire à un jeune dramaturge de la nouvelle génération qui s’inscrit dans une logique de nouvelles écritures …

Oui, c’est une très belle remarque ; il s’agit d’une nouvelle écriture sur plusieurs plans, comme vous l’avez noté : absence de didascalies, de scènes. C’est une nouvelle manière de rédiger la pièce de théâtre, ce qui permet au metteur en scène d’être relativement libre dans la mise en scène, dans les costumes, le décor, le bruitage, dans tout ce qu’il aura à faire. Donc, je crois quand même qu’aujourd’hui, il faudra essayer d’évoluer avec son temps et, c’est justement dans cette logique que je me suis permis de violer quelques lois classiques du théâtre. Si vous faites un peu attention, vous verrez d’ailleurs que l’origine du théâtre, c’est « Drama », « L’action ». Mais, quand on prend la première pièce, c’est-à-dire Les confessions du PR, on constate qu’il y a beaucoup plus de dialogues, beaucoup plus de paroles que d’actions ; c’est vers la fin qu’on sent quelques traces d’actions. Donc, c’est un moyen pour l’auteur de montrer qu’en politique africaine, il y a beaucoup plus de paroles que d’actions et, donc, qu’il faudrait qu’on pense à faire un peu plus d’actions pour faire prospérer le continent africain.







Finalement, quel est le message qui se dégage de chacune des deux pièces ?

Le message qui se dégage de la pièce Les confessions du PR, je crois que c’est un message de respect de sa parole, de respect de l’autorité de soi, c’est-à-dire que c’est un président mais, quand on voit ce qu’il a commis dans la pièce, ce n’est pas relativement digne d’un président. Donc, il s'agit du respect de soi et le respect de l'autorité par elle-même d'abord. Ensuite, on pourrait penser à l'exhortation des chefs d'Etat, des hommes politiques à l'action. La pièce étant venue juste après 50 ans d'indépendance, visiblement, au niveau du bilan d'actions, on n'a pas beaucoup de choses à se mettre sous la dent. En revanche, au niveau du bilan de paroles, on en a et, je crois qu'il faut qu'on quitte l'état des paroles ; c'est vrai que l'Afrique est de la tradition orale mais, il faudrait parfois qu'on laisse de côté cette tradition orale pour rester dans la tradition de la pratique.

Par rapport à la deuxième pièce, Amour en infraction, je l'aime bien, parce qu'elle traite de la jeunesse. Etant enseignant, c'est une pièce qui traite de l'éducation ; je crois que lorsque l'individu a la chance d'être bien éduqué dès le bas-âge, il peut éviter un certain nombre de choses quand il grandira. Donc, c'est une exhortation à la bonne éducation, tout simplement.

La pièce, Amour en infraction, par le dénouement, me rappelle un peu une autre pièce, Certifié sincère de Florent Couao-Zotti. Peut-on dire que tu t'es inspiré de lui pour exécuter le même dénouement ?

Florent Couao-Zotti a lu Amour en infraction, mais il n'a pas cru y reconnaître sa pièce ; Florent Couao-Zotti est un écrivain béninois que je respecte, que j'aime, que je consomme à satiété et, peut-être que, puisque toute la pièce est un rêve, peut-être que dans mon inconscient, sans m'en rendre compte, j'ai fait un clin d'oeil à Florent Couao-Zotti mais, au plan de la conscience, c'est une pièce que j'ai inventée de toutes pièces et je n'ai pensé à aucun écrivain en l'écrivant. Si, en tant que critique, vous estimez que cette pièce est inspirée de Couao-Zotti, je n'en sais rien.

Avez-vous d'autres écrits à votre actif ou en projet ?

Oui, bien évidemment. Vous savez, ce recueil de pièces que j'ai fait paraître est un accident, parce que mon voeu le plus cher était de faire sortir mon recueil de nouvelles, qui est mon premier ouvrage personnel ; sachez que, il y a à l'actif de deux collègues enseignants et amis qui me sont très chers, Anicet Mègnigbèto et Armand Adjagbo, et moi, des ouvrages d'ordre pédagogique. Mon voeu, au plan personnel, est de faire paraître un recueil de nouvelles, qui est, je crois, auprès des Editions Ruisseaux d'Afrique depuis l'année passée ; j'attends impatiemment ce livre intitulé L'affaire Bissi, sous-titré Il y a mieux que la neige, qui a d'ailleurs reçu la bénédiction, l'introduction de Florent Couao-Zotti et les post-faces de Claudine Nicolas, d'Apollinaire Agbazahou et même d'un professeur à la retraite à Bordeaux. Donc, c'est un recueil qui promet beaucoup de choses, qui montre mon côté traditionnel de l'Afrique, parce que c'est un recueil qui parle essentiellement de la tradition africaine, qui montre que je suis, non seulement progressiste, mais un progressiste qui pense qu'on doit s'inspirer de notre tradition. Au niveau du théâtre, je crois que, d'ici un à deux mois, nous aurons une nouvelle pièce intitulée : Quand Dieu a faim.

Espérez-vous faire carrière dans le monde de l'écriture, parallèlement au métier d'enseignant ?

Je suis un peu comme Apollinaire Agbazahou qui n'aime pas trop qu'on l'appelle écrivain ; il écrit par pédagogie, il écrit parce qu'il pense que ses élèves pourront facilement lire, étant donné qu'il est connu. En réalité, les élèves n'aiment pas trop les écrivains parce qu'ils estiment que ce sont des hommes un peu extraordinaires, alors que, lorsque vous connaissez quelqu'un qui écrit, vous avez plutôt tendance à lire ce qu'il écrit ; là, cela peut réellement aider à lire les autres qu'on ne connaît pas.

Donc, mon but, en écrivant, est pédagogique ; mes pièces ont déjà été mises en scène dans les écoles, et j'en ai d'autres, écrites, mais qui ne sont pas encore publiées et qui seront mises en scène ; faire une carrière d'écrivain, ce n'est pas mon rêve, mais plutôt écrire. D'ailleurs, j'ai toujours écrit dans ma vie.

Cela veut dire l'écriture, pour toi, aujourd'hui, est le résultat d'un processus qui a commencé depuis le bas-âge ...

Je crois que c'est le résultat d'un processus qui a commencé depuis le bas-âge ; depuis quand j'étais gosse, il y avait mon père qui était un grand lecteur de tout, il lisait les Zembla, les Amina, les Lancio Color, les revues scientifiques et même les revues bibliques Réveillez-vous des Témoins de Jéhovah, et même la Bible. En tout cas, mon père lisait un peu de tout et, moi, je m'étonnais qu'à tout moment, mon père soit avec un livre : même en mangeant, en allant aux toilettes, il lisait. Et, quand il finissait et qu'il déposait l'ouvrage, je le prenais à son insu et je le lisais. C'est comme cela que j'ai découvert la lecture. A l'école, je n'étais pas trop nul en lecture non plus, et quand je suis devenu collégien, les petites lettres d'amour étaient obligatoires en notre temps, parce qu'il n'y avait pas les sms, il n'y avait pas de portable ; forcément, il y avait de petites notes qu'on s'échangeait. Ensuite, je me suis décidé à l'écriture, j'ai écrit, mais je n'ai jamais pensé à me faire publier ; mon rêve, en réalité, était de me faire publier après ma mort, j'ai toujours aimé les Pensées de Blaise Pascal, qui ont été publiées après sa mort. J'ai bien envie d'avoir des oeuvres posthumes. Mon voeu d'écrire était vieux, mais celui de publier est vraiment récent ; il est né après l'ouvrage que j'ai conçu avec mes amis Anicet Mégnigbèto et Armand Adjagbo. Quant j'étais étudiant, j'écrivais dans la presse, j'avais travaillé avec L'aurore et avec d'autres organes de presse, mais je n'avais vraiment pas envie de publier, j'écrivais juste comme cela.

Et si tu étais un homme politique célèbre, tu serais qui ?

(Rires). Sans vous mentir, je n'ai jamais rêvé d'être un homme politique, mais, comme nous sommes dans l'imaginaire, j'ai bien envie de ressembler à Mandela.

Et si tu étais un roman ?

J'ai des goûts bizarres ; il n'y a aucun roman qui me plaise à 100%, je n'ai pas un roman réel en tête, mais je dirai que c'est la somme de plusieurs romans.

Un parfum ?

(Rires). C'est bizarre ; il y a l'odeur de cola qui éveille beaucoup de choses en moi.

Une couleur ?

J'aime le blanc et le noir, ou bien, je cherche l'intermédiaire entre le blanc et le noir.

Un repas ?

J'aime beaucoup l'escargot fait avec "amala" (Ndlr : pâte de coussettes d'ignames). Ce n'est pas une nourriture de chez moi, mais j'aime ça.

Une pensée ?

J'aime l'extrait des Pensées de Blaise Pascal qui dit : "Pour fare la grandeur de l'homme, travaillez à bien penser".

Une idéologie ?

Je crois que l'idéologie à laquelle je pense est défendue par Voltaire, Aimé Césaire, par beaucoup de gens, et je vais résumer cela à la liberté, la tolérance.

Un idéal de vie ?

Peut-être l'amour, l'amour prôné par les hommes, l'amour réel, pas l'amour propre, mais l'amour sale, l'amour humain, c'est-à-dire l'amour qui aime et qui haît à la fois, mais qui ne fait pas du mal parce qu'il est préconçu, parce qu'il est prémédité ; c'est l'amour qui fait du mal sans s'en rendre compte.

Une femme ?

Bien sûr, ma femme ! (Grands rires).

Un homme inoubliable pour toi ?

Sans mentir, beaucoup d'hommes m'ont marqué, mais celui qui m'a le plus marqué, c'est quelqu'un que je ne connais pas : Dieu.

Une ville ?

Lagos.

Une carrière ?

Bien sûr, celle que j'ai, l'enseignement.

Propos recueillis par Marcel Kpogodo

dimanche 15 août 2010

Initiatives culturelles innovantes au Bénin

Rafiy Okéfolahan, Président de l'Association Elowa et initiateur de Waba





Waba, en sa première édition



Quatre figures, un parcours hors de l’anonymat




S'il y a un événement qui a marqué l'année 2010, c'est Waba. La première édition de ce Festival s’est tenue du 05 au 10 juin 2010, dans le contexte de la vaste initiative culturelle concrétisée par le Ministère béninois de la Culture, en collaboration avec Cultures France et l’Ambassade de France près le Bénin, pour commémorer le cinquantenaire des indépendances africaines. Il s’agit d’une grandiose manifestation multidimensionnelle dénommée Regard Bénin 1.0, qui a mobilisé, dans une synergie néanmoins spécifiante, plusieurs opérateurs culturels privés et publics, béninois et étrangers. En ce qui concerne Waba, il a permis aux artistes plasticiens de Cotonou et de Porto-Novo d’ouvrir leurs ateliers au public, afin que celui-ci s’imprègne de l’intimité de leur création, qu’il découvre leurs conditions de travail et qu’il se renseigne sur la manière dont l’inspiration se métamorphose progressivement, par leurs soins techniques, intellectuelles et esthétiques, en une œuvre devant laquelle le monde entier viendra s’extasier, si elle se révèle d’une qualité hors du commun. Waba est donc un événement ayant mobilisé un nombre impressionnant d’artistes peintres, sculpteurs, plasticiens, vidéastes, des plus connus à ceux qui le sont moins, ce qui a fait participer à une même philosophie d’ouverture et de partage d’expériences de réussite, d’inusable espérance et de faits de précarité, notamment, Dominique Zinkpè, Philippe Abayi, Charly d’Almeida, Ludovic, Fadaïro, Kajero, Grek, Tchif, Totché, Eric Ahouansou, Midy, Kaman Esso, du Côté de Cotonou, et Youchaou Kiffouly, Virgil Nassara, Simplice Ahouansou, Ange, entre autres, à Porto-Novo. Ce sont, en tout et pour tout, 46 artistes dont deux femmes qui ont libéré, dans l’intimité de leur atelier, ce qu’ils ont jugé bon que les visiteurs connaissent d’eux, par le biais des cinq parcours prévus par bus pour la capitale économique, et des deux, pour la ville aux trois noms. Cette démarche unique de développement d’une humilité et d’une générosité inattendues chez ces créateurs a débouché sur la mise en vue de ceux d’entre eux auquel le public des connaisseurs et des simples observateurs n’est pas habitué : Romi, Amouros, Kaman Esso, d’une part, frappent par leur détermination à se faire un nom dans un univers d’une exigence imparable, et Théodore Dakpogan, d’autre part, impressionne du fait de sa recherche d’une rigueur technique d’une qualité renouvelée et plus porteuse.





Romi, un cachet d’authenticité


Dimanche 06 juin, deuxième jour de Waba, à Togbin, sur la route des pêches, un terrain de pique-nique en effervescence : l’aboutissement du Parcours ’’Océan’’, le troisième parmi les cinq prévus à Cotonou par Waba. Les visiteurs descendent du bus et Rafiy Okéfolahan, principal organisateur du Festival, nous dirige vers un atelier circonstanciellement installé, celui de Romi, une des rares femmes participantes. Teint clair, alerte, elle ne tarde pas à nous présenter quelques tableaux de son œuvre. Au fil des discussions qu’elle anime, surprise : l’artiste plasticien béninois très connu, Simon Soha, qui n’a pas participé à Waba, y a laissé une représentante, elle que ce maître a formée en deux ans et qui estime que c’est plutôt la peinture qui est venue à elle. Par conséquent, son investissement dans le domaine des arts plastiques a consisté à s’imprégner de techniques, afin de se spécialiser. Comme résultat, les pièces qu’elle montre, l’une après l’autre, nous font découvrir un investissement particulier de cette jeune femme dans la technique des pointillés aborigènes et des silhouettes de femmes ; elle récupère aussi des pagnes et utilise la terre comme matériau. Cette artiste, qui comptabilise environ quatre années dans cet univers, qui, après n’avoir pas réussi à obtenir le Baccalauréat, s’est investie dans l’informatique avant de se tracer un chemin plus convaincu vers l’art, n’exerce désormais que lui et en vit. Romi, dans une voix claire, précise que les thèmes qui l’inspirent, c’est tout ce qui bouge, plus spécifiquement la femme dont la cause pour la libération sociale fait le fondement de ses toiles et, aussi, tout ce qui se trouve lié à elle, notamment, les enfants, les enfants délaissés, les enfants rejetés dont elle veut donner de son énergie artistique à améliorer le devenir. Romi n’a pas froid aux yeux ; sûre d’elle, Waba lui donne des raisons d’exulter, ayant été une véritable opportunité pour elle de sortir de l’anonymat.






Amouros, le porte-flambeau des personnes handicapées


Jumelé à l’atelier de Romi, celui d’Amouros, de son vrai nom, Amour Yémadjro. D’une complicité certaine avec elle, son parcours n’en est pas moins spécifique. S’il exerce dans les arts plastiques depuis six années, il a beaucoup exposé dans le Nord-Bénin et travaille à Cotonou, à Togbin, au bord de la mer. Handicapé moteur, il n’est pas allé chercher bien loin les thèmes de son œuvre dont les toiles se distinguent toutes par des dessins de personnes handicapées : les enfants placés, encore appelés ’’vidomègons’’, les enfants travailleurs en bas âge et, naturellement, les êtres humains handicapés dont il veut intéresser et sensibiliser le public au sort peu enviable. S’il avoue vivre un peu difficilement de ses toiles, ses yeux brillent instantanément lorsqu’un visiteur évoque avec lui le 1er août prochain. Selon lui, la commémoration du cinquantième anniversaire de l’accession du Bénin à la souveraineté internationale, constitue une véritable opportunité pour les jeunes artistes béninois qui devront se pointer à Porto-Novo, centre névralgique des festivités, pour exposer des toiles, faire partager leurs idées et, face aux touristes, aux connaisseurs et aux curieux, sortir davantage de l’anonymat.


Théodore Dakpogan, le patron chercheur

Porto-Novo, jeudi 10 juin, le dernier jour du Festival Waba. Présent à la Maison du Patrimoine, pour suivre de près la clôture de l’événement, il avait au préalable accompli la formalité de nous parler un peu de lui au Centre culturel Ouadada, son point d’exposition. Né dans les mêmes années que l’accession du Bénin à l’indépendance, son regard n’est pas celui d’un naïf qui se cherche dans le domaine des arts plastiques. Au contraire, armé d’une assurance d’airain, il déroule son parcours d’artiste sculpteur, parti du métier de forgeron. Sa voix, quelque peu critique envers Waba dont il espère que les prochaines éditions travailleront mieux à drainer des visiteurs plus nombreux vers les exposants de la ville-capitale politique, nous révèle ses débuts en 1990 avec la Coopération française qui lui donna l’opportunité d’une grande exposition très réussie et fructueuse au Palais de Honmè. En dix ans d’exercice, ses yeux brillent d’une joie nostalgique lorsqu’il laisse lire en eux ses nombreux voyages d’exposition au Bénin, en Afrique, en Europe et à travers le monde. A l’heure actuelle, il expérimente un grand isolement pour découvrir de nouvelles voies d’un art sculpteur plus novateur. Théodore Dakpogan, marié, quatre fois père, vit exclusivement de l’art qu’il fait par le biais des tôles, des bouts de verre, des vis, des boulons, des chaînes et des dents d’engins qu’il récupère et reconvertit en pièces de modelage de ses personnages. Quelques fois, il se rapproche de la forge à laquelle certains travaux ponctuels le ramènent. Les personnages qu’il a matérialisés récemment portent la marque d’un regard profondément dénonciateur du comportement des jeunes filles béninoises d’aujourd’hui qui, habillées en pantalon, laissent déborder leurs perles. S’il se laisse aller à la sensibilisation, c’est pour les appeler à changer de comportement et, dans un autre registre, pensant à la commémoration des 50 ans de son indépendance par le Bénin, il exhorte les pouvoirs publics à penser au développement du pays et, surtout, à doter les artistes d’un vrai statut, comme cela est le cas dans bien de pays de la sous-région.




Kaman Esso, le Doyen aux messages percutants

« A tout seigneur, tout honneur ». La visite de son atelier sis quartier Aïbatin, au détour d’une ruelle, fait découvrir, à l’entrée, à gauche et à droite, un projecteur, ce qui rappelle son métier de photographe et qui lui permet de préciser au petit monde visiteur qu’il a aussi exercé en tant qu’imprimeur. Ce sexagénaire qui, apparemment, se prépare un destin de la Capverdienne Césaria Evora, ne cache pas, d’entrée de jeu, son enthousiasme pour Waba, lui qui a la chance de recevoir une grande visite, dès le premier jour de la manifestation. Confessant très tôt que son nom ’’Kaman Esso’’ signifie, en nago, ’’Connaissons nos limites’’, il se présente comme un homme qui n’aime nullement exagérer en ce qu’il fait. Dessinateur depuis son âge d’enfant, ayant exercé à l’étranger les deux métiers évoqués précédemment, il ne s’est remis aux arts plastiques que trois années auparavant ; ses tableaux, de format légèrement en dessous de la moyenne, côtoient très peu l’abstraction et font découvrir une peinture réaliste dont le message trouve sa compréhension dans une exploration philosophique du monde. Au bas de quelques-unes de ses toiles, la signature n’est pas ’’Kaman Esso’’, mais tient en une phrase : « Les mains prolongent la pensée », ce qu’il explique en rendant hommage au Créateur qui a pourvu l’homme des mains lui permettant de « marquer ses sentiments, de démontrer ce qu’il est et ce qu’il fait ». Evoquant sa démarche, il se déclare imprégné de tout système artistique et peint de préférence à l’huile pour parler au public de tout ce qui se passe autour de lui. Kaman Esso, originaire de Pobè, né à Abomey d’une mère originaire de cette ville et d’un père natif d’Agonli, impressionne par la force et la profondeur avec laquelle il convertit des phénomènes simples de la vie en des leçons que les hommes devraient se donner l’humilité de suivre, afin de mener une existence davantage heureuse et épanouissante. Néanmoins, il lui tient fortement à cœur de faire passer que les autorités de notre pays devraient travailler ardemment à amener les féticheurs, les marabouts et toutes les formes de pratiquants de l’occulte à tourner leurs activités vers le bien, à faire en sorte que le gris-gris travaille plutôt au bonheur des Béninois. Le contraire aujourd’hui, selon lui, est le résultat du refus de ses compatriotes de fréquenter leur village et de bon nombre de Béninois de la diaspora de rentrer au pays, pour contribuer à son développement. Cet artiste qui s’exprime ainsi, qui se rend intarissable quand il s’agit d’évoquer de précieuses leçons de vie et qui est décidé à rompre avec l’anonymat artistique porte comme vrai nom Lucien Houéssou.

Réalisation : Marcel Kpogodo